RSA
« Prenez garde à l'armée des précaires, un grand bond en avant vers le XIXe siècle », Jeanne Menjoulet, Flickr, CC by 2.0

Les lieux d’accueil RSA : oubliés du Ségur, mis sur le marché de la concurrence

Les accompagnateurs sociaux des lieux d’accueil RSA des Bouches-du-Rhône ont appris en octobre 2022 que la prime Ségur ne sera pas prise en charge par leur département. Les associations ne seront pas remboursées, alors qu’elles ont déjà versé cette prime. Une situation anormale. La raison ? Elles n’accompagneraient soi-disant pas de « public spécifique ». Voilà où mène la société du tout-marché. Pour défendre leurs droits, les lieux d’accueil RSA se sont constitués en collectif et restent mobilisés. Ils ne comptent pas en rester là. Ils travaillent aussi à la mise en place d’assises du travail social. Notre article.

Lieux d’accueil RSA, c’est quoi ?

Les accueils RSA accueillent des publics divers. On parle de personnes de 18 à plus de 65 ans qui ont des problématiques différentes, voire un cumul de ces dernières, les poussant dans une situation d’extrême précarité, voire d’exclusion. Ainsi, ils reçoivent des SDF, des personnes en situation de handicap, d’illettrisme, avec des troubles psychologiques, d’addiction, avec des problèmes liés au logement, à l’accès au soin, aux transports et qui font face à la solitude et à l’isolement. Les lieux d’accueil RSA permettent à tous les publics en situation de précarité de se rencontrer. Les travailleurs sociaux suivent 150 familles par file active. La charge de travail est conséquente.

 « Nous ne nous sentons pas respectés dans le cadre de nos missions »

Le public des lieux d’accueil RSA est considéré par le conseil départemental comme un public « sans problème », puisque la spécificité des difficultés auxquelles ils font face est niée. Les travailleurs sociaux sont alors considérés comme des « accompagnateurs à l’emploi » en dépit de leurs diplômes et de leurs missions sociales qui sont pourtant bien stipulées dans le Plan Départemental d’Insertion.

Une loi discriminante

Que le département des Bouches-du-Rhône ne prenne pas en charge la prime Ségur remet en cause la loi qui l’a permise. Cette décision est profondément injuste et discriminante pour les lieux d’accueil RSA. Alors que les employeurs ont des difficultés pour recruter, ce refus ne va faire qu’aggraver dangereusement la situation. Cette décision est lourde de conséquences et risque de mettre en péril la pérennité des lieux d’accueil RSA. Quel est le projet antisocial du Conseil Départemental du 13 dirigé par Martine Vassal (LR) ?

Appels d’offres : les lieux d’accueil se disputeront les personnes en situation de pauvreté

Le conseil départemental a mis sous appel d’offres les lieux d’accueil RSA du Département des Bouches-du-Rhône. Ils sont tous sur la sellette. Ainsi, ils doivent emporter un marché pour continuer de mener à bien leurs missions. Une réponse doit être rendue pour les « candidats » le 20 mai 2023. Un marché pour s’occuper des plus précaires s’organise donc. Voilà où mène la société du tout-marché.

Le collectif Nouveaux Oubliés du segur 13 qui rassemble tous les lieux d’accueil RSA, demande à ce que les travailleurs sociaux menacés de licenciement ou de reclassement soient prioritaires pour une embauche sur les Lieux d’Accueil retenus. Le collectif demande également que la Prime Ségur soit intégrée par les Lieux d’Accueil dans leur réponse à l’appel d’offre.

Politiques libérales :  faire plus avec moins

Les budgets annoncés sont revus à la baisse, les lieux d’accueil RSA vont perdre 30 euros par bénéficiaires du RSA. L’État devait subventionner à hauteur de 70 % les conseils départementaux pour le versement de la prime Ségur. Les travailleurs sociaux des lieux d’accueil sont-ils concernés ? Le collectif NO Segur 13 doit avoir une réponse en avril.

Double contrôle pour les bénéficiaires et les travailleurs sociaux

Dans un communiqué de la CGT, nous pouvons aussi constater qu’« il y’a aussi des demandes de contrôles, les personnes accompagnées doivent être vues 7 fois dans l’année et, un rapport détaillé devra s’effectuer pour chaque rendez-vous. Si les bénéficiaires ne viennent pas, il y aura des conséquences pour eux. Pour les travailleurs sociaux, les tâches administratives vont encore leur prendre plus de temps et donc en auront moins pour faire de l’accompagnement social.

Le Conseil Départemental demande aussi l’accès aux fichiers internes où se trouvent les comptes rendus des personnes accompagnées. Le secret professionnel est alors menacé. Sans compter les bénéficiaires du RSA qu’on oblige à avoir une activité bénévole de 15 à 20h par semaine pour 500 euros par mois ! ».

Pour aller plus loin : Retraites, RSA, école : Macron, la menace d’un 2ème mandat de saccage social

Comment expliquer à des technocrates que la discrétion et le secret professionnel sont nécessaires pour établir une relation de confiance et que le changement de travailleur social récurrent dans l’accompagnement social provoque des dégâts ?

La dérive d’une politique purement comptable

Les lieux d’accueil RSA sont en danger. Avec eux, ce sont 17 000 personnes qui vont devoir subir les conséquences d’un accompagnement en perte de sens social. Le travail social n’est pas rentable. Il n’a pas à être mis aux normes gestionnaires.

Par Katia Yakoubi

Crédits photos : « Prenez garde à l’armée des précaires, un grand bond en avant vers le XIXe siècle », Jeanne Menjoulet, Flickr, CC by 2.0 (pas de modification)

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