Il existe un chroniqueur singulier dans le paysage politique français. Son nom : Eric Naulleau. À la base critique littéraire, il s’est fait connaitre à partir de 2007 dans l’émission « On n’est pas couché », en compagnie de son ami de toujours, Eric Zemmour. Eric Naulleau se présente systématiquement comme un « homme de gauche », de cette gauche « à l’ancienne qui comprend le vrai peuple ». Il a sorti en 2022 en livre avec Michel Onfray intitulé La gauche réfractaire. Réfractaire à quoi ? On se le demande. Récemment, il a publié un livre pour cracher toute la haine qu’il porte contre Jean-Luc Mélenchon.
Éric Naulleau se présente pourtant systématiquement comme un homme de gauche, défenseur des « valeurs de la République », celles qu’il choisit et interprète à sa sauce bien sûr. Vaste fumisterie. Virulence et acharnement contre les insoumis. Douceur, bienveillance et promotion à gogo pour l’extrême droite. Voilà le deux poids deux mesures qui constitue la colonne vertébrale de l’éditorialiste. Un livre écrit avec l’antisémite Alain Soral, croisade contre le wokisme, le féminisme, l’écologie… Sur les plateaux de CNEWS, il est confortablement installé pour déblatérer toute sa haine. L’Insoumission publie le portrait de ce chroniqueur brun.
Les éditorialistes de plateaux très loin de l’objectivité revendiquée comme argument pour mieux cacher leur idéologie, sont des militants politiques déguisés en journalistes. Chaque jour, ils défendent une idéologie en direct aux heures de grandes écoutes. Les éditorialistes sont des acteurs de la bataille culturelle. Révéler d’où ces acteurs parlent, quels sont leurs parcours, leurs liens avec le capital, les 9 milliardaires qui possèdent 90% des médias du pays, est une tâche nécessaire pour éclairer le débat démocratique. Fin d’un mythe déjà largement déconstruit : non, les éditorialistes ne sont pas des journalistes neutres. Pour qui militent-ils ?
Douzième épisode de notre série pour démasquer les éditorialistes que vous voyez chaque jour à la télé. Portrait d’Éric Naulleau.
Éric Naulleau en croisade contre le wokisme
Eric Naulleau mène une croisade acharnée contre la gauche qu’il considère comme « islamo gauchiste », anti-laïcité et qui aurait perdu les valeurs de la République. Un refrain très original dans le débat public. Il pourfend le « wokisme », accusé d’être une nouvelle forme de stalinisme. Pour lui, les universités sont contaminées par le wokisme, sans qu’il ne sache réellement ce que cela signifie.
Tant qu’il y a une panique réactionnaire à exploiter, Naulleau répond présent. Le mouvement de la France Insoumise devient alors son obsession, ainsi que tout ce qui est plus à gauche de lui, ce qui n’est pas difficile. Si on jette un œil sur son compte Twitter, pas un jour ne passe sans une critique envers LFI ou toute autre personnalité de gauche. Le député insoumis Antoine Léaument l’a par ailleurs largement recadré dans sa récente note de blog.
Eric Naulleau se complait tellement dans ses idées, qu’il s’en auto-félicite, se réjouissant que Mediapart le considère comme un « chroniqueur réactionnaire ». Cet été, les attaques contre le rappeur Médine l’ont grandement réjoui. Il s’en est donné à cœur joie à coup de tweet et de retweets. L’un de ses derniers livres, La faute à Rousseau, est carrément un livre à charge contre Sandrine Rousseau présentée comme une ignare.
Elle ne serait pas une vraie féministe, mais une néo-féministe, terme dont raffole la droite et l’extrême droite. « Je trouve étrange que le féminisme se préoccupe davantage des dangers imaginaires que des dangers réels », a-t-il déclaré au moment de la constitutionnalisation historique de l’IVG dans la Constitution. Des dangers imaginaires ? Le chroniqueur parle-t-il des régressions terribles du droit à l’avortement dans de nombreux États, des États-Unis jusqu’à la Hongrie que son ami Eric Zemmour prend comme modèle ?
« Le raisonnement totalitaire »
Dans sa croisade, Eric Naulleau adore parler du totalitarisme pour décrire sa vision de la
gauche. Pour lui, le nouveau fascisme est celui du wokisme et de la théorie de la
déconstruction. La gauche actuelle, c’est 1984, le roman de George Orwell écrit en 1948.
Orwell était un homme proche des mouvements anarchistes espagnols dans les années
1930, il aurait été surement un wokiste pour Eric Naulleau.
Lutter pour des causes et dénoncer des dysfonctionnements de la justice notamment sur
les violences sexuelles, « c’est un raisonnement totalitaire » ! Le wokisme serait une recherche de pureté comme dans tous les totalitarismes historiques. En somme, le wokisme et le nazisme se confondent à en croire la logique d’Eric Naulleau. L’argument est régulièrement ressorti dans les sphères de droite.
Co-auteur de Soral et présent au meeting d’Eric Zemmour, les liaisons fascistes d’Eric Naulleau
Personne n’a jamais vu le chroniqueur aux côtés de partis politiques ou d’acteurs du mouvement social français depuis ces 20 dernières années. Par contre, aux côtés de l’extrême droite la plus nauséabonde, Eric Naulleau possède plusieurs ronds de serviettes. En 2013, il écrit un livre avec l’essayiste antisémite Alain Soral, multi-condamné pour incitation à la haine raciale, avec qui il tombe d’accord sur de nombreux sujets.
On le voit surtout auprès de son grand ami Eric Zemmour, notamment lors de son premier meeting à Villepinte pour l’élection présidentielle de 2022. Il est au premier rang, soi-disant en tant que journaliste. En 2022, il participe aux universités d’été de Reconquête où il est présenté comme une « caution de gauche » aux idées de l’extrême droite avec une conférence sur la chute de la « gauche authentique ». Le 6 octobre 2023, il a accepté l’invitation du Cercle de Flore, lié à… l’Action française, pour parler de son livre sur Sandrine Rousseau. Le tout suivi d’une séance de dédicaces et d’un banquet.
Pour aller plus loin : Antisémite, royaliste, nationaliste : l’Action française, l’un des plus vieux groupuscules d’extrême droite
Eric Naulleau préfère Valeurs Actuelles (condamné pour injure publique à caractère raciste envers Danièle Obono) au journal l’Humanité. L’éditorialiste possède son rond de serviette auprès de nombreux plateaux, faisait l’apologie d’idées réactionnaires. Comme sur le plateau de Cyril Hanouna où il a eu des échanges virulents avec le député LFI David Guiraud ou d’autres. Il est très régulièrement invité pour commenter l’actualité, notamment pour qualifier d’indigne les grèves des travailleurs SNCF. La vraie gauche, on vous dit !
Mais du coup, quelles idées de gauche ?
Quelles sont les idées de gauche de celui qui se revendique d’une « gauche laïque et républicaine » alors ? Personne n’a aussi vu Eric Naulleau développer lors de ses interventions médiatiques une seule idée de gauche, à part des incantations abstraites. Des discours creux, où celui-ci parle de « République » en la dévoyant dès qu’il en a l’occasion. En bref, un discours creux et qui ne résonnent dans aucun militant ou sympathisant de gauche un peu sérieux.
Le féminisme « version Rousseau », l’antiracisme, l’écologie, la défense des droits LGBTIQ, c’est « satisfaire des minorités » et « ne pas prendre en compte la question sociale » (question que lui-même ignore pour préférer injurier ceux qui la portent). En 2017, il qualifiait l’écologie de « problème de petit bourgeois ».
Au sujet de l’abaya, Eric Naulleau disait que ceux qui défendent les droits de ces jeune fille sont « le parti de l’étranger ». Bref, Eric Naulleau surfe sur les idées d’extrême droite, reprenant toutes les thématiques sécuritaires, racistes, anti-musulmans qui les structurent. Du titre de son ouvrage sur Jean-Luc Mélenchon, il ne faut en garder qu’une partie pour lui : « déchéance ». Et encore, la formule est critiquable : pour être déchu, encore faut-il déjà avoir connu une ascension et une dignité.
Par Lucas Rossi