Gabriel Attal
Capture d'écran, Matignon.

Gabriel Attal : si jeune et déjà ancien combattant de la guerre sociale macroniste

« Monsieur Attal est propriétaire d’un scooter Vespa » (BFMTV). Depuis l’annonce de sa nomination comme Premier ministre, toute la classe politico-médiatique s’enfonce dans une saison improvisée de téléréalité. Les bandeaux de BFM TV défilent pour relayer des anecdotes creuses, ainsi que les « amitiés » et « félicitations » adressées par les troupes macronistes au nouveau locataire de Matignon. Silence radio sur le parcours de ce si jeune mais déjà ancien combattant de la guerre sociale macroniste. Quel bilan ? Une autre question reste en suspens : demandera t-il la confiance aux députés comme c’est le cas dans l’ensemble des démocraties parlementaires du monde ?

Sur les marches du palais de Matignon, Gabriel Attal signe ses premiers « en même temps ». Il a salué « l’éthique politique » d’Élisabeth Borne, ayant eu recours à 23 reprises à l’article 49.3, utilisé, entre autres, pour faire passer sans vote le budget du pays tout comme la réforme des retraites. Élisabeth Borne, également la Première ministre de l’adoption de la loi immigration reprenant les mesures du RN/FN. Un « exemple » pour le nouveau premier ministre confirmant sa volonté de poursuivre coûte que coûte la même politique du chaos.

Dans l’entourage d’Emmanuel Macron, le signal est clair : « C’est un retour aux sources du macronisme. Il vient du PS tout ayant su ‘en même temps’ avoir des postions d’autorité ». Gabriel Attal est en effet un invariable macroniste, soutien indéfectible des pires réformes et voiture-balai des pires diversions racistes d’Emmanuel Macron. Cheville ouvrière des cures d’austérité budgétaire, plan de lutte contre la soi-disant « fraude sociale », fiasco de Parcoursup, volonté de suppression de postes d’enseignants, polémique raciste sur l’abaya, défense des cabinets de conseils, Gabriel Attal a été promu pour ce qu’il est : un ancien combattant de la guerre sociale macroniste. Notre article.

Abaya, réformes contre les élèves des classes populaires, ardent défenseur du SNU : le bilan sinistre d’un passage éclair à l’Éducation nationale

Avant même d’être ministre de l’Éducation nationale, Gabriel Attal avait déjà laissé sa sombre trace. Député en 2017, il a été rapporteur de la Loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, dite « ORE ». Celle-ci a abouti à la création de l’inénarrable plateforme Parcoursup, aux lourdes conséquences pour l’entrée des étudiants dans l’enseignement supérieur.

Dès la rentrée 2023, l’ancien ministre de l’Éducation nationale a été l’artisan de la jonction de la droite et de l’extrême droite. Souvenez-vous, le 27 août sur TF1, Gabriel Attal annonçait manu militari l’interdiction du port de l’abaya et du qamis au sein des collèges et lycées publics. La tactique est vieille comme Machiavel : commencer par dire qu’il y a un problème alors qu’il n’y en a pas. Mobiliser les services de l’État pour « agir », être « ferme », « ne rien laisser passer ». Un rappel s’impose : cela concernait seulement 150 établissements sur… près de 60 000 dans tout le pays. Une diversion raciste destinée à passer sous le tapis sa promesse intenable d’avoir un enseignant en face de chaque classe.

Pour aller plus loin : Chasse à l’abaya, voile, burkini, uniforme : comment Emmanuel Macron camoufle ses échecs

Concernant les annonces de Gabriel Attal quant aux postes d’enseignants, d’aucuns en cherchent encore la cohérence. La Loi de finances 2024 a entériné la suppression de 2693 emplois de professeurs, dont 484 emplois en moins dans les collèges et lycées publics à la rentrée 2024. Le 21 décembre, retournement de veste. Gabriel Attal a annoncé l’entérinement de 574 créations de postes, qui « peuvent être prises sur la trésorerie du ministère », selon les dires du désormais ex-ministre de l’Éducation nationale. Pourquoi ne pas avoir défendu une augmentation du nombre de postes dans les débats sur la loi de finances annuelle alors ? De la poudre de perlimpinpin qui laissent les syndicats et chefs d’établissement très sceptiques.

Dans la droite lignée de l’éducation à la sauce Macron, le jeune premier ministre de 34 ans avait présenté tambour-battant des mesures éducatives contre les élèves les plus défavorisés. Un exemple : la mise en place de groupes de niveaux dès la 6ᵉ. Les élèves aux meilleures notes ensemble, les autres se débrouillent. Ou comment rendre l’école publique encore plus élitiste et excluante. Aussi, sa volonté de changer la nature du brevet des collèges, afin de le transformer en prérequis pour entrer au lycée.

Gabriel Attal a aussi été un ardent défenseur du Service National Universel (SNU) et de sa généralisation, visant à envoyer la jeunesse de ce pays dans des camps militaires. Politis révélait d’ailleurs en avril 2023 des faits de harcèlement sexuel et de racisme de la part d’encadrants de SNU. Dans sa volonté de restaurer l’ordre et l’autorité à l’école, Gabriel Attal a mis en avant sa volonté d’expérimenter l’uniforme à l’école. Ainsi, il a flatté la frange la plus réactionnaire de l’électorat et a repris à son compte une idée chère à l’extrême droite. « Gabriel Attal a piqué nos idées et il est populaire pour cela », a déclaré ce matin Louis Aliot, vice-président du RN et maire de Perpignan

Beaucoup de bruit pour rien ? Gabriel Attal a multiplié les coups de com’, lancé de nombreux chantiers sans prendre le temps de suivre leur mise en application. Sûrement plus que les autres, le ministère de l’Éducation nationale est celui du temps long. Le quitter du jour au lendemain est méprisant pour les enseignants, ainsi que pour l’ensemble du personnel de l’éducation nationale. Les syndicats d’enseignants ne cachent pas leur lassitude et leur agacement. 

« Nous savions aussi que [Gabriel Attal] était là pour sa carrière et que le poste de ministre de l’Éducation nationale n’était qu’un marche-pied », a déploré Guislaine David, à la tête de la FSU-SNUipp, principal syndicat du primaire (via BFM TV). « On se demande si l’Éducation nationale ne sert pas de variable d’ajustement », avec « un quatrième ministre en deux ans », s’est demandé Sophie Vénétitay, secrétaire genérale du Snes-FSU, premier syndicat enseignant du second degré.

Gabriel Attal, cheville ouvrière des cures d’austérité sous Macron

Comme ministre délégué aux Comptes publics, Gabriel Attal a été un partisan zélé des cures d’austérité, notamment pour le budget 2024. Main dans la main avec Bruno Le Maire, le ministre délégué a mis fin au bouclier énergétique, pour le gaz et l’électricité. Dès juillet 2023, Gabriel Attal donnait le ton, demandant un « effort global aux Français ». Résultat : quelques mois plus tard, près de 16 milliards d’euros de coupes budgétaires étaient entérinés par le budget 2024.

Des économies tirées, entre autres, du déremboursement de dépenses de santé, et par la réduction des aides au logement alors que plus de 4 millions de Français sont sans logement ou mal logés. À la fois comme porte parole et ministre délégué, Attal a été l’une des chevilles ouvrières de la trajectoire budgétaire de Macron : suppression de l’ISF (perte de 5 milliards de recettes par an), mise en place de la flat tax (perte de 3 milliards), baisse des impôts de production (perte de 10 milliards) ou encore la suppression de la CVAE (18 milliards par an). Objectif ? « Réduire la dette » : une déclaration martelée à de multiples reprises, et sur tous les tons.

Fraude sociale : la chasse aux pauvres de Gabriel Attal 

Encore un passage bref. À Bercy, Attal a occupé le poste de Ministre délégué chargé des comptes publics du 20 mai 2022 au 20 juillet 2023. Sa priorité ? « Renforcer les sanctions pour lutter contre la fraude sociale ». Le grand bourgeois qui s’est contenté au cours de toute son éducation et de sa carrière de faire le tour du jardin du Luxembourg, sans jamais quitter le 6ème arrondissement de Paris, sauf pour monter en grade, dans le 7ème, cette fois-ci, en fait une obsession.

Qu’importe que la « fraude sociale » ne représente que 2 milliards d’euros contre 80 à 100 milliards d’euros pour la fraude fiscale, Gabriel Attal suit la ligne directrice de la macronie : la chasse aux pauvres. Qu’importe aussi que 10 milliards d’allocations ne soient jamais versés en raison du non-recours au droit, cet élément est passé délibérément sous silence. 

En 2021, sur près de 14 millions de contrôles effectués par la CAF, institution déjà réorganisée en organe de surveillance massive, à peine 1% de fraude avait été détecté. L’objectif ? « On doit être généreux et fermes : généreux envers ceux qui en ont besoin, et fermes avec ceux qui fraudent ». Une rhétorique vue et revue plagiée sur Gérald Darmanin qui débouche en générosité pour les puissants, profiteurs de crise en tout genre, et en une répression implacable du grand nombre, à commencer par les 10 millions de pauvres que compte le pays. 

Parmi les autres mesures « ciblées » annoncées et enterrées, la fusion de la carte vitale et de la carte d’identité. Comme s’il était nécessaire d’avoir une carte d’identité française pour accéder au soin. Une préfiguration de l’infâme loi immigration en préparation à l’époque et désormais votée ? Sans compter que la Commission nationale de l’informatique et des libertés s’y oppose et que l’administration juge cette idée totalement inapplicable. 

Gabriel Attal avait aussi déclaré la chasse aux « retraités tricheurs ». Alors qu’il n’avait aucune idée et ne prévoyait aucun budget pour récupérer les 80 à 100 milliards de fraude fiscale, il a voulu se lancer dans une hypothétique enquête internationale pour vérifier que 500 000 retraités extra européens qui touchent des allocations sont bien vivants. Fidèle à ses régulières sorties racistes, c’est d’abord l’Algérie qui est donnée en exemple par le ministre des comptes publics.

Côté fraude fiscale, la donne est différente, sans surprises, et témoigne du deux poids, deux mesures si caractéristique du camp présidentiel. Gabriel Attal a été le chantre des déclarations, non chiffrées, sans aucune chance d’être efficace. Des annonces de recrutement, sans précision sur la nature ou sur l’enveloppe dédiée. Les effectifs des contrôleurs fiscaux ont pourtant baissé de 4 000 depuis 2010 et même 1 600 depuis l’élection de Macron.

Au printemps 2023, il a annoncé vouloir une « COP fiscale » : une déclaration si creuse que le journal Le Monde lui-même pointait un dispositif « vague », et donne le ton : « Il n’y aura pas de grande loi Attal ». Comme l’essentiel des prises de parole du nouveau moulin d’Emmanuel Macron, celles-ci s’envolent, sans laisser de trace, personne n’entendra plus jamais parler de cette idée brillamment vide de sens.

Gabriel Attal, l’enfant chéri de McKinsey 

« Est-ce un scandale qu’on puisse avoir recours à des cabinets de conseil ? Non ce n’est pas un scandale ! ». En mars 2022, alors porte-parole du Gouvernement, Gabriel Attal a défendu bec et ongles le recours aux cabinets de conseil par l’État. Une commission d’enquête du Sénat avait pointé l’explosion du recours du gouvernement à ces acteurs privés qui démantèlent brique après brique l’Etat et ses services publics.

Au total, le recours à ces cabinets a explosé, pour passer de 400 millions d’euros en 2018 à près de 2,5 milliards d’euros en 2021. Payé par l’Etat près de 4 millions d’euros pour proposer la baisse de 5 euros des APL, le cabinet McKinsey est aussi dans le collimateur de la commission d’enquête du Sénat pour ne pas avoir payé d’impôts sur les sociétés en France ces dix dernières années.

Aussi, d’après les éléments de la cellule investigation de Radio France, une dizaine de consultants de McKinsey avait participé à la campagne d’Emmanuel Macron de 2017 de manière « active » voire « intrusive », a rapporté France Info. Une ancienne du cabinet de conseil estime que « leur travail aurait dû être facturé et déclaré ».

Un Premier ministre porte-parole de Macron, LFI exige qu’il se soumette au vote de confiance au Parlement

Que signifie plus largement cette nomination par le chef de l’État du jeune Gabriel Attal à Matignon ? « Attal retrouve son poste de porte-parole. La fonction de premier ministre disparaît. Le monarque présidentiel gouverne seul avec sa cour », fustige aujourd’hui Jean-Luc Mélenchon sur Twitter. Une chose est sûre, la ligne politique ne changera pas, même si Emmanuel Macron fait jouer ses ministres aux chaises musicales. Quid de Gérald Darmanin dans le futur gouvernement Attal ? De Bruno Le Maire ? Dans tous les cas, le problème est à l’Élysée. Gabriel Attal va simplement devenir la nouvelle courroie de transmission du président de la République.

Le chef de l’État a dû composer avec les vents contraires au sein de son camp en pleine crise politique. Richard Ferrand, Julien Denormandie, Sébastien Lecornu : des options qui se sont auto-détruites ou qui ont créé une large fronde parmi les cadres de la minorité présidentielle. Emmanuel Macron fait le choix d’un (très) jeune Premier ministre aux idées poussiéreuses, se basant sûrement sur la haute cote de popularité de ce dernier, de laquelle il pourrait bénéficier par effet de ricochet.

Gabriel Attal va-t-il demander la confiance aux représentants de la Nation, une fois son gouvernement composé, comme c’est le cas dans l’ensemble des démocraties parlementaires ? Les insoumis l’ont d’ores et déjà mis en garde. « La nomination de M. Attal ne changera rien pour les 1 Français sur 3 qui ont faim en France. S’il refuse de se soumettre au vote de confiance, comme c’est le cas dans toutes les démocraties parlementaires, nous déposerons une motion de censure », prévient Mathilde Panot, présidente du groupe parlementaire insoumis à l’Assemblée nationale.

Par le comité de rédaction