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À Paris, des néo-nazis défilent sous protection policière

Nazis. Ce samedi 11 mai, les rues de Paris ne sont plus sûres. Dans le 5ᵉ arrondissement de la capitale, le bruit des pas (pour ne pas dire le bruit des bottes) résonne contre les murs des immeubles haussmanniens, à mesure qu’avance le défilé. Et puis, le cortège s’arrête. Les participants, qui portent leur engagement néonazi (notamment avec leurs cagoules estampillées « GUD Paris » ou « C9M », Comité du 9 Mai) sur le visage et sur leurs vêtements, s’espacent d’un mètre chacun. Certains portent un drapeau noir frappé d’une croix celtique (symbole néonazi), beaucoup ont le visage caché par des cagoules et des casquettes.

Le visage découvert, le meneur de la manifestation crie au mégaphone, repris par le reste du cortège, « Europe, Jeunesse, Révolution ». Un slogan néofasciste, inspiré de l’extrême droite italienne d’après-guerre. Le nombre de participants est difficile à saisir : les organisateurs en revendiquent 1 200, la police tranche pour 500, et BFMTV penche pour 850 manifestants. Un défilé nazi à Paris en 2024 ? Oui et ce n’est pas le premier, loin de là. Notre article.

Des néo-nazis défilent sous protection policière en France en 2024

Cette manifestation du Comité du 9 mai a en réalité lieu tous les ans (celle de l’an dernier avait aussi beaucoup fait parler d’elle, un proche de Marine Le Pen, Axel Loustau, y avait notamment menacé un journaliste). Cette marche annuelle de la fine fleur de l’extrême-droite remonte à 1994. Le 9 mai de cette année, un néonazi chute d’un toit d’immeuble en fuyant la police et meurt ; dès lors l’extrême droite se rend tous les ans sur les lieux de la chute, menée pour l’occasion par le GUD.

Pour aller plus loin : Scandale : des néo-nazis défilent en plein Paris avec l’autorisation de la préfecture, deux proches de Marine Le Pen dans leurs rangs

Cette année, la préfecture de Paris a tenté d’interdire le rassemblement (au prétexte de possibles troubles à l’ordre public), qui est finalement autorisé in extremis par le tribunal administratif de Paris, car une telle interdiction serait une « grave » atteinte à la liberté d’expression.

Penchons-nous sur la faune qui a eu la pleine liberté de s’exprimer. Le chef de meute s’appelle Gabriel Loustau, le fils d’Axel Loustau, cet ancien Gudard proche de Marine Le Pen. C’est donc Gabriel qui mène la nouvelle génération néonazie dans les rues parisiennes en criant divers slogans au mégaphone : « Europe Jeunesse Révolution », « À tous les camarades qui sont tombés, présents ! » (déjà scandé par cette foule de fascistes italiens en janvier dernier, qui n’a pas hésité à faire des saluts fascistes).

Comme le relève le Huffington Post, sur les boucles Telegram appelant à la manifestation, les militants sont bien plus bavards que dans le cortège : hommage à des collabos, aux terroristes de l’OAS (Organisation Armée Secrète)… Quant au service d’ordre (que la police laisse en paix), celui-ci empêche les journalistes de prendre des images du défilé à l’aide de parapluies, quand il n’essaie pas de les intimider : « C’est fini le quart d’heure journalistes. Quand je commence à m’énerver, tu bouges ! »

Ce que les manifestants portent en dit aussi long. Leurs drapeaux par exemple arborent la croix celtique, symbole utilisé par les nazis en Allemagne dès les années 1930, et en France par les fascistes du Parti Populaire Français. Dans le cortège, on remarque aussi des t-shirts de la marque « Baptou solide », créée par Loïk Le Priol, cet ancien du GUD accusé d’avoir abattu en pleine rue le rugbyman Federico Martin Aramburu. D’autres t-shirts ont aussi été aperçus, comme ceux des « Active clubs », des clubs d’arts martiaux à l’idéologie néonazis et suprémaciste, souvent épinglés pour leurs agressions et leur violence.

Pour finir sur l’aspect « mode » de ces nazis, on a pu voir des t-shirts «d efend »suivi du nom d’une ville, comme « Defend Vesontio » (nom latin de Besançon), affublé d’un fusil AK-47. Il s’agit de dérivés de « Defend Europe », slogan aussi très prisé dans les milieux suprémacistes.

Le défilé du C9M a aussi reçu une délégation américaine, et pas n’importe laquelle. C’est le journaliste Ricardo Parreira qui relève la présence, lors de la commémoration, des drapeaux du Patriot Front : encore un mouvement suprémaciste blanc, néonazi et violent d’outre atlantique.

Rempli de militants venus de toute la France (Paris et Lyon principalement), le cortège comptait aussi quelques têtes connues et identifiées. Outre le fils d’Axel Loustau, le média indépendant bisontin le Ch’ni a par exemple repéré plusieurs têtes connues de l’extrême droite franc-comtoise, comme Ilann F., qui était présent lors de la descente néonazie à Romans-sur-Isère en décembre 2023. Il a été condamné à 8 mois de prison ferme pour sa participation (puis condamné en appel à une peine plus légère).

Pourquoi un défilé néo-nazi est autorisé après les interdictions de manifestations anti-racistes ou pour la paix en Palestine ?

Fort heureusement, ce défilé ne s’est pas déroulé avec l’approbation des parisiens. Plusieurs passants ont hué ces néonazis, les qualifiant à raison de « fachos » et de « racistes ». À quelques centaines de mètres de là, un village antifasciste rassemblait de nombreuses organisations, syndicats, associations et partis politiques : la France Insoumise y était bien présente.

Cependant, la tenue de cette manifestation interroge. Du côté de la police, même si la préfecture a d’abord interdit le défilé, les fonctionnaires encadrant le cortège se sont montrés très accommodants, mettant une distance entre eux et la manifestation, ou tolérant les visages masqués. La décision du tribunal administratif aussi pose question : pourquoi un défilé néonazi est autorisé après les interdictions de manifestations anti-racistes ou pour la paix en Palestine ?

Enfin, dans les médias cet événement, pourtant grave, ne fait pas les gros titres. Des néo-nazis défilent dans les rues de Paris, et tout le monde s’en moque allégrement ? Quand la tête de liste de l’Union Populaire pour les élections du 9 juin, Manon Aubry, dénonce la manifestation du 11 mai en la qualifiant, comme il se doit, de « néonazie », la journaliste de CNews la reprend. Impensable pour les affidés de Bolloré que des néonazis se trouvent sous des drapeaux frappés de symboles… néonazis.

Par Alexis Poyard