Jaurès

Scandale : quand le RN ose tenter de s’approprier la mémoire de Jaurès

Le 31 juillet 1914, Jean Jaurès est assassiné par un militant d’extrême droite, Raoul Villain, membre de la Ligue des jeunes amis de l’Alsace Lorraine, un groupuscule proche de l’Action Française. 109 années plus tard, le 15 février 2023, un député du Rassemblement national (RN) essaye de faire croire que Jaurès « soutiendrait probablement les idées » du parti d’extrême droite. Un contresens historique total, dans le plus grand des calmes. Sans aucun respect pour la mémoire de ce grand homme qui a subi caricatures, insultes et menaces de l’extrême droite pendant toute sa vie. Jusqu’à la perdre. 

Mais sur quelle planète vit Sébastien Chenu ? Pas celle de la décence. Ni de la probité intellectuelle. Notre article. 

Sébastien Chenu tente une ignoble appropriation de Jean Jaurès

Mercredi 15 février 2023, Sébastien Chenu est invité sur France info. Le journaliste lui demande, perplexe : « vous le diriez, vous, que Jaurès aurait voté RN ? ». Sans aucun respect pour la mémoire d’un homme qui a fini par payer de sa vie son combat profondément pacifiste et humaniste, le député du Rassemblement national répond : « Je le dirai 10 fois plus. »

Rappel utile : Jaurès était du côté des travailleurs. Toute sa vie, il a été du côté du travail, de tous les mineurs de Carmaux du pays, contre le capital. Le Rassemblement national (RN) a lui choisi le camp adverse : celui du capital. Le RN vote contre la régulation des jets privés et des yachts, contre le rétablissement de l’impôt sur la fortune (ISF), contre la taxation des super-profits, contre l’imposition des multinationales, « et en même temps » contre l’augmentation du SMIC, le blocage des prix, le gel des loyers et une réforme de l’impôt sur les sociétés (IS) qui favoriserait les petites et moyennes entreprises (PME).

Le RN a choisi son camp : le capital plutôt que le travail, les gros plutôt que les petits, les riches plutôt que les pauvres. On pourrait résumer les votes du RN ainsi depuis le début du quinquennat : fort avec les faibles, faible avec les forts. Le camp adverse de celui de Jaurès.

Un contresens historique total

L’argument unique du RN ? Jaurès était patriote. Certes, il a utilisé ce mot de « patrie ». Mais dans quel sens ? Il se réclamait de la « patrie universelle des travailleurs libres ». Déjà on sent que les députés du Rassemblement National commencent à avoir l’œil qui sautillent, ça frôle le malaise, tant de hauteur philosophique, ils n’ont pas l’habitude. Il aimait la France, ça oui, mais la France de la Révolution de 1789 qui abolit l’esclavage, de la Commune qui inscrit pour la première fois la séparation de l’Église et de l’État. Cette France qui lui paraissait de plus en plus en capacité, grâce à la progression du socialisme et du syndicalisme, d’imposer la République sociale qu’il appelait de ses vœux.

Avec un tel système de valeur, pas étonnant que Jean Jaurès ait été toute sa vie la cible de flots d’injures et d’appels aux meurtres de la part de l’extrême-droite monarchiste et réactionnaire du tournant du XXème siècle.

Et ce n’est pas tout. 

Totalement à l’opposé du racisme, de la préférence nationale et des autres immondices discriminants qui remplissent le programme du RN, du FN et de tous les partis politiques d’extrême droite, Jean Jaurès exigeait de « protéger les ouvriers étrangers contre l’arbitraire administratif et policier, pour qu’ils puissent s’organiser avec leurs camarades de France et lutter solidairement avec eux sans crainte d’expulsion ».

Tenter de s’approprier les héros qui l’ont jadis combattu : une pratique récurrente de l’extrême droite au XXIème siècle

Comme le montre la question du journaliste de France info, ce n’est pas la première fois que l’extrême droite salit la mémoire du fondateur de la Section Française de l’Internationale Ouvrière. Déjà, le seul nom du parti, c’est l’exact inverse de Rassemblement national : on voit mal les racailles du GUD et autre Génération identitaire aller tracter pour une Internationale de quoi que ce soit. 

Un article, « l’extrême droite tue Jaurès une troisième fois », datant du 31 juillet 2013 publié sur le site « debunkers des rumeurs d’extrême droite » démontait déjà ces vicieux mensonges qui circulent sur Internet.

Cette stratégie est donc récurrente pour les représentants de l’extrême droite au XXIème. Ce larcin mémoriel masque mal la vérité : les figures de l’extrême droite ne laissent qu’une trace honteuse dans l’histoire. Elles n’ont rien fait d’autre de mémorable que d’attiser la haine de la différence, de déchaîner sa violence contre celles et ceux qui ne pensaient pas comme eux.

Comme ce fut le cas de Raoul Villain. Ce militant du groupuscule d’extrême droite : la ligue des jeunes amis de l’Alsace Lorraine, proche de l’Action Française. Sa seule trace dans l’Histoire, c’est d’avoir assassiné le plus grand pacifiste européen. La seule chose marquante de sa mesquine vie fut d’anéantir le dernier rempart à une boucherie qui coûterait la vie à 20 millions de personnes. C’est cela, et rien que cela, la place de l’extrême droite dans l’Histoire. 

M. Chenu, vous êtes, courtoisement et républicainement, prié de laisser Jean Jaurès tranquille. La seule évocation de son nom dans votre bouche est une salissure sur sa mémoire.