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Pour l’arrêt du génocide à Gaza : la mobilisation étudiante prend une ampleur inédite

Gaza. Aux quatre coins du globe, depuis plusieurs semaines, les étudiants de toutes nationalités se mobilisent sur leurs lieux d’études pour dénoncer le génocide en cours à Gaza. Sur les campus, les assemblées générales, les rassemblements et les occupations fleurissent chaque jour. Le cessez-le-feu, la paix et le respect du droit international : leurs revendications sont claires, et leurs modes d’actions pacifiques mais déterminés.

Après des semaines de mobilisations dans les universités les plus prestigieuses des États-Unis – Harvard, Columbia, UCLA…, en France, c’est Sciences Po Paris qui a donné le ton dès le mercredi 24 avril. Plus de 400 étudiants ont occupé et bloqué l’université pendant plusieurs jours. Après avoir envoyé une première fois les forces policières déloger les étudiants à l’intérieur, la direction a finalement cédé à leurs revendications, face à la force du nombre. Cette première victoire étudiante a agi comme une détonation dans le pays. Le soir même, les étudiants mobilisés ont partagé un communiqué appelant à étendre la mobilisation partout en France.

Leurs camarades ont répondu présents. Depuis le début de la semaine, des dizaines de facultés en France sont entrées dans la mobilisation, à Paris comme en province. En première ligne du mouvement pour la paix, les étudiants appellent tous les secteurs de la société à les rejoindre. Et c’est déjà partiellement le cas : lycéens, travailleurs, quartiers populaires, etc. Le soutien à leur mobilisation est massif et risque de se propager davantage dans les jours à venir. Et ce, malgré la répression policière inédite qui s’abat sur le mouvement.

Un sursaut de mobilisation donc, alors que les manifestations en soutien à la cause palestinienne prospèrent à l’international depuis le mois d’octobre. La mobilisation étudiante pourrait bien agir comme le détonateur nécessaire à l’élargissement, et faire entrer le mouvement pour la paix dans une nouvelle phase. Notre article.

Aux États-Unis, les germes d’une mobilisation étudiante de masse

Tout a commencé à la mi-avril sur les campus américains. De Harvard (Boston) à Columbia (New-York) en passant par UCLA à Los Angeles, les universités deviennent le théâtre de protestations massives pour l’arrêt du génocide à Gaza. Les « campements en solidarité avec Gaza » – constitués de tentes disposées aux abords des campus – rassemblent plusieurs centaines d’étudiants pendant des jours et des nuits. Ils se sont intensifiés après que la police de New York ait violemment réprimé la mobilisation à Columbia le 18 avril, arrêtant plus d’une centaine d’étudiants de la prestigieuse université.

Depuis cette date, les campements ont fleuri partout à travers le pays. Nombre d’entre eux ont été interdits ou démantelés par la Police, à l’université d’Austin au Texas ou celui de Boston notamment. Le site palestineiseverywhere.com recense l’ensemble des campements aux États-Unis et à travers le monde : il en décompte actuellement 115 campements et 134 mobilisations. Sans compter les rassemblements de soutien éphémères et les assemblées générales étudiantes qui se multiplient partout.

Cette mobilisation désormais mondiale marche dans les pas des plus grands mouvements étudiants historiques, Mai 68 ou le mouvement anti-guerre du Vietnam. En solidarité avec Gaza, la jeunesse américaine renoue avec sa tradition contestataire et pacifiste. Aux États-Unis, les actions sont déjà décrites par tous, médias et spécialistes, comme « la plus importante mobilisation étudiante du XXIème siècle ». Elles s’inscrivent aussi dans la continuité de mobilisations plus récentes, Black Lives Matter en 2020 ou Occupy Wall Street en 2011 notamment. Le mouvement pour la paix et la justice en Palestine tient d’ores et déja une place élevée au sein de la longue tradition de mobilisation estudiantine.

Mustafa Al-Nomani, étudiant à l’Université de la ville de New York (CUNY), explique d’ailleurs : « Nous avons un droit sur nos universités en tant qu’étudiants. CUNY [Université de la ville de New York] a été un foyer de mobilisation étudiante constant depuis les années 60 et la guerre au Vietnam. Et maintenant, nous protestons contre un génocide en cours, qui bénéficie de l’aide des États-Unis ».

Aux États-Unis, plus de 100 campus dans près de 30 États différents sont actuellement mobilisés. Le Canada et ses plus grandes universités s’y mettent également. À l’autre bout du globe en Australie, les universités sont elles aussi en première ligne, de Sydney à Melbourne. Des campements ont aussi été recensés au Japon, en Inde mais aussi au Moyen-Orient avec le Liban, l’Égypte et d’autres encore. L’Europe commence elle aussi à entrer dans la danse, la France en première ligne.

Un message clair : stop au génocide à Gaza, stop à l’inaction complice

Ces millions d’étudiants à travers le monde se mobilisent pour porter une seule et même voix : celle de la paix et de la justice en Palestine. Se référant au droit international, les étudiants dénoncent le génocide à Gaza en s’appuyant sur les conclusions de la Cour Internationale de Justice et sur les rapports des Nations-Unies, particulièrement le rapport de Francesca Albanese, « Anatomie d’un génocide ».

Certaines demandes des étudiants visent directement leurs universités, et notamment l’arrêt des partenariats de leurs écoles avec des universités ou des entreprises israéliennes soutenant explicitement la politique génocidaire de Netanyahu. À Sciences Po Paris, les étudiants scandent : « Sciences Po, Sciences Po, you can’t hide, you support a genocide. Gaza, Gaza, don’t you cry, we will never let you die » [En français : Sciences Po tu ne peux pas te cacher, tu soutiens un génocide. Gaza, ne pleure pas, on ne te laissera jamais mourir]. Ils demandent eux aussi que cessent ces partenariats.

Mais la lutte des étudiants est bien plus large qu’une lutte localisée. Leurs revendications s’inscrivent surtout dans la mobilisation générale pour un cessez-le-feu et la libération de la Palestine de toutes les formes d’oppressions. Une lutte décoloniale, pour les droits humains et le respect du droit international qui dure déjà depuis des mois. Partout à travers le monde, on peut entendre Free Palestine ou Viva viva Palestina.

Dans l’hexagone, reprenant l’air des Gilets Jaunes, les étudiants scandent : « On est là, on est là, même si Macron ne veut pas nous on est là, pour l’honneur de la Palestine et tous ceux qu’on assassine ». Avec émotion et gravité, les étudiants scandent également : « Enfants de Gaza, enfants de Palestine, c’est l’humanité qu’on assassine. » Un cri du coeur contre le génocide, pire ennemi de notre humanité commune.

Les étudiants dénoncent aussi et surtout la complicité de leurs gouvernements avec le génocide en cours à Gaza. Le soutien actif des États-Unis, tout comme l’envoi d’armes à l’État d’Israël par Emmanuel Macron sont « une honte absolue » pour les étudiants qui ne veulent pas « détourner le regard des massacres commis ». Ils réclament la paix, et ont choisi de s’emparer de leurs lieux d’études pour clamer cette urgence.

Pour aller plus loin : La France a livré au moins 100 000 pièces pour fusils mitrailleurs à Israël fin octobre 2020

Malgré la répression, le mouvement étudiant se propage

Répression policière, désinformation médiatique et diabolisation : face au peuple qui se soulève pour demander paix et justice, les gouvernements répondent d’une même voix. Aux États-Unis comme en France, la niveau de répression est inédit. À Columbia, les images des violentes arrestations par centaines ont été massivement diffusé sur les réseaux sociaux, choquant le monde entier. À Atlanta, la police a même reconnu avoir utilisé des « agents chimiques irritants » lors de ses arrestations sur le campus. De son côté, l’ONU s’est dite « très inquiète » des actions de la police sur les campus étasuniens et de leur « impact disproportionné » selon les mots du Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’Homme, Volker Türk.

Niveau inédit en France aussi. Mercredi 24 avril, les CRS ont été autorisés à pénétrer dans l’enceinte même de Sciences Po pour déloger de force les étudiants rassemblés pacifiquement. Un précédent historique, « choquant et dangereux » dénoncent les étudiants. Le lendemain, les forces policières étaient à nouveau au sein de La Sorbonne pour arrêter et matraquer les étudiants mobilisés. De même à Sciences Po Toulouse, où les coups de matraques ont accompagné l’évacuation des jeunes sur place.

La sphère politico-médiatique a elle aussi sorti l’artillerie lourde pour décrédibiliser un mouvement pourtant pacifique. Réagissant à l’occupation de Sciences Po, la ministre de l’Enseignement supérieur Sylvie Retailleau a appelé la Police à intervenir à nouveau contre les étudiants mobilisés pour la paix, au détriment de leur sécurité et de la bonne tenue de la mobilisation. Le Premier ministre Gabriel Attal a lui aussi enchaîné les mensonges sur BFM-TV : « Sciences Po a été mis à sac, à feu et à sang ». Il a aussi dénoncé « les dérives d’une minorité agissante et dangereuse qui veut imposer une idéologie venue d’outre-atlantique ». Les étudiants lui répondent : la défense des droits humains et du droit international est une cause universelle et digne.

Le mouvement universitaire en cours n’échappe donc pas à la tendance générale qui visent à faire taire les voix de la paix partout dans le monde. Sous la France de Macron : annulation de conférences, convocation de syndicalistes et responsables politiques pour « apologie du terrorisme », répression policière des manifestants, etc. Les étudiants mobilisés, soutenus par différentes organisations, dénoncent un continuum « dangereux pour nos libertés et nos démocraties ». Pourtant, la répression policière et les intimidations du Gouvernement n’ont pas eu raison du mouvement étudiant. Au contraire, elle n’ont eu pour seul effet le renforcement du mouvement et la massification du soutien au sein de la communauté étudiante.

Pour aller plus loin : Rima Hassan convoquée par la Police : la scandaleuse criminalisation des voix de la paix

Après Sciences Po Paris, occupée de mercredi à vendredi 26 avril et la Sorbonne le lundi suivant, les manifestations universitaires pour la paix s’étendent partout en France. À l’issue de l’occupation victorieuse des étudiants de Sciences Po Paris, ces derniers ont proposé un communiqué le soir même appelant à généraliser la mobilisation partout en France. Rapidement repris par de nombreuses organisations, son effet a été retentissant.

La communauté étudiante a répondu présente, et en masse. De la capitale aux villes moyennes de province, les universités se soulèvent d’une même voix : celle de la paix et du soutien au peuple Palestinien qui vit à l’heure du génocide à Gaza. Sciences Po Rennes, Sciences Po Grenoble, Sciences Po Lyon et Saint Étienne, Sciences Po Toulouse, Sciences Po Saint-Germain-en-Laye ou encore Sciences Po Bordeaux ont tous rejoint la mobilisation. Les campus de Sciences Po Paris délocalisés à Menton, Strasbourg, Reims et Dijon ont eux aussi pris leur part. Rassemblement, blocage, occupation des campus : les étudiants reprennent tous le même mode d’action.

Dans les universités, même son de cloche. Les facultés de Lyon 3, Tolbiac, Nanterre, Paris 8, Paris Cité ou encore Sorbonne Université se mettent en mouvement depuis plusieurs jours. Dans la plupart des cas, la police intervient toujours pour brimer le mouvement et évacuer les étudiants de leurs propres lieux d’études, le plus souvent brutalement. D’autres universités appellent à leur tour à la mobilisation dans les jours à suivre.

Vers un front uni contre la criminalisation des voix de la paix

L’heure est donc à la mobilisation de la jeunesse, et au-delà. Pas seulement estudiantine d’abord, puisque les lycéens entendent eux aussi prendre part à ce mouvement massif de contestation. Vendredi 26 avril, Manes Nadel, vice-président de l’Union Syndicale Lycéenne s’est rendu à Sciences Po en soutien aux étudiants mobilisés. Son message était clair : « Lycéens, étudiants, salariés : mettons-nous en action, bloquez les envois d’armes à Israël, cessez-le-feu ! » Les lycéens entendent bien ne pas rester en marge de la protestation. Beaucoup d’entre eux se sont déjà mobilisés contre la réforme des retraites ou Parcoursup. Et ils se disent prêts à repartir, en solidarité avec le peuple Palestinien.

Mardi 30 avril, L’insoumission s’est rendue au rassemblement contre la criminalisation des voix de la paix, en soutien à Mathilde Panot et Rima Hassan convoquées pour apologie du terrorisme. Dans les rangs des manifestants comme à la tribune : de nombreux messages de soutien aux étudiants mobilisés. L’insoumission s’est entretenu avec Léa, élève de Première au lycée Blaise Cendrars en Seine-Saint-Denis, mobilisée depuis des mois pour dénoncer les conditions d’étude de son lycée. Elle a affirmé vouloir continuer le mouvement commencé dans les universités, et discuter activement avec ses camarades lycéens de moyens d’action.

Les mobilisations actuelles sont aussi soutenues par une grande partie du corps enseignant dans les universités concernées. À Sciences Po, des professeurs et enseignants-chercheurs ont pris part publiquement à l’occupation du 29 avril. Le 26 avril, les chercheurs du prestigieux Centre de recherches internationales (CERI) et du Medialab ont exprimé leur soutien aux étudiants mobilisés. Ils rappellent que « le mouvement étudiant actuel est d’envergure internationale » et que « les prises de positions des étudiants sur l’actualité internationale sont légitimes. La réponse de l’institution ne saurait être l’intervention des forces de l’ordre ».

Soutenue par une immense majorité de la population, et par de nombreuses organisations politiques, syndicales ou associatives, la mobilisation étudiante rassemble bien au delà des universités. Aux États-Unis, par exemple, l’association Jewish Voice for Peace a exprimé dans un communiqué son total soutien aux mobilisations en cours sur les campus américains. En France, de nombreux députés LFI se sont déplacés sur chaque campus en soutien aux étudiants mobilisés pour la paix. À plusieurs reprises, ils ont du s’interposer entre les étudiants et les CRS pour éviter les charges policières.

À Sciences Po, les associations Urgence Palestine et Association France Palestine Solidarité ont également pris entièrement part au mouvement. Des signaux d’espoir pour les étudiants qui souhaitent se faire entendre au delà de leurs rangs.

Face à la situation actuelle, les uns et les autres aspirent à forger une convergence des voix de la paix entre tous les secteurs. Étudiants, lycéens, travailleurs, responsables politiques et associatifs : tous subissent les frais d’une politique de plus en plus répressive à leur égard. La criminalisation croissante des voix de la paix conjuguée à une mobilisation d’ampleur de la jeunesse sera peut-être le détonateur d’un nouveau mouvement de masse. La mise en mouvement politique du peuple se fera par la revendication universelle de la paix.

Par Zoé Pébay

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