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Retraite à 64 ans : apeurée, la macronie fait tout pour empêcher un vote d’abrogation de sa réforme

Retraite. Le 8 juin prochain, l’Assemblée nationale pourrait voter l’abrogation de la retraite à 64 ans. Comment ? Grâce à une proposition de loi NUPES-LIOT, déposée lors de la niche parlementaire du groupe LIOT (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires). Ce jour-là, l’ordre du jour de l’Assemblée est entre les mains de ce groupe parlementaire. La date du 8 juin fait peur à l’ensemble du camp présidentiel. Même si une telle loi devrait encore passer devant le Sénat, ce serait un véritable camouflet pour le chef de l’État si elle était votée. Inquiète, la macronie cherche par tous les moyens à empêcher le vote de proposition de loi. Aurait-elle un problème avec les contre-pouvoirs ?

Le texte de loi en question serait soi-disant irrecevable financièrement, selon la minorité présidentielle. Ce n’est pas l’avis d’Éric Coquerel, président insoumis de la Commission des finances. La macronie fulmine et crie au loup. Ses arguments sont contredits par le droit et la jurisprudence. L’énergie du camp présidentiel à délégitimer ce texte de loi témoigne de son inquiétude. La minorité présidentielle craquera-t-elle ? Notre article.

La proposition de loi LIOT-NUPES déclarée recevable, la macronie fulmine

Le 8 juin prochain a lieu la niche parlementaire du groupe parlementaire LIOT. Avec la NUPES, ce groupe d’opposition présente une proposition de loi pour abroger la retraite à 64 ans. Ce texte législatif est déclaré recevable par une délégation du Bureau de l’Assemblée nationale le 26 avril 2023, sans que cela pose un problème. Petit à petit, la pression monte en macronie. La proposition de loi LIOT-NUPES pourrait être votée par l’Assemblée nationale.

Cette possibilité fait peur dans le clan du chef de l’État. La minorité présidentielle met la pression à Yaël Braun-Pivet, présidente macroniste de l’Assemblée nationale. Ses membres lui demandent de déclarer le texte de loi irrecevable au titre de l’article de 40 de la Constitution, au motif d’une aggravation des dépenses publiques. Yaël Braun-Pivet refuse de participer aux basses manœuvres de son camp. Une fois le filtre du Bureau de l’Assemblée nationale passé, c’est au président de la Commission des finances, l’insoumis Éric Coquerel, de juger de la recevabilité financière d’une proposition de loi (article 40 de la Constitution). La présidente de l’Assemblée baisse les bras le 23 mai 2023.

Pour aller plus loin : ALERTE – Retraites : comment le gouvernement veut empêcher l’Assemblée d’abroger sa réforme

Le camp présidentiel a trouvé un autre moyen de tordre le bras au Parlement. Quel est leur plan d’ici la niche parlementaire du groupe parlementaire LIOT ? Première étape : le vote d’un amendement de suppression de l’article 1 du projet de loi LIOT-NUPES – revenant sur le décalage de l’âge légal à 64 ans – voté avec l’appui de LR en commission des affaires sociales. Deuxième étape : l’opposition est contrainte de redéposer cet article en séance en publique, lors des débats de la niche parlementaire. Troisième étape : au titre de l’article 40 de la Constitution, la présidente de l’Assemblée nationale le déclare irrecevable. Un tour de passe-passe parlementaire, bafouant le droit des oppositions.

Ce 30 mai 2023, le président de la Commission des finances déclare la proposition de loi visant à abroger la retraite à 64 ans recevable. La macronie fulmine. La Première ministre dénonce une opposition « démagogique ». Franck Riester, le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement dénonce un président de la Commission des finances qui soi-disant « s’affranchit du droit et de sa fonction pour des raisons politiques ». Dès qu’un contre-pouvoir est actionné, la minorité présidentielle perd ses moyens. Le camp présidentiel hurle à l’inconstitutionnalité de ce texte de loi. Vraiment ?

La minorité présidentielle contredite par le droit

La minorité présidentielle est contredite par le droit. Selon elle, la proposition de loi LIOT-NUPES est inconstitutionnelle, au titre de l’article 40 de la Constitution, au motif d’une aggravation des dépenses publiques. Or, une convention parlementaire établie, constante et partagée par les deux Assemblées, tolère l’inscription de propositions de loi créant ou aggravant une charge publique si elles sont accompagnées d’un « gage de charge » suffisamment consistant. C’est le cas. Les dépenses maximales attendues seraient de 11,5 milliards d’euros. Le « gage » sur le tabac peut, lui, « soutenir le poids d’une proposition jusqu’à 14,4 milliards d’euros » (Libération) selon Éric Coquerel.

Aussi, la recevabilité d’une proposition de loi déterminée via l’article 40 de la Constitution par le Bureau de l’Assemblée nationale est souvent souple pour faciliter leur dépôt par les membres de l’opposition, tant que la charge publique créée est compensée. La jurisprudence constate du « gage de charge » existe bel et bien, comme l’explique Éric Coquerel (voir publication Twitter ci-dessus).

La macronie fait preuve de mauvaise foi. En déposant leur proposition de loi « bien vieillir » en avril 2023, ils créent alors une charge publique de 8 milliards d’euros, gagée sur le tabac. Ce qui serait valable pour eux ne serait pas valable pour l’opposition ? Enfin, s’asseoir sur la jurisprudence liée à l’article 40 de la Constitution créerait un inquiétant précédent, rendant quasiment impossible le dépôt d’une proposition de loi par un parlementaire.

La niche parlementaire qui inquiète le camp présidentiel

Pourquoi cette niche parlementaire inquiète tant le camp présidentiel ? Son texte d’abrogation a de grandes chances d’aboutir. « Aucun d’eux ne se fait d’illusion désormais : le texte a toutes les chances d’être voté », lit-on dans L’Opinion dès le 10 mai 2023. Le quotidien libéral relate alors l’état d’esprit des trois présidents de groupes parlementaires macronistes à l’Assemblée : Aurore Bergé (Renaissance, ex-LREM), Laurent Marcangelli (Horizons) et Jean-Paul Mattei (Modem).

La recherche de tous les détournements possibles des institutions, le changement de ton progressif de la macronie, les attaques contre le président de la commission des finances… Tous ces éléments illustrent l’inquiétude de la minorité présidentielle face à la perspective du 8 juin. Deux possibilités sont sur la table. Soit la macronie fait en sorte que le débat n’ait pas lieu en supprimant l’amendement d’abrogation de la retraite à 64 ans ou en bloquant les débats tout le long de la niche parlementaire. Soit le vote a lieu. Auquel cas, le vote peut ne pas être concluant mais l’inverse reste plus probable.

Pour aller plus loin : ALERTE – Retraites : comment le gouvernement veut empêcher l’Assemblée d’abroger sa réforme

Et si la proposition de loi pour abroger la réforme des retraites est votée ? Un vote au Sénat semble difficile à gagner. Sait-on jamais. Ce qui compte le plus est le camouflet que constituerait un vote d’abrogation de la réforme des retraites par l’Assemblée nationale. Comment Emmanuel Macron pourrait-il fi d’un tel affront ? Comment le macronie pourrait-t-elle faire comme si de rien n’était après cela ? Affaire à suivre de très près.

Par Nadim Février