Marche blanche justice pour Nahel

« Justice pour Nahel » : Récit de la marche blanche à Nanterre

Justice pour Nahel. Jeudi 29 juin, 14 heures. Gare RER de Nanterre préfecture. Un torrent humain sort de la station. Un même flot s’écoule dans une même direction, le 74 avenue Pablo Picasso, lieu de départ de la marche blanche pour Nahel à l’appel de sa maman.

« Justice pour Nahel »

C’est une France magnifique qui se rassemble. De tous les âges, toutes les origines et un même sentiment : la colère mêlée de tristesse ; toutes les couleurs, toutes les coupes de cheveux et un même but : la fin des violences policières. Dès les premières secondes retentit ce cri qui nous suivra toute l’après-midi, refrain lancinant, déchirant : « Justice pour Nahel ».

Nous remontons le cortège. La foule est dense. De nombreuses pancartes. Fabriquée à la hâte. Des messages brefs. Puissants. « Mort pour rien » « La police tue » « Pour un défaut de permis !????!!! » « Formez la police » « Marseille présente pour Nahel » « Combien de Nahel n’ont pas été filmés ? » et bien sûr partout, sur les pancartes, les banderoles et les t-shirts, écho visuel du son qui rythme nos pas : « Justice pour Nahel »

Pour aller plus loin : Toutes nos photos de la marche blanche sur notre compte Instagram

« Justice pour Adama »

Nous arrivons à l’avant du cortège. Sur le camion de tête, majoritairement des femmes. Des mères, des sœurs qui s’expriment à tour de rôle. Assa Traoré, fondatrice du collectif « Vérité pour Adama » tient le micro. Sur son t-shirt à elle, le slogan qui guide sa vie depuis le meurtre de son frère il y a 7 ans : « Justice pour Adama ». Charismatique, éloquente, limpide, quand elle prend la parole. « La justice a ouvert une enquête contre Nahel tout de suite. Et il faut savoir qu’ils font ça systématiquement, ils ouvrent des enquêtes. Nos frères morts deviennent des coupables ! »

« Pour Nahel, pour ses proches, pour sa maman »

Le cortège poursuit tranquillement sa route. Soudain, un frisson me parcourt. Juché sur le toit du camion. Une femme. Tantôt, elle sourit, salue, embrasse des mains et du regard les personnes qu’elle reconnaît. Tantôt, son visage se ferme, ses mains ne servent plus qu’à cacher le plus grand désespoir que puisse jamais traverser un être humain. La perte de son enfant. Je reconnais Mounia, la mère de Nahel. Les larmes me montent aux yeux. Une oratrice au micro demande une ovation de soutien « Pour Nahel, pour ses proches, pour sa maman ». La foule lui hurle son amour. Mounia sourit, mes larmes coulent. Je capture le moment et retourne dans le cortège.

Le cortège passe sous un pont. Tous les photographes, professionnels comme amateurs, se précipitent. D’en haut, c’est encore plus beau. Tous ces messages, tous ces visages. Unis dans un même élan de fraternité, un même espoir d’en finir définitivement avec cette violence impunie qui endeuille depuis trop longtemps tous les quartiers populaires de France les uns après les autres.

Le cortège atteint la préfecture de Nanterre. Les jeunes invectivent, les policiers mettent leur casque. La situation commence à se tendre. Les grands vont calmer les petits. « Pas maintenant » leur ordonnent-t-ils. Même les plus agités obtempèrent. C’est la marche blanche. Chacun veut respecter le deuil. Le cortège redémarre. On s’éloigne de la préfecture. On ressent un grand soulagement parcourir la manifestation. C’est visible sur les visages, les chants reprennent. Tout va bien, la marche blanche pourra aller à son terme. Soudain, on entend un son sec.

Tout devient confus. Ça court, ça gaze. Nous croisons une grand-mère qui n’arrive plus à respirer qu’à grand peine. Une jeune fille ouvre le passage, deux hommes la porte aux épaules. Une sœur cherche son petit frère dans la pagaille. Elle le retrouve juste à côté de nous, le saisit par la main. Il n’a pas plus de 6 ans. Incompréhension. On entend des cris « On n’a rien fait ! » L’air est de plus en plus saturé. « la police fait exprès de nous provoquer, ils veulent que ça parte en … »

L’essentiel du cortège se réfugie en haut des marches du parc qui mène à l’arche de la Défense. Nous croisons un homme qui se lave le visage à grandes eaux. Il nous dit avoir reçu une grenade lacrymogène au thorax. En effet, il sent fort le gaz. Il accepte de témoigner : « J’étais tout devant, j’ai tout vu, c’est la police qui a commencé, ils ont tiré un flashball alors que c’était calme ».

Justice pour Nahel, au plus vite. C’est le seul chemin vers la paix

En bas, premier départ de feu. Première charge de police. Nous quittons les lieux, l’air est devenu irrespirable. Nous entendons encore les enceintes du camion de tête qui porte Mounia : « Justice pour Nahel ». Oui. Justice pour Nahel, au plus vite. C’est le seul chemin vers la paix. Aucun discours, ne pansera les plaies de ses proches, aucun appel au calme ne pourra apaiser la colère de tous ceux qui se disent que ça aurait pu être eux au volant de cette voiture, qu’ils seront peut-être le prochain Nahel. Il faut des actes. Pour s’assurer qu’un tel drame ne puisse plus jamais se reproduire. Pour qu’au moins, Nahel ne soit pas mort pour rien.

Pour aller plus loin : Meurtre de Nahel : pas de discours, des actes, justice

Par Ulysse

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