Cannabis : LFI défend la légalisation sous contrôle public face à l’échec de la répression

Racisme, désordre et inefficacité. C’est ce qu’il ressort des « grandes lignes du plan pour lutter contre le trafic de drogue » présenté hier par Bruno Retailleau. Au programme : des « cyberpatrouilleurs » pour répondre à une soi-disant « mexicanisation » du pays et contre des trafiquants « aussi dangereux que les barbus ». À quand des satellites espions par foyers ? Plutôt […]

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Racisme, désordre et inefficacité. C’est ce qu’il ressort des « grandes lignes du plan pour lutter contre le trafic de drogue » présenté hier par Bruno Retailleau. Au programme : des « cyberpatrouilleurs » pour répondre à une soi-disant « mexicanisation » du pays et contre des trafiquants « aussi dangereux que les barbus ». À quand des satellites espions par foyers ?

Plutôt que de tirer le bilan sur des décennies de politiques répressives inefficaces, Bruno Retailleau remet cent pièces dans une machine à bout de souffle en y injectant sa doctrine raciste et réactionnaire. L’Insoumission vous décrypte les contours d’une politique prohibitionniste inutile et dangereuse, à laquelle les insoumis opposent une solution déjà appliquée dans de nombreux pays : la légalisation du cannabis sous le contrôle de l’Etat, de la production jusqu’à la consommation. Notre article.

Une chasse aux consommateurs plutôt qu’aux trafiquants

Actuellement, en France, les forces de police concentrent presque toute leur attention sur les consommateurs. Ceux-ci représentent 83% des personnes interpellées pour infraction à la législation sur les stupéfiants (ILS), contre 6% pour les trafiquants. Comme l’indique l’avis « usages de drogues et droits de l’homme », publié par la Commission nationale consultative des droits de l’homme, en matière de stupéfiants, l’activité des forces de l’ordre est centrée sur la lutte contre la demande.

Les réseaux de trafic de drogues ne sont pris en chasse qu’à la marge ; ce qui ne laisse pas présager de leur chute prochaine. En cause aussi, toute une politique du chiffre visant à fournir des statistiques, plutôt que des résultats pour le démantèlement des grands trafics criminels.

La lutte contre la consommation coute extrêmement cher à l’Etat chaque année. Dans l’annexe du projet de loi de finances consacré à la politique anti-drogue, le budget annuel consacré à la répression des usagers et trafiquants est chiffré à deux milliards d’euros. Deux milliards pour courir après des consommateurs, leur confisquer quelques grammes, et laisser les réseaux de trafic internationaux s’engraisser.

Mais d’où vient cette obsession avec la lutte contre le cannabis ? Pourquoi une politique aussi répressive et prohibitionniste ?

La répression du cannabis aux Etats-Unis : une histoire de racisme

L’histoire de l’usage du cannabis est longue et diverse : du médical au méditatif, la substance est retrouvée dans divers contextes. Au cours du XIXe siècle, certains régimes tentent de mettre la main dessus, souvent dans le cadre de plans de contrôle des drogues. Cela s’inscrit par ailleurs dans une supervision grandissante des produits pharmaceutiques.

Comme démontré par Le Transnational Institute, les premières mesures de contrôle du cannabis ont été pensées pour maîtriser les groupes vivant aux marges de la société ; il s’agissait alors de réguler leurs pratiques afin de réduire leur autonomie. La répression des populations soufies en est un bon exemple.

La véritable attaque contre le cannabis est pourtant survenue dans les années 30 aux Etats-Unis. Harry J. Anslinger, homme de droite puritain et conservateur, est nommé au Bureau Fédéral des Narcotiques. Il met en place une propagande anti-cannabis d’ampleur. Elle passe par des articles évoquant la prétendue violence des immigrés mexicains, soi-disant due au cannabis ; mais aussi par des films de propagande, comme Reefer Madness et Assassin of Youth auquel Harry J. Anslinger collabore personnellement.

Derrière la dangerosité du cannabis, Anslinger vise surtout les Américains noirs et hispaniques. Il déclare que la « musique satanique » des musiciens de jazz est « conduite par la marijuana », une drogue qui provoque « folie, criminalité et mort ». Cela mène à l’adoption du Marihuana Tax Act en 1937, une loi de taxation extrême de tous les acteurs de la filière du chanvre ; qui dissuade d’en faire usage.

La répression du cannabis en France : un paradigme prohibitionniste

En France, le cannabis est interdit pour la première fois en pleine Première Guerre Mondiale, par la « loi sur les substances vénéneuses » du 12 juillet 1916 ; il est accusé de démobiliser les troupes. De nos jours, la détention et la consommation de cannabis relèvent de la loi relative aux mesures sanitaires de lutte contre la toxicomanie et à la répression du trafic et de l’usage illicite de substances vénéneuses, adoptée en 1970. Celle-ci proscrit sans nuance la possession et l’usage de cannabis.

Nous avons donc gardé en France le paradigme prohibitionniste venu des Etats-Unis, alors que l’approche de la régulation des drogues a profondément changé, notamment en Europe. La légalisation ou la dépénalisation sont de plus en plus fréquentes, et la consommation, de plus en plus encadrée par les Etats.

Pour rappel, la dépénalisation est la suppression des sanctions pénales, alors que la légalisation consiste à rendre une action légale dans un cadre dicté par l’État. Légaliser ne consiste donc pas à autoriser en toute circonstances, mais à poser des conditions ; par exemple, la légalisation de l’avortement ne permet pas d’avorter à n’importe quel stade de la grossesse.

Efficacité de la légalisation, inefficacité de la prohibition

Ainsi, le Portugal a dépénalisé l’usage de drogue en 2001. Il s’en est suivi un encadrement strict par l’État. Vingt ans après, le Portugal est l’un des pays les moins consommateurs de cannabis d’Europe, grâce à ses politiques de prévention, d’accompagnement et de réduction des risques.

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Avec 44,8 % d’habitants ayant déjà consommé du cannabis, la France fait figure de dernier de la classe. Il faut dire que la consommation de cannabis représente 80 % de la consommation de l’ensemble des drogues en France.

En juin 2021, un rapport parlementaire reconnaît : « Malgré une réglementation française caractérisée par son caractère prohibitif et la sévérité des sanctions pénales attachées à la détention et la consommation de cannabis, l’échec des politiques publiques en la matière fait aujourd’hui l’objet d’un constat unanime. »

Cette politique inutile, car elle ne diminue en rien l’usage de la drogue, asphyxie pourtant nos services judiciaires : le taux de réponse pénale en matière de stupéfiants est de 98,2 % pour les infractions d’usage. Légaliser le cannabis, c’est donc aussi dégager du temps à la police et la justice pour d’autres missions ; notamment se concentrer sur les réseaux de trafic et les « gros poissons », jusqu’ici relativement épargnés par les sanctions.

Pour aller plus loin : Légalisation du cannabis : 54% des Français soutiennent la proposition de loi LFI

La prohibition : un danger pour l’égalité

En plus de cela, la législation française sur les stupéfiants conduit à des situations qui nient le droit à un procès équitable. Comme l’explique la Commission nationale consultative des droits de l’homme, 90 % des cas d’interpellation pour usage ou pour détention en vue d’usage se font en flagrant délit, ou suite à un contrôle d’identité justifié par un soupçon d’infraction.

Le nombre d’ILS constatées dépend donc avant tout de l’activité déployée par les services de police. Or, non seulement les policiers mettent en place un traitement différencié raciste ; mais le mode de consommation n’est pas le même pour tous les usagers. Par exemple, se faire livrer du cannabis coûte plus cher que de l’acheter dans la rue. Les conditions mêmes de la chasse à la drogue, son terrain comme ses acteurs, mènent finalement à l’injustice.

Enfin, la répression mène au danger lui-même. Un individu qui fait usage de drogue aura plus de mal à se tourner vers une aide médicale adaptée s’il craint de se faire dénoncer à la police.

A ce propos, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme montre que « les usagers de drogues vivant dans des pays où la consommation de drogues [est] une infraction pénale [peuvent] hésiter à se faire soigner par crainte que des informations concernant leur consommation ne soient communiquées aux autorités et n’entraînent leur arrestation ou emprisonnement ».

Encadrer consommation, production et vente par un monopole d’état : la proposition de la France insoumise

Dès lors, quelles solutions apporter ? Le programme de la France insoumise se résume en une mesure phare : légaliser et encadrer par un monopole d’État la consommation, la production et la vente de cannabis à des fins récréatives dans des conditions permettant de lutter contre l’addiction.

L’encadrement par un monopole d’État permet de flécher les dépenses et les revenus générés par le trafic de cannabis. Il s’agit de contrôler toute la chaîne, de la production à la distribution. On combat ainsi le capitalisme sauvage qui règne actuellement sur le secteur, rend la vie précaire aux « petites mains » du trafic, et provoque des règlements de compte violents.

Comme l’explique la proposition de loi relative à la légalisation de la production, de la vente et de la consommation du cannabis sous le contrôle de l’État déposée en 2021 à l’initiative des députés LFI Eric Coquerel et Danièle Obono, la prohibition est une source de problèmes en matière de santé publique. On ne peut pas contrôler les produits, qui sont coupés par les trafiquants pour en renforcer les effets ; les rendant au passage plus dangereux. La légalisation permettrait la création de filières professionnelles réglementées pour diminuer la dangerosité des substances.

Cela créera automatiquement bon nombre d’emplois, réduira les risques liés à l’usage de cannabis, protégera les « petites mains » de la drogue et soulagera les institutions, tout en réorientant leur mission. Il s’agit d’installer une police de proximité non-hostile capable de prévention et, parallèlement, d’allouer plus de moyens aux polices d’investigation et judiciaire, placées sous la responsabilité dun magistrat.

La réduction des risques et la prévention comme solutions

Les recettes tirées de la vente de cannabis par le monopole étatique pourront être affectées à des programmes de lutte contre les addictions, notamment en milieu scolaire, et à une politique de prévention, de réduction des risques et d’aide à la désintoxication.

L’efficacité des politiques de réduction des risques (RDR) ne sont plus à prouver. Elles consistent à accepter l’idée de la consommation de drogue, tout en l’encadrant dans le but de minimiser ses possibles effets négatifs.

La réduction des risques est apparue dans les années 90, comme politique nouvelle vis-à-vis du « tolérance zéro » prohibitionniste. C’est une posture « d’aller vers » les usagers, qui les prend en considération, eux, et leur consommation. La dépénalisation ouvre la parole ; dès lors, les usagers peuvent être pris en charge, écoutés, suivis, accompagnés dans leur sevrage. Lever la pénalisation est aussi la fin d’un tabou, d’une omerta qui met les consommateurs en danger. A terme, les politiques de prévention et de RDR sont les plus efficaces sur la santé, comme le montre l’exemple portugais.

Comme l’affirme le coordinateur de la France insoumise Manuel Bompard et le député LFI des Bouches du Rhône Sébastien Delogu , il est plus facile de mettre en place des politiques publiques à l’égard d’un produit légalisé que d’un produit interdit ; en particulier s’il fait l’objet d’un monopole d’Etat. Le marché légal couperait le flux financier aux trafiquants, et permettrait de se concentrer sur les vastes réseaux de trafic plutôt que sur les consommateurs. Il est temps de sortir du débat factice entre politique laxiste et ferme ; et de se concentrer sur l’efficacité en termes de lutte contre la consommation de drogue.

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