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France Policiers Sécurité, image gratuite, Pixabay

« Une police républicaine, vraiment ? » : le témoignage cinglant d’un ancien policier écoeuré

 À l’heure où se multiplient les vidéos et témoignages dénonçant des violences policières, on constate les réactions des représentants des « forces de l’ordre », hiérarchie, syndicats, tenter dans un réflexe pavlovien, de minimiser voir de justifier ces comportements ayant peu avoir avec l’esprit républicain dont ils se réclament. Pour les uns, il s’agirait de déviances individuelles liées à une grande fatigue, pour les autres il faudrait « contextualiser » c’est-à-dire, dans une posture infantile, affirmer que ce sont les autres qui ont commencé ! 

Pourquoi mêler indistinctement des courants politiques républicains à « l’ultra gauche » dont il s’agirait de connaitre la vraie nature nihiliste ? A qui incombe de juguler sa violence, au même titre d’ailleurs que l’ultra droite ? Il n’y a jamais ô grand jamais de remise en question sur les process employés par l’institution policière notamment lors du maintien de l’ordre. Pourtant déjà, le syndicat de police SGP-FO par la voix de sa déléguée syndicale Linda KEBBAB s’étonnait de la présence de « black blocs » qui n’auraient pas dû se retrouver là ! Elle s’interrogeait sur le peu de contrôles réalisés en début d’une manifestation contre la Loi sur la sécurité globale en novembre 2020. Des enseignements ont-ils été tirés ? Il semble que non, puisqu’elle twittait le 24 mars 2023 : on peut arrêter les « black blocs » mais on ne nous le demande pas ! 

Dès lors, on peut se demander si le pouvoir exécutif, à défaut d’obtenir le pourrissement de la mobilisation sociale n’en vient pas, intentionnellement, à remettre en cause le droit constitutionnel de manifester. Sinon, comment laisser entendre que participer à une manifestation non déclarée est un délit ? Difficile de croire que les plus hautes autorités méconnaissent la législation en la matière et ignorent une des valeurs de notre République. 

La réalité est que la Police qui a connu plusieurs réformes et bouleversements s’est trouvée fragilisée, d’abord par une baisse importante de ses effectifs à la suite de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) sous la mandature de M. SARKOSY puis sommée, après les vaques d’attentats, de recruter en masse. La conséquence fut un recrutement dont le niveau d’exigence a drastiquement baissé, une formation initiale accélérée donc insuffisante et une formation continue inexistante. Le problème n’est malheureusement pas prêt d’être résolu, puisqu’aujourd’hui on recrute des « réservistes » avec une formation d’un mois avec pour « ambition » de la réduire à 10 jours ! Rappelons que ces personnes seront dotées d’une arme de poing. On ne peut que craindre une multiplication des « bavures ». 

Un constat est que trop de policiers ignorent les règles de droit, ne maîtrisent pas le concept de libertés publiques et ne connaissent pas les limites de leur action. On entend trop souvent dans leur propos : que force doit rester à la Loi, sans savoir que l’usage de la force légitime a un périmètre défini strictement par le législateur. La fin ne justifie pas les moyens. Le policier doit pouvoir se protéger de toute agression, mais doit avoir constamment à l’esprit qu’il assure aussi et, surtout, la sécurité de la population. Les Officiers de Police Judiciaire d’aujourd’hui, formés en quelques semaines (pour ne pas grever le fonctionnement des services) se contentent de placer les interpellés en garde à vue sans toujours le discernement nécessaire, usant de ce droit de coercition sans état d’âme et sans en assumer la responsabilité.

La disparition des renseignements généraux qui avaient démontré leur expertise et efficacité dans la prévision de la violence politique, n’a pas non plus facilité la transformation de l’institution policière, ni amélioré la qualité du renseignement puisque tout un savoir-faire et une mémoire précieuse se sont perdus. Rappelons qu’aujourd’hui, l’on envisage de porter un coup de grâce à la Police Judiciaire, en la plaçant sous l’autorité d’un Directeur Départemental de la Sécurité Publique lui-même soumis à l’autorité administrative directe d’un Préfet. Cette nouvelle organisation est de nature à générer, sans conteste, une grave entorse à la séparation des pouvoirs, dénoncée non seulement par les fonctionnaires de la Police Judiciaire mais aussi par les avocats et les Magistrats eux-mêmes. 

Enfin, la politique du chiffre menée tambour battant, également depuis SARKOZY et toujours largement contestée par la base des policiers, après l’abandon de la police de proximité, a fait des ravages au sein de l’institution policière conduisant nettement à dénaturer ses missions. 

Le plus surprenant reste l’attitude des syndicats de police tous corps confondus. Si certains partagent ce constat, ils ne s’expriment pas ou peu, ne revendiquent un quelconque changement ou n’émettent de véritables propositions auprès de leur ministre de tutelle. 

Force est de constater que les représentants des syndicats de police se précipitent plus volontiers sur les plateaux de TV pour commenter les faits divers ou dénoncer les atteintes dont ils font l’objet de la part de « malfaisants » mais ne se bousculent pas pour décrire le malaise de leurs adhérents face à une perte de sens de leur métier, des méthodes de management d’une hiérarchie monolithique déconnectées de leur réalité, plus prompte à cacher la poussière sous le tapis quand certains d’entre eux les alertent sur les dérives de leurs collègues. 

En effet, comment interpréter la réintégration de certains policiers, sanctionnés judiciairement et de facto radiés de la Police Nationale ? À l’origine de leur déchaînement de violence ? Pas de violence urbaine, pas d’émeute, pas de problème de maintien de l’ordre, juste des jeunes dont la neutralisation ne justifiait pas l’emploi de moyens disproportionnés. 

L’institution est ternie et aucun syndicat de police dit « républicain » ne s’en est ému. La liste des comportements contraires à la déontologie policière ne cesse, hélas, de s’allonger et les réponses du ministère de l’intérieur ne parvient pas à les endiguer. Plus grave encore lorsque certains fonctionnaires dénoncent ces dérives ils sont souvent ostracisés par leurs collègues, quand ce n’est pas par leur hiérarchie (pas de vague surtout). Voir les témoignages recueillis dans l’ouvrage « l’OMERTA DANS LA POLICE » d’Agnès NAUDIN et de Fabien BILHERAN. 

Ils ont tous accepté la militarisation de l’institution, autant dans leurs moyens matériels que dans leur formation ou dans leur appellation. 

Tout cela ajouté, comme le dit si justement l’ancien préfet Laurent BIGOT, à la sémantique utilisée par le pouvoir exécutif qui ne voit dans toute contestation de sa politique que des personnes devenues des ennemis et non des citoyens, participe non seulement au sentiment d’impunité qui conduit à ces comportements. Pour exemple, rappelons les propos du Préfet LALLEMENT s’adressant à une femme gilet jaune : « nous ne sommes pas dans le même camp, Madame !» ou récemment ceux du Président MACRON lors de son allocution le 22 mars, en évoquant les factieux et les factions à propos des manifestants, sans distinguer la minorité qui vient pour casser, de la majorité qui revendique son opposition à la réforme de la retraite. 

Les parquets dépendants du pouvoir exécutif via le Garde des sceaux, eux-mêmes subissant les déficits de personnel et de Tribunaux se retrouvent trop souvent noyés par la masse de dossiers à traiter, et se montrent moins regardant sur la qualité des procédures. Ils ne semblent plus en mesure de freiner ne serait-ce que les pratiques arbitraires d’un service de Police. 

Il ne reste plus qu’à espérer que l’ensemble des dérapages policièrs mis à jour soient fermement et méthodiquement sanctionnés par le pouvoir judiciaire indépendant. Il revient aux magistrats du siège de porter un coup d’arrêt à des dérives qui foulent l’état de droit, ne serait-ce que par respect des valeurs démocratiques. 

Un ancien policier écoeuré

Crédits photo : « France, Policiers, Sécurité », Jackmac34, image gratuite sur Pixabay

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