MACRON ARMES

La France a livré au moins 100 000 pièces pour fusils mitrailleurs à Israël fin octobre 2023 

La France a autorisé, fin octobre 2023, la livraison à Israël d’au moins 100 000 pièces de cartouches pour des fusils mitrailleurs. C’est ce qu’a révélé le média d’investigation Disclose ce matin en dévoilant les preuves d’une cargaison expédiée en secret depuis Marseille. 100 000 pièces destinées à des armes automatiques de type Negev 5, lesquels sont utilisés dans le génocide perpétué par l’armée de Netanyahu à Gaza. Des balles notamment utilisées lors du massacre de la farine, comme l’a démontré l’ONG Euro-Med Human Rights Monitor.

Ces révélations font voler en éclats toutes les déclarations gouvernementales. « Objectivement, il n’y a pas de relations d’armement avec Israël » disait en coup de menton Sébastien Lecornu, ministre de la Défense, le 27 février à l’Assemblée nationale, avant d’avouer « quelques licences » mais « pour des systèmes défensifs pour le Dome de fer ».

Suite au massacre de la farine, Macron réclamait « justice et vérité » en condamnant « fermement ces tirs ». Des tirs de ses propres balles vendues à l’armée de Netanyahu. Ces révélations amèneront-elles Emmanuel Macron à enfin décréter un embargo sur les armes, comme l’Espagne et la Belgique l’ont déjà fait, ou bien le chef de l’État continuera-t-il à se rendre complice du génocide à Gaza ? Notre article.

Une cargaison du 23 octobre 2023 en direction d’Israël

En partenariat avec le média Marsactu, le média Disclose a révélé une série de clichés d’une cargaison d’armements stockée dans un hangar à Marseille, le 23 octobre 2023, appartenant à Eurolinks, une société marseillaise spécialisée dans la fabrication d’équipements militaires. Sur un bordereau scotché sur un carton entouré de cellophane, on peut lire l’inscription en anglais « 10 000 liens M27 pour des munitions de 5,56 millimètres [10 000 links M27 for 5.56 mm Ammo] ».

Ces équipements sont, explique Disclose, des « petites pièces métalliques servant à relier entre elles des balles de fusils mitrailleurs. Ces maillons M27, qui permettent des tirs en rafale, sont prévus pour des fusils automatiques légers de type M249 et FN Minimi ».

Pour Tony Fortin, chargé d’études à l’Observatoire des armements, « sans ces pièces, les armes ne fonctionnent pas ». Patrice Bouveret, cofondateur et directeur de publication de l’Observatoire des armements / CDRPC, l’expliquait déjà lors de son entretien à l’Insoumission.fr : « Le moindre composant, la moindre petite pièce peut servir à faire fonctionner des armes », soulignant que « la létalité ne se mesure pas au seul volume d’argent en jeu ».

« Il y avait plusieurs dizaines de colis de la même taille, maintenus sur une palette par du film plastique et empilés sur près de deux mètres de hauteur. Ils étaient dans l’entrepôt, prêts à être expédiés », a témoigné auprès de Disclose la source ayant transmis les photographies. Plus d’une dizaine de colis de 22 kilos chacun, et contenant chacun 10 000 balles, soit près de 100 000 munitions au total.

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Des munitions équipant le Negev 5, arme utilisée dans le « massacre de la farine »

Le 29 février, plus de 120 Palestiniens ont été tués lors d’une attaque de distribution d’aide alimentaire. Parmi les témoignages documentés sur ce massacre, il y a celui d’un jeune Palestinien, Muhammad Yasser Washah, 17 ans. Habitant du quartier d’Al-Sabra dans la ville de Gaza, il était présent au moment du massacre. Une balle a touché le sac de farine qu’il transportait, a pénétré sa veste et s’y est installée. Selon une enquête de l’ONG Euro-Med Human Rights Monitor, la munition retrouvée sur l’adolescent mesure 5,56 millimètres. 

Après ce massacre, Emmanuel Macron a déclaré sa « plus ferme réprobation envers ces tirs », réclamant « la vérité, la justice et le respect du droit international ». Vérité, justice, respect du droit international : trois principes sur lesquels s’essuient le chef de l’Etat. La vérité c’est celle de ces 100 000 cartouches françaises livrées à l’Etat d’Israel, les mêmes utilisées pour le massacre de la farine. La justice, ce serait prendre un embargo sur les armes et des sanctions contre Netanyahu au lieu et place de lui envoyer des palettes d’armements.

Enfin, le « respect du droit international » qu’évoque Macron n’est que pur slogan. La France a ratifié en 2014 le Traité sur le Commerce des armes, traité qui interdit l’exportation d’un armement ou un équipement militaire s’il y a le moindre risque d’utilisation de cet armement ou équipement contre des civils ou en violation de la Convention de Genève. Le 23 octobre, ce risque était plus qu’avéré. Ce risque, il existe depuis 1948. La France le sait mais a aidé l’Etat d’Israel à constituer son arsenal militaire.

Livraisons d’armes : les grands mensonges du Gouvernement

Il y a deux mois, le 12 février, interrogé par Mathilde Panot sur la question des ventes d’armes à Netanyahu, le ministre Stéphane Séjourné a eu du mal à cacher son malaise, avouant qu’il n’avait pas les chiffres à sa disposition. Un aveu qui cache une volonté nette de dissimulation, flagrante. Cette volonté de dissimulation est une constance dans les déclarations gouvernementales sur le sujet.

Il y a 5 jours, le 21 mars, Christophe Lemoine, porte-parole adjoint du Quai d’Orsay, réitérait que « la France est un partenaire marginal d’Israël en matière d’équipement de défense ». La ligne de défense du Gouvernement sur les livraisons d’armes n’a que peu varié depuis le 7 octobre. Les équipements livrés représenteraient une « donnée marginale » pour Sébastien Lecornu, et ne serviraient qu’à des « systèmes défensifs » expliquait le ministre le 27 février dernier devant le député insoumis Aurélien Saintoul qui l’interrogeait sur le sujet. Un seul message donc : circulez, rien à voir.

La France, premier exportateur européen d’armes à Netanyahu

Le 17 octobre, l’Insoumission.fr, en partenariat avec l’ONG Aser, révélait le montant des armes livrées par la France à l’État d’Israël. En termes de livraisons concrètes, la France a vendu pour 111 millions d’euros d’armes à Israël depuis 2017, dont 15,3 millions en 2022. Bombes, torpilles, matériel de conduite de tir, charges explosives, fusils d’assaut, les matériels de guerre français équipent de fait, en partie, l’armée israélienne. Ce sont les chiffres et les éléments du dernier rapport du ministère des Armées sur les exportations d’armement de la France, publié en septembre 2023. Des chiffres que l’enquête du média Disclose confirme.

Une colonne du rapport indique que 9,151 millions d’euros d’armements français ont été autorisés pour exportation vers Israël en 2022 en ce qui concerne les « bombes, torpilles, roquettes, missiles, autres dispositifs et charges explosifs et matériels et accessoires connexes comme suit et leurs composants spécialement ». Bombes auxquelles s’ajoutent également du matériel de conduite de tir d’après le rapport. Comprendre : des systèmes de haute technologie pour guider les missiles et les bombes vers les cibles.

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Extrait du rapport du ministère des Armées, présenté au Parlement en septembre 2023, concernant la catégorie « Bombes, torpilles, roquettes, missiles, autres dispositifs et charges explosifs et matériels et accessoires connexes comme suit et leurs composants spécialement ».

Depuis plus de dix ans, les autorités françaises vendent des armes à Benjamin Netanyahu, en totale violation du traité sur le commerce des armes (TCA) des Nations Unies. Qu’elles aient été vendues il y a dix ans ou l’an dernier, la même question se pose : à quel degré participe-t-elle des crimes de guerre à Gaza ? Quels armements sont-ils spécifiquement utilisés ? Le rapport ne le dit pas et les parlementaires ne le savent pas non plus en raison de l’opacité qui entoure les exportations d’armements en France. Aucun suivi n’est opéré sur les armes vendues. Un scandale.

La représentation nationale n’a donc aucune idée de comment et contre qui sont utilisées les armes vendues par le Gouvernement aux quatre coins du globe. Seules des enquêtes sur certaines cargaisons, comme celles révélées par Disclose, permettent ponctuellement d’apporter un éclairage sur ce sujet.

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Extrait du rapport annuel du ministère des Armées, sur le montant en millions d’euros d’armes exportées par la France depuis 2013

Une chose est sûre : les autorités françaises fournissent donc, depuis des années, des systèmes d’armements et des équipements militaires à un État déjà visé par une enquête pour crimes contre l’humanité. En 2009, à la suite de l’opération « Plomb Durci » mené par Tsahal, l’ONU avait accusé l’État d’Israël de crimes de guerre :« Des actes assimilables à des crimes de guerre et peut-être, dans certaines circonstances, à des crimes contre l’humanité ont été commis par les forces armées israéliennes », avait alors déclaré le juge Richard Goldstone, auteur du rapport de l’ONU.

Pour l’Humanité, la France doit décréter un embargo sur les armes

Le génocide à Gaza change le cours du siècle. Les armements français y participent activement pendant que les auteurs de ses livraisons, le Gouvernement, s’enfoncent dans des mensonges à répétition depuis des mois pour tenter de camoufler cette infâme complicité. Massacre de la farine, tirs de snipers, bombes, missiles téléguidés, la France ne laisse pas seulement les criminels de guerre faire la loi, elle leur fournit de quoi perpétuer leurs actes génocidaires.

Le droit international est piétiné par Emmanuel Macron, à commencer par le traité sur le commerce des armes et la Convention de Genève. Un autre chemin est possible, celui de la paix, et des mesures ciblées contre Netanyahu pour ne pas se contenter d’incantations qui arrivent déjà trop tard.

Dans le champ politique français, un seul responsable a porté avec constance cet autre chemin et avait vu juste dès le premier jour. En appelant au cessez-le-feu dès le 7 octobre, Jean-Luc Mélenchon avait bien en tête l’histoire du conflit, la mémoire de Plomb Durci en 2009, et savait que la seule chose possible et urgente était de faire taire les armes pour que s’imposent les résolutions de l’ONU et la diplomatie.

Le dirigeant insoumis a appelé, aux côtés d’associations et de collectifs, à prendre des sanctions contre Netanyahu ainsi qu’à décréter au plus vite un embargo sur les armes. Des appels qui durent depuis des mois et se répètent. La France peut le décréter, comme elle l’a déjà fait dans le passé, et plus récemment pour la Russie. Pourquoi un tel deux poids deux mesures ?

La résolution pour le cessez le feu adoptée hier à l’ONU ne suffit pas. Elle doit s’accompagner de mesures pour faire plier au plus vite Benjamin Netanyahu et lui couper les ressources et les munitions qui rendent possible son génocide sur le peuple Palestinien. Un embargo sur les armes est possible et impératif. La France peut le décréter. Il en va de notre humanité.

Sylvain Noel, rédacteur en chef