Macron

Casse du siècle : 250 milliards passés du travail au capital, dans un silence assourdissant

Travail. Le casse du siècle. Un braquage silencieux s’opère dans le pays. C’est l’éléphant au milieu du débat économique, dont on ne vous parle pourtant jamais : 10% de la valeur ajoutée sont passés du travail au capital en France. La part revenant aux salariés a en effet chuté dans le pays. Elle était de 75% au début des années 80, elle stagne autour de 65% aujourd’hui (source : INSEE). Ces 10 points de pourcentage d’écart représentent un incroyable magot : 250 milliards d’euros (10% de 2 500 milliards, le montant du PIB, ndlr). Vous avez bien lu : 250 milliards d’euros.

Mais où est donc passé cet argent ? Dans le financement de nos retraites ? Dans le financement de la révolution écologique ? Dans de grands plans de sauvetage de nos hôpitaux ? De nos écoles ? De notre justice ? Raté. Ce magot est passé directement du travail au capital. Dans les années 80, un salarié français travaillait en moyenne 9 jours par an pour payer les dividendes des actionnaires. Aujourd’hui, un salarié travaille en moyenne 45 jours supplémentaires pour les actionnaires. Dans l’Union européenne, la part des dividendes dans la valeur ajoutée a augmenté de 13 points. Un braquage dont on ne vous parle jamais. 83% des Français considèrent pourtant que la lutte des classes est toujours d’actualité (enquête de l’IFOP, ndlr). Le point central mais pourtant aveugle du débat économique.

«Trop de taxes », « les riches vont se barrer », « les riches créent de l’emploi », « pas d’argent magique »… L’insoumission.fr lance une nouvelle série : « Désintox économique ». L’objectif : apporter des outils à nos lecteurs pour participer à la bataille culturelle contre la propagande économique véhiculée tous les jours par les médias traditionnels. Notre but : vulgariser les débats économiques pour les rendre accessibles au plus grand nombre. L’adversaire : les milliardaires qui détruisent la planète et les humains, et qui possèdent les médias dominants. Nos alliés dans la bataille : nos économistes et vous, nos lectrices et lecteurs.

Dixième épisode de notre série Désintox économique : le braquage invisible du capital sur le travail. 

Travail : la part des salaires dans la valeur ajoutée a chuté en France

Travailler plus pour gagner plus, ou travailler plus pour gaver plus ? Le gouvernement voudrait donc faire travailler les Français deux années supplémentaires, jusqu’à 64 ans. L’argument invoqué : les finances publiques. Il manque soi-disant de l’argent dans les caisses. Le plus vieil argument de la droite pour justifier ses lois austéritaires (la retraite à 64 ans, la suppression des lits dans nos hôpitaux, la fermeture de classes…) : la dette publique. Regardons justement où part l’argent public.

Qu’est-ce qui coûte un « pognon de dingue » à la nation ? Les « assistés » d’en bas qui « bénéficient d’aides, pour ensuite les envoyer au Maghreb » comme l’affirme notre ministre de l’Économie ? La fraude sociale représente 700 millions d’euros par an. Raté, ce n’est pas la faute des arabes. Ah ! C’est la faute des privilégiés aux régimes spéciaux, les cheminots et les fonctionnaires, et leurs salaires mirobolants qui pèsent sur notre compétitivité ? Problème, la part des salaires a baissé dans la valeur ajoutée, et la part des super-profits, elle, explose. Total a annoncé 36 milliards d’euros de bénéfices, LVMH 14 milliards, BNP 10 milliards, et ainsi de suite. L’insoumission.fr s’est prise de passion pour la page 51 du Projet de Loi de Finances de la Sécurité Sociale rectificatif 2013 (ci-dessous).

Chute de la part des salaires dans la valeur ajoutee

Selon l’INSEE, la part des salaires dans la valeur ajoutée était de 75% au début des années 80. Elle stagne aujourd’hui autour de 65%. La répartition de la valeur ajoutée entre le capital et le travail constitue un enjeu économique et politique fondamental. Et pourtant cette question, la question fondamentale, celle du partage des richesses, richesses produites par le travail, est LA grande absente du débat public. Ce hold-up, ces 10 points de valeurs ajoutées passés des poches du travail au capital, représentent pourtant un incroyable magot : 250 milliards d’euros (10% des 2 500 milliards d’euros de PIB). Le casse du siècle, en silence, en silence.

Travail : le hold-up effectué en silence par le capital, explosion des super-profits

Mais alors, si la part des salaires a chuté, de 5 à 10 points (selon les dates que l’on choisit), où part l’argent public ? Des chercheurs du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) ont une petite idée : 157 milliards d’euros d’argent public sont déversés, chaque année, sans aucune contrepartie, sur nos (grandes) entreprises. Vous entendez beaucoup parler du « coût du travail », beaucoup plus rarement du coût du (grand) capital : près de 160 milliards d’euros chaque année.

Repartition de la valeur ajoutee en France

Le gouvernement préfère vous faire travailler deux années supplémentaires. Pourquoi ? Pour récupérer 10 à 12 milliards seulement selon le Conseil d’orientation des retraites (COR), au mieux. La retraite à 64 ans ne pourrait en effet rapporter que… 2,8 milliards d’euros selon l’Observatoire français des conjonctures économiques, l’OFCE. Deux ans fermes pour des millions de salariés pour récolter des miettes, plutôt que d’augmenter de deux points les salaires ? Il suffirait en effet d’augmenter de seulement 2 points la part des salaires dans la valeur ajoutée pour récupérer… 12 milliards d’euros de cotisations. Et oui, plus de salaires, c’est plus de cotisations sociales. 

En effet, la « politique des caisses vides », selon l’expression de l’économiste Michaël Zemmour, la stratégie actuelle du pouvoir, est particulièrement perverse. Dans un premier temps, les exonérations contribuent à creuser le déficit et fragiliser l’autofinancement de la Sécurité sociale. Dans un deuxième temps, ce même déficit est utilisé comme argument pour justifier les réforme austéritaires, la baisse des dépenses et des prestations sociales. Toute la perversité macroniste repose là dessus : déshabiller le bien commun pour habiller le profit privé. Le capitalisme est sous perfusion. Le capitalisme ne tient plus debout tout seul : il survit grâce au soutien massif de l’État, notamment aux 160 milliards d’euros d’aides publiques déversés chaque années aux grandes entreprise sans aucune contrepartie.

Mais où passe donc l’argent public ? Dans le financement de nos retraites ? Dans le financement de la révolution écologique ? Dans un grand plan de rénovation thermique des bâtiments ? Dans de grands plans de sauvetage de nos hôpitaux ? De nos écoles ? De notre justice ? De nos biens communs ? Raté. Ce magot est passé directement du travail au capital. Dans les années 80, un salarié français travaillait en moyenne 9 jours par an pour payer les dividendes des actionnaires. Aujourd’hui, un salarié travaille en moyenne 45 jours supplémentaires pour les actionnaires. Dans l’Union européenne, la part des dividendes dans la valeur ajoutée a augmenté de 13 points. Un braquage dont on ne vous parle jamais. 83% des Français considèrent pourtant que la lutte des classes est toujours d’actualité (enquête de l’IFOP, ndlr). La répartition de la valeur ajoutée entre travail et capital, le point central mais pourtant aveugle du débat économique.

Par Pierre Joigneaux.