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Désintox : il n’existe aucun lien entre immigration et délinquance

Immigration. « Les études concluent unanimement à l’absence d’impact de l’immigration sur la délinquance ». Un constat implacable formulé par deux chercheurs, Arnaud Philippe et Jérôme Valette dans une note intitulée « Immigration et délinquance : réalités et perceptions ». Ils sont tous les deux membres du CEPII, le Centre d’Études Prospectives et d’Informations Internationales, un organe rattaché directement à la Première ministre. Bref, un organisme que l’on ne peut soupçonner d’un quelconque gauchisme. Une lecture nécessaire alors que le gouvernement tente d’imposer son projet de loi raciste sur l’immigration, malgré une défaite cinglante par le rejet du texte à l’Assemblée nationale lundi 11 décembre 2023.

D’Emmanuel Macron à Marine Le Pen en passant par Éric Ciotti, président des Républicains (LR), le discours peut varier mais l’obsession identitaire est partagée. Tous manipulent et mentent pour distiller l’idée d’un lien entre immigration et délinquance dans un racisme assumé.

Et pourtant. Non. Les immigrés ne sont pas à l’origine d’une augmentation de la délinquance. Oui, il y a une surreprésentation biaisée de l’immigration dans les statistiques de la délinquance : une manipulation totale. Oui, les médias dominants jouent un rôle dans la perception majoritairement négative de l’immigration par une population. Face aux récits racistes de la droite et de l’extrême droite, pour contrer les mensonges colportés sur un lien infondé entre immigration et délinquance, il est temps de revenir aux faits.

Tout l’été, l’Insoumission.fr vous propose de redécouvrir ses articles de fond. L’occasion de (re)faire le plein d’arguments pour continuer la bataille culturelle. Notre article.

Les immigrés ne sont pas à l’origine d’une augmentation de la délinquance dans leurs pays d’accueil

L’immigration n’est pas responsable de la hausse de la délinquance. L’immigration et la délinquance dans une zone déterminée peuvent augmenter simultanément, sans que l’immigration soit en cause. Un constat démontré par l’étude d’Arnaud Philippe et Jérôme Valette.

« Les études concluent unanimement à l’absence d’impact de l’immigration sur la délinquance », affirment-ils sans équivoque. Une étude réalisée au Royaume-Uni, étudiant les conséquences de deux grandes vagues migratoires (1997-2002, guerre d’Irak ; 2004-2008, entrée de 8 pays de l’Est dans l’Union européenne) est très éclairante. « Pour les deux vagues, les localités ayant accueilli plus d’immigrés […] n’ont pas vu leur taux d’infractions moyen évoluer plus rapidement que dans le reste du pays », détaillent les deux chercheurs.

Pour aller plus loin : La France grâce à l’Immigration – l’Institut La Boétie démonte les argumentaires racistes

La surreprésentation biaisée de l’immigration dans les statistiques de la délinquance

Dans les statistiques de la délinquance, les personnes étrangères sont surreprésentées.

Pourtant, elles ne représentent qu’un quart des mises en causes par la police et la gendarmerie. En effet, d’après les chiffres de l’INSEE, 82 % des personnes mises en cause par la police et la gendarmerie se sont déclarées françaises et 18 % étrangères, tandis qu’elles représentent respectivement 93 % et 7 % de la population en France. Un constat qui bat largement en brèche les récits diffusés par la droite et l’extrême droite.

Quels délits sont commis par les personnes étrangères et comptabilisés par les statistiques ? D’abord tous ceux ne pouvant être, logiquement, uniquement commis par eux : entrées ou séjour irréguliers, soustractions à l’exécution d’une mesure de reconduite à la frontière, du travail sans titre de séjour pour l’exercer, etc. À savoir donc, des délits qui ne sont que le résultat d’un appareil répressif déshumanisant, fruit de 117 lois d’affilée sur l’immigration depuis 1945.

La solution ? Les régularisations. Selon une étude réalisée en Italie, après leur avoir permis de faire des demandes de régularisation en ligne, « les immigrés ayant obtenu un visa ont eu une probabilité deux fois plus faible de commettre une infraction au cours de l’année suivante »

Aux autres délits (vols, cambriolages), l’explication économique doit aussi être soulignée. Le taux de pauvreté des personnes immigrées est de 31,5% contre 11% pour le reste de la population, sans lien direct avec l’immigration. En 2019, le niveau de vie moyen des immigrés est inférieur de 22%. Ils sont 2 fois plus touchés par la pauvreté monétaire, ce qui se traduit par diverses privations.

Dans leur étude, les chercheurs avancent aussi une autre clé d’explication, celle des « caractéristiques individuelles des immigrés » : « Les jeunes hommes sont ainsi surreprésentés dans la population immigrée, deux caractéristiques systématiquement associées à des niveaux de délinquance plus élevés », détaillent Arnaud Philippe et Jérôme Valette.

Une sur-criminalisation : le rouleau compresseur de la répression contre les immigrés

Si les personnes étrangères ne représentent que 18% des personnes mises en cause par la gendarmerie et la police, elles sont toutefois surcriminalisées et surreprésentées en milieu carcéral. Un détenu sur quatre est de nationalité étrangère. Un deux poids, deux mesures expliquée par la maitresse de conférences en droit pénal et sciences criminelles Virgnie Gautron : pour un même délit commis par un étranger ou par un prévenu de nationalité française, un étranger a 3 fois plus de risque d’être jugé en comparution immédiate, 5 fois plus de risques d’être placé en détention provisoire et 8 fois plus de risques d’être condamné à de la prison ferme.

Aussi, la durée d’incarcération est, pour eux, plus longue de 22 jours en moyenne (voir graphique ci-dessous). La surreprésentation de l’immigration dans les statistiques de la délinquance découle alors d’elle-même.

Avant ces condamnations, la machine répressive s’active aussi à plein régime pour cibler les populations immigrées, bien plus contrôlées que le reste de la population. En janvier 2017, la Défenseure des droits a ainsi publié une « Enquête sur les relations police population » qui confirme que la pratique policière des contrôles d’identité vise surtout des jeunes hommes issus des minorités visibles. « 80 % des personnes correspondant au profil de “jeune homme
perçu comme noir ou arabe” déclarent avoir été contrôlées dans les cinq dernières années (contre 16 % pour le reste des enquêtés)
». Des chiffres sur lesquels l’ONU et la CEDH alertent en ce qu’ils traduisent des « traitements discriminatoires ciblant de manière disproportionnée certaines minorités ».

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Le rôle des médias dans la perception de l’immigration

Le traitement médiatique de la délinquance est biaisé. Voilà le constat formulé par les chercheurs Arnaud Philippe et Jérôme Valette à la fin de leur note. Il suffit de regarder les chaines info, déversoirs racistes, pour s’en rendre compte. Celles-ci viennent renforcer le présupposé de base du lien entre délinquance et immigration. Ce, en couvrant davantage des faits divers lorsque les suspects ou coupables sont d’origine immigrées ou en insistant davantage sur les origines des suspects lorsqu’ils sont eux-mêmes immigrés.

Cette manière de fonctionner concorde avec à la fois l’extrême droitisation des médias et le journalisme du buzz, de la petite phrase choc qui pourra être reprise sur un bandeau en bas de notre écran de télévision ou dans une dépêche de l’Agence France Presse. Les chefferies éditoriales en sont conscientes. En mettant l’accent sur l’immigration dans leur traitement de l’information, elle crée ce qui les nourrit : des débats outranciers sur leurs plateaux. L’audimat monte. Elles recommencent. Et ainsi de suite.

À ce sujet, une recherche a été menée en Allemagne. Depuis 1973, le code de presse du pays conseillait aux journalistes de ne pas insister sur l’origine des suspects ou des coupables, qu’ils soient étrangers ou natifs. En rupture avec le reste de la presse du pays, le Sächsische Zeitung annonçait en 2016 « son intention de systématiquement révéler l’origine des auteurs d’infraction, qu’elle soit étrangère ou non ».

À partir de cette date, « les lecteurs se sont ainsi trouvés exposés à un grand nombre d’articles mentionnant que l’infraction était le fait d’un Allemand », soulignent les deux chercheurs. Résultat ? Une baisse de près de 20 points de pourcentage dans les intentions de vote pour le parti d’extrême droite AFD (Alternative für Deutschland) par rapport aux zones où le journal n’était pas diffusé. Voilà la preuve qu’un traitement plus équilibré de l’immigration et de la délinquance atténuerait ce décalage trop important entre les faits et la perception qu’ont les Français de ces sujets. Vous voilà maintenant armés en vue de vos repas en famille lors des fêtes de fin d’année.

Par Nadim Février