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Handicap : pourquoi un maire de l’Eure a-t-il entamé une grève de la faim ? 

Un cri de rage contre l’abandon des personnes en situation de handicap. Un appel à l’aide.  Pour Elyes, son enfant, âgé de 12 ans. Celui-ci présente des troubles autistiques et n’a aucune solution d’accompagnement à la rentrée. Et pour « toutes ces familles qui sont dans la souffrance. » 

Giorgi Loiseau, maire de Poses (Eure), a tout tenté pour alerter sur cette situation insupportable. Il a appelé à l’aide. Sans résultat. Alors, il a décidé de rentrer dans la lutte physique. En mettant en danger son corps. Lundi 29 mai, il a entamé une grève de la faim. Notre article. 

« Des délais de deux, trois, quatre, jusqu’à six ans pour obtenir une place »

C’est l’histoire d’un ado. Comme des milliers d’autres en France, Elyes présente de lourds troubles du spectre autistiques. Comme des milliers d’enfants en France, il ne pourra pas être accueilli à la rentrée prochaine. 

Jusqu’alors, son père, Georgio Loiseau, cadre dans l’industrie et président de l’association L’Oiseau Bleu 27 avait réussi l’extraordinaire. Face à l’absence de solution d’accompagnement, il en a tout simplement… fondé une. Le Nid Bleu, créé en 2018, est encore à ce jour la seule unité d’enseignement élémentaire autisme (UEEA) du département de l’Eure. Un sacré papa. 

Problème : cette année, Elyes va souffler sa douzième bougie. Et à partir de 12 ans, l’accompagnement n’est plus possible en UEEA. À 12 ans, il faut passer à l’institut médico-éducatif (IME). Sauf que des IME, dans toute la France et encore plus dans l’Eure, il en manque. Beaucoup. Beaucoup.  « Il n’y a pas de place ou on vous annonce des délais de deux, trois, quatre, jusqu’à six ans pour obtenir une place », raconte son père dans une vidéo publiée sur son compte Facebook

Alors, comme des milliers d’enfants de son âge, Elyes risque d’être privé du lien social avec d’autres enfants. Justement au moment où cette relation avec ses pairs est si cruciale pour l’inclusion dans la société. 

« On n’a pas le droit de laisser crever des familles comme ça ! »

Comme des milliers de parents, c’est sur Giorgio et sa femme que risque de retomber l’ensemble de l’accompagnement. En effet, le dispositif des unités localisées pour l’inclusion scolaire (ULIS) n’est pas adapté à un handicap aussi lourd que celui d’Elyes. « Ses capacités ne sont pas en adéquation avec ce qu’on attend en ULIS »  avance Georgio Loiseau. « Ça serait maltraitant de le mettre au collège », complète son père. Seule solution : l’école à distance par le CNED. Donc pour ses parents, l’impossibilité de mener une vie professionnelle et sociale normale. Et pour Elyes, rester enfermé chez lui. Insupportable. 

« Le droit à l’éducation jusqu’à seize ans »

En France, la scolarisation des enfants est obligatoire jusqu’à 16 ans. Mais quel sens a donc cette obligation si l’État ne finance pas les structures nécessaires à l’éducation de tous les enfants ? Où est le droit à l’éducation pour ces enfants qui, en plus de devoir apprendre à vivre avec un handicap, sont mis au ban de la vie collective à l’entrée de l’adolescence ?

Vivre avec un handicap, du spectre autistique comme de tous les autres, crée nécessairement une forme de décalage avec ce que la société établit comme normes. Ce décalage requiert une adaptation de soi et des autres pour que tout le monde trouve une place qui lui corresponde dans la société. C’est par le contact, à toutes les étapes de la vie, entre les personnes en situation de handicap et celles considérées par la société comme « normales », un contact au sein d’un cadre réfléchi, adapté aux besoins de chacun que l’on peut créer des liens par delà ces différences. C’est à cette condition que la différence peut toutes et tous nous enrichir.

Cet abandon de l’État envers ces milliers d’enfants et ces milliers « d’aimants familiaux » comme se définit Giorgio Loiseaux est désastreux pour le vivre ensemble. C’est une honte pour la patrie qui a mis au fronton de tous ses établissements publics « Liberté, Égalité, Fraternité »

« on n’a pas le droit de laisser crever des familles comme ça ! »

Après avoir appelé à l’aide, le maire de Poses a donc décidé de passer au volume supérieur. 

Lundi 29 mai à 11 h 30, il entame une grève de la faim devant la cité administrative à Évreux. Pour son enfant. Et pour « l’ensemble des enfants qui sont sans solution » et leurs proches, toutes ces personnes abandonnées par un État néolibéralisé, gouverné par une clique de financiers qui préfèrent investir dans des grands projets inutiles. Un seul exemple. Les 490 millions d’euros dépensés par l’État et les collectivités dans une nouvelle autoroute pour contourner encore plus vite la ville de Rouen aurait pu permettre de financer plus 1200 places en IME pendant 10 ans

Honte à ceux qui prennent ces décisions. Et force à tous les Elyes et Giorgio de France. 

Par Ulysse