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Médicament : l’urgence d’une autre politique

Le système actuel de production des médicaments constitue aujourd’hui un problème en termes de santé publique. Les ruptures d’approvisionnement en médicaments essentiels s’aggravent d’année en année et mettent en danger les patients, notamment quand un antibiotique aussi essentiel que l’amoxicilline ne peut plus être correctement prescrit.

Dans le même temps, la facture des médicaments remboursés par la Sécurité sociale s’envole sur fond de développement de thérapies dites innovantes, très coûteuses. Ce qui est particulièrement scandaleux est le cynisme des dirigeants de l’industrie pharmaceutique qui expliquent que ces pénuries sont directement liées à la faible rentabilité des produits essentiels, mais anciens. Par contre, ils utilisent largement des études très souvent biaisées, dont on ne peut obtenir la totalité du contenu du fait de l’utilisation de la clause du secret des affaires qu’ils ont faite voter par le parlement après un lobbying forcené.

La très grande majorité des médicaments mis sur le marché n’apportent pas de vraies avancées thérapeutiques

En ce qui concerne la fameuse innovation, selon les revues indépendantes spécialisées comme la revue Prescrire, la très grande majorité des médicaments mis sur le marché n’apportent pas de vraies avancées thérapeutiques. Par contre, grâce à une stratégie de communication très agressive, notamment auprès de certaines associations de patients, ils obtiennent des autorisations de commercialisation très rapidement, à des tarifs très élevés, en utilisant y compris le chantage de privilégier certains pays par rapport à d’autres si les autorités publiques ne cèdent pas à leurs exigences.

Ces méthodes ont permis de faire de l’industrie pharmaceutique l’activité industrielle la plus rentable dans le monde pour le plus grand bénéfice de ses actionnaires. Même Joe Biden s’en émeut en déclarant il y a quelques jours : « Big Pharma fait payer aux Américains plus de trois fois ce qu’il fait payer aux autres pays, simplement parce que rien ne l’en empêche, et je trouve cela scandaleux. » Par contre en France, le gouvernement se couche devant les laboratoires et leur accorde des hausses de prix, notamment concernant l’amoxicilline, contre une promesse d’augmentation de la production. Dans le même temps, il va doubler la franchise payée par les assurés sociaux sur chaque boîte de médicament achetée.

Souhaitez-vous exclure le médicament du système marchand en tant que bien essentiel en termes de santé publique ?

Conclusion : il est demandé aux assurés sociaux d’augmenter les marges bénéficiaires des multinationales pharmaceutiques ! Nous avions déjà subi la prédation de cette industrie lors de la production des vaccins contre la COVID, avec en particulier leur refus de lever les brevets. L’exemple de Pfizer qui a dégagé 31 milliards de dollars de bénéfices en 2022 est éclairant. Face à cette situation, prenons au mot le président de la République qui souhaite organiser des référendums sur des questions essentielles qui intéressent les Français. Une des questions à poser est la suivante : Souhaitez-vous exclure le médicament du système marchand en tant que bien essentiel en termes de santé publique ? Avec en complément : Souhaitez-vous le développement d’un pôle public du médicament ?

Dr Christophe Prudhomme