Impôts
Gabriel Zucman, Director, EU Tax Observatory, France speaking in the Is Global Tax Reform Stalling? session at the World Economic Forum Annual Meeting 2023 in Davos-Klosters, Switzerland, 19 January. Congress Centre - Aspen 1. Copyright: World Economic Forum/Faruk Pinjo

Désintox : les ultra-riches payent 2% d’impôts, les classes populaires et intermédiaires 50%

« Trop d’impôts en France » : qui n’a jamais entendu cette affirmation ? La France serait championne des taxes. Mais sur qui ? Sur qui pèse l’effort collectif ? Pas sur les 370 plus grosses fortunes du pays. Selon l’économiste Gabriel Zucman, maître de conférences à l’université de Californie, lauréat du prix du meilleur jeune économiste de France, et tout récent lauréat de la médaille John-Bates-Clark aux États-Unis, les ultra-riches payent… 2% d’impôts en France. Quand, en même temps, les classes populaires, les classes moyennes payent 50 % de leurs revenus en impôts, toujours selon Gabriel Zucman. L’injustice fiscale en France est immense.

La France n’est pas un « enfer fiscal », mais bien un « paradis fiscal » pour milliardaires selon l’économiste. Ces 370 plus grosses fortunes du pays ne payent quasiment aucun impôt sur la fortune. L’Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a été aboli par Emmanuel Macron et remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Mais la plus grande partie du patrimoine des ultra-riches est du patrimoine financier : des titres, des actions ou encore des obligations. Non seulement ces 370 premières fortunes du pays ne payent que 2% d’impôts, mais leurs multinationales échappent elles aussi à l’impôt. Selon l’OBS, les sociétés du CAC 40 payent en moyenne 4,5% d’impôts. Quand les PME payent 15% à 25% d’impôts. Injustice fiscale immense on vous dit : les petits payent gros, les gros payent petit.

« Les riches vont se barrer », « La France championne des taxes », « les riches créent des emplois », « les milliardaires se sont fait tout seul », « les privilégiés », « la réindustrialisation », « pas d’argent magique », « trop d’impôts »… L’insoumission.fr lance une nouvelle série : « Désintox économique ». L’objectif : apporter des outils à nos lecteurs pour participer à la bataille culturelle contre la propagande économique véhiculée tous les jours par les médias traditionnels. Notre but : vulgariser les débats économiques pour les rendre accessibles au plus grand nombre. L’adversaire : les milliardaires qui détruisent la planète et les humains, et qui possèdent les médias dominants. Nos alliés dans la bataille : les économistes de notre camp et vous, nos lectrices et lecteurs.

Les 370 premières fortunes françaises payent 2% d’impôts en moyenne, selon l’économiste Gabriel Zucman

L’injustice fiscale est totale en France : les milliardaires ont des taux d’imposition bien plus faibles que les classes moyennes. Ce n’est pas l’insoumission.fr qui le décrète, mais l’économiste Gabriel Zucman qui le dit. Normalien, thésard de Thomas Piketty à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS), enseignant l’économie à la London School of Economics (LSE) puis à l’université de Californie à Berkeley aux États-Unis, lauréat du prix du meilleur jeune économiste de France attribué par Le Monde et le Cercle des économistes en 2018, et tout récent lauréat en 2023 de la médaille John-Bates-Clark, prix décerné chaque année à un économiste de moins de quarante ans « qui a apporté une contribution significative à la pensée et à la connaissance économique ».

Pourquoi étaler le CV de Cabriel Zucman ? Pour que vous vous frottiez bien les yeux et que vous croyiez les chiffres qui vont suivre. Selon l’économiste, les ultra-riches ne payent que 2% d’impôts en France. « C’est particulièrement extrême en France (les inégalités et l’injustice fiscale), où si on regarde les 370 ménages avec les revenus les plus élevés, leur taux effectif d’imposition sur leurs revenus, quand on prend en compte tous leurs revenus économiques, est de l’ordre de 2 % ! ». Vous avez bien lu : 2% d’impôts seulement pour les ultras riches.

La fin de l’impôt sur la fortune (ISF) n’a rien arrangé. Ces ultra-riches ne payent quasiment aucun impôt sur la fortune. L’ISF a été aboli par Emmanuel Macron et remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière. Mais la plus grande partie du patrimoine des ultra-riches est du patrimoine financier : des titres, des actions ou encore des obligations. In fine, le seul impôt qu’ils payent c’est l’impôt sur les sociétés via les sociétés dont ils sont actionnaires. Mais ces grands groupes échappent eux aussi à l’impôts : 4,5% de taux d’imposition moyen pour le CAC40, selon le journal Obs (enquête datant de juillet 2022).

Les classes populaires, les classes moyennes et moyennes supérieures ont un taux d’imposition de l’ordre de 40-50 %, selon Gabriel Zucman

Toujours selon Gabriel Zucman, « dans le même temps en France, les classes populaires, les classes moyennes, payent 50 % de leurs revenus en impôts. En France, le taux de prélèvement obligatoire, c’est 50% du PIB. Les classes populaires, les classes moyennes, payent 50% d’impôts ». Même nous à l’insoumission.fr, on s’est piqué en découvrant ce chiffre de 50% d’impôts. On s’est dit que la langue de l’économiste avait peut-être fourché. Mais non. Dans Alternatives Eco, l’économiste confirme : « les classes populaires, les classes moyennes et moyennes supérieures ont un taux d’imposition de l’ordre de 40-50 %. Tout le monde paye beaucoup d’impôts en France ». Tout le monde ? Sauf une poignée de séparatistes tout en haut.

À tel point que 200 millionnaires, issus de 13 pays différents, demandent à être taxés davantage. Le directeur de l’observatoire européen de la fiscalité salue les progrès effectués avec la mise en place d’une taxation minimum de 15 % sur les entreprises, une décision prise sous la houlette de l’OCDE. Mais « 15 %, c’est bien trop faible », souligne Gabriel Zucman à France Info. « Quand dans le même temps, en France, les classes populaires, les classes moyennes payent 50 % de leurs revenus en impôts. C’est très difficile de dire, dans ce contexte, pour les multinationales, les acteurs économiques les plus puissants, ceux qui ont le plus bénéficié de la mondialisation, 15 %, c’est assez ! C’est incompréhensible. »

La France, un paradis fiscal pour milliardaires, pas pour PME

La France n’est pas un « enfer fiscal », mais bien un « paradis fiscal ». Combien de fois avez-vous entendu un « expert » économique ou un éditorialiste de plateaux fustiger le taux d’imposition trop élevé en France, surtout celui des plus riches ? Ou expliquer que la France fait vivre un enfer à ses habitants les plus fortunés ? Une sempiternelle rengaine sur les plateaux des milliardaires. Pourtant, la réalité est tout autre : la France est championne du monde des milliardaires. Entre 2009 et 2022, le patrimoine des milliardaires a bondi de 439 % en France. En Allemagne, ce chiffre n’est « que » de 175%. La France, un « enfer fiscal », vraiment ?

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Un autre mythe déconstruit par l’insoumission.fr : non, les milliardaires ne se sont pas fait tout seul. Non, les milliardaires ne sont pas des « self made men » : 80% des milliardaires sont des fils à papa. Et non, si on les taxe, les riches ne vont pas quitter le pays. Et non, la France n’est pas championne du monde des taxes : 2% d’impôts pour les ultra-riches, 4,5% pour le CAC 40. En revanche, oui, la France n’est pas un paradis fiscal pour les PME : 15 à 25% d’imposition en moyenne. Et oui, la France peut être « un enfer fiscal » mais pas pour milliardaire, un enfer fiscal pour classes populaires et intermédiaires, pour les 79% de Français qui doivent se serrer la ceinture (enquête Elabe).

Pour aller plus loin : Crise alimentaire : les chiffres chocs de l’explosion de la pauvreté en France

C’était le motif de soulèvement des Gilets Jaunes : l’injustice fiscale, qui, comme si ça ne suffisait pas, est aussi une injustice écologique. Les criminels climatiques, les 63 milliardaires qui polluent plus que la population en France (Reporterre), sont aussi moins taxés en proportion de leurs émissions, que les classes populaires et intermédiaires. Gabriel Zucman toujours : « pour résoudre le problème du changement climatique, il va quand même bien falloir réduire les émissions de gaz à effet de serre, en commençant par les acteurs économiques qui ont les émissions les plus élevées. On ne peut pas faire des taxes carbones qui taxent tout le monde au même taux. Il faut une taxe carbone progressive : que les ménages aux émissions les plus élevées aient un taux d’imposition plus élevé ». Face à l’injustice fiscale totale, des programmes de justices fiscales existent. Et il y a urgence qu’ils arrivent au pouvoir.

Par Pierre Joigneaux.