Programme de stabilité Macron

Programme de Stabilité 2024-2027 : un racket sans précédent

« Maitrise de la dépense » ; « Normalisation des comptes publics ». Dans son  « programme de stabilité 2024-2027 » présenté en conseil des ministres le 17 avril, le Gouvernement ne fait pas d’économies sur ses éléments de langages. L’objectif et les mots du dernier programme, celui de 2021, n’ont pas changé : l’austérité est à l’ordre du jour. La feuille de route veut ramener le déficit en dessous du seuil de 3% d’ici 2027 pour se mettre à genoux devant les règles budgétaires européennes.

Un vote est prévu ce mardi 23 avril 2024 au Parlement européen sur ces mêmes règles, approuvées par la coalition des socialistes, des macronistes et de la droite. La tête de liste de l’Union populaire Manon Aubry a lancé l’alerte : « Ce sont les citoyens qui vont payer l’ardoise, ni la commission ni la France n’envisagent de taxer les riches ou les superprofits plutôt que de casser les services publics, de dérembourser les soins, de baisser les minimas sociaux, les moyens pour l’école etc… », poursuivant en lançant un appel à votez LFI le 9 juin contre l’austérité.

Au total, le « programme de stabilité 2024-2027 » reste volontairement flou, ne précisant pas le détail des saignées pour mieux tenter de les camoufler. Les annonces du Gouvernement ont fixé le cap : 53,2 milliards d’euros de cure d’austérité sur le dos des plus précaires et des services publics en deux ans. Notre article.

Programme de stabilité : une cure d’austérité « sans précédent » sur le dos des Français

Après les 10 milliards de coupes budgétaires en février, et l’annonce de 20 milliards de coupes supplémentaires pour 2025, le Programme de stabilité confirme et prolonge ces réductions massives de dépenses. Le Haut Conseil des Finances Publiques (HCFP) chiffre a 2.2 points de PIB la réduction des dépenses souhaitée par le Gouvernement, soit environ 65 milliards. 65 milliards d’euros en moins pour le fonctionnement de la collectivité et pour les besoins des citoyens à travers les services publiques (école, santé…) et les aides sociales.

Éric Coquerel, député LFI et président de la commission des Finances à l’Assemblée, assène en commission : « La marche est tellement haute qu’elle serait inédite en termes de baisse des dépenses publiques. Leur objectif est mauvais et je pense que si elle est et mauvaise et déjouée par la réalité, il serait peut-être urgent de penser que c’est la politique du gouvernement qui est en échec. » Le Conseil renchérit lui aussi : « Une telle trajectoire nécessiterait un ajustement massif. Un tel ajustement n’a jamais été réalisé par le passé. » Il juge aussi les conditions de gouvernance « pas réunies aujourd’hui » pour une telle réduction. Le Programme de stabilité de Macron augure ainsi une nouvelle période sombre pour les Français.

Pour aller plus loin : « Main basse sur la sécu, augmentation de la TVA : le prétexte de la dette », note de l’Institut La Boétie

Une politique du Gouvernement décriée jusqu’aux hautes sphères

Ce programme politique est décrié jusqu’aux hautes institutions administratives françaises. Le Haut Conseil des Finances Publiques, chargé de donner son avis sur les prévisions macroéconomiques des lois de finances, en a exprimé une critique acerbe dans son avis rendu le même jour. Au delà des performances médiocres de la France (un déficit à 5.5% du PIB plutôt que les 4.9% prévus, et une croissance à 1% plutôt qu’à 1,4%), la politique qu’entend mener le Gouvernement pour les contrecarrer est jugée « incohérente et pas crédible » par le Haut Conseil.

La trajectoire de croissance présentée par le Gouvernement sur la période 2024-2027 est « surévaluée » estime le HCFP, qui dénonce « un risque important de révision à la baisse du PIB » et une moindre réduction du déficit. Le HCFP a aussi indiqué qu’il serait nécessaire de réexaminer « les baisses prévues de prélèvements obligatoires ». Autrement dit, la politique de baisse de la fiscalité pour les grandes entreprises est inefficace en plus d’être injuste. Le HCFP donne une fois de plus raison aux propositions de La France insoumise, réclamant depuis des années une autre politique fiscale.

Ce n’est pas le premier. Dans un rapporté publié en octobre 2023, l’organisme indépendant France Stratégie démontrait déja que la baisse de fiscalité du capital sur les plus riches instaurée par Emmanuel Macron n’a eu aucun impact sur l’investissement et les salaires. Une politique inutile donc, dont le seul effet aura été « la forte hausse de la distribution de dividendes, notamment chez les très riches ».

L’avis du HCFP souligne aussi que « la croissance de l’emploi prévu par le Gouvernement est surestimée » et que les effets des différentes réformes attendus par le Gouvernement reposent sur des hypothèses trop « avantageuses ». Plus encore, sur la réforme de l’assurance chômage annoncée, « le Gouvernement n’a pas fourni de précision sur le nombre d’emplois qu’il inclut dans sa prévision. Il n’a pas précisé non plus ni les mesure prévues dans la réforme annoncée de l’assurance-chômage, ni son calendrier de mise en oeuvre ».

Par ailleurs, le Gouvernement se félicite dans ce programme des économies liées à ses deux réformes anti-sociales : la réforme des retraites et celle de l’assurance-chômage déjà citée. Or, il avoue lui-même que les chiffres avancés des économies réalisées par la réforme des retraites sont « nets des coûts liées aux dispositifs dérogatoires et aux mesures d’accompagnements ». Une réforme pour réaliser des économies sur le dos du peuple, et pour résultat : un Gouvernement incapable de dire combien d’euros ont véritablement été économisés.

Bref, le Programme de stabilité du Gouvernement craque de tous les côtés, et ne tient pas la route. Et aujourd’hui, ni le HCFP ni France Stratégie ne sont les seuls à désavouer la politique du gouvernement macroniste. Mario Draghi, ancien président de la BCE, a avoué la semaine dernière que cette politique – la même utilisée à l’échelle européenne – est un cuisant échec.

L’approche que nous avons adoptée en matière de compétitivité en Europe après la crise de la dette souveraines semble lui [Paul Krugman dénonçant « dangereuse obsession » pour la compétitivité] donner raison. Nous avons en effet délibérément poursuivi une stratégie visant à abaisser les coûts salariaux les uns par rapport aux autres. En combinant cette approche avec une politique budgétaire procyclique, l’effet net n’a été que d’affaiblir notre propre demande intérieure et de saper notre modèle social.

Mario Draghi lors de son discours à la Conférence sur le socle européen des droits sociaux (Bruxelles, 16 avril 2024).

Un aveu de poids. Plus le macronisme prospère, plus son imposture économique se dévoile. Les voix appelant à changer de cap se multiplient. Un enjeu se démarque en particulier : augmenter les recettes publiques pour répondre aux défis des années à venir.

Le Gouvernement supprime lui même des recettes pour la France : une autre politique fiscale est possible

Le Gouvernement est le premier et seul responsable de son déficit, et il souhaite désormais faire payer aux Français le fruit de ses erreurs. Il a supprimé environ 60 milliards de recettes publiques par an, en baissant massivement les impôts des plus riches et des grandes entreprises sans aucune contrepartie. Niches fiscales, réduction d’impôts pour les grandes entreprises, suppression progressive de la Cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), etc. Autant de recettes que l’Etat refuse ainsi sciemment, par entêtement idéologique.

La France n’a plus les moyens de ses cadeaux fiscaux faits aux plus riches, qui coûtent très chers en inégalités et qui ne font qu’accroître le déficit. Pour le moment, ceux qui doivent faire des efforts ce sont les chômeurs, les salariés, la protection sociale mais on ne touche jamais aux revenus du capital.

Éric Coquerel

Pour la France Insoumise, il est urgent de changer de politique fiscale et budgétaire. Fin mars, le groupe parlementaire avait d’ailleurs publié ses 10 mesures d’urgence contre l’austérité du gouvernement. Intitulé « Moins de dépenses fiscales, plus de recettes fiscales », il est à retrouver en intégralité sur leur site internet. Entre autres idées : rétablir l’ISF, taxer les superprofits, rétablir la CVAE, supprimer les niches fiscales polluantes et inégalitaires…Au total, ces mesures rapporteraient 121,1 milliards d’euros aux caisses de l’État. Le message des insoumis est clair : il est possible d’atteindre un rééquilibrage budgétaire sans sacrifier les services publics et les investissements pour le futur.

Mais le Gouvernement choisit une autre voie : celles d’une baisse drastique des dépenses les plus essentielles, au détriment de la vie des Français. Après l’ex-président de la BCE, le HCFP ou les organismes d’analyse des politiques publiques, qui sera le prochain a désavouer la politique de Macron ?

Par Zoé Pébay

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