Katia Yakoubi, membre et porte-parole de l’inter collectif Punaises de lit à Marseille était l’invitée ce matin dans la matinale de Apolline de Malherbe sur RMC.
Elle y a défendu la création d’un service public de proximité pour l’éradication des punaises de lit. La réponse à cette problématique ne peut être individuelle mais collective, pour schématiser « si on traite un appartement et qu’on oublie les parties communes, ça ne sert à rien. D’où la nécessité d’un plan d’action global ! ».
Pour revoir le passage média : https://rmc.bfmtv.com/mediaplayer/video/on-peut-tout-dire-sur-rmc-face-aux-punaises-de-lit-un-service-public-1611-1376548.html?fbclid=IwAR00FxOmfAl7LFE3r_sArdbpeciQmLUFZqnIJZrlqZKxK1TagijFN-r5S9w
Les punaises de lit, c’est quoi ?
Petites mais redoutables, les punaises de lit nous font vivre un enfer. Elles ne font que quelques millimètres mais résistent aux traitements chimiques, extrêmement nocifs tant au niveau de la santé (au point qu’il faut partir 24h de notre logement) que de l’environnement. Elles se multiplient à raison de plusieurs milliers d’œufs par jour et peuvent vivre 3 ans sans manger. Leur nourriture, c’est le sang. Mais contrairement aux moustiques, elles attaquent lorsque nous sommes le plus vulnérable, pendant le sommeil. Les démangeaisons sont si intenses qu’elles empêchent de dormir. C’est un tel enfer à vivre que les victimes développent des troubles anxieux, des dépressions graves avec à la clé des arrêts maladies, des pertes d’emplois, des séparations, des déscolarisations d’enfants et bien d’autres conséquences lourdes dans la vie des victimes. Leurs piqûres très irritantes peuvent provoquer des allergies, parfois potentiellement mortelles comme des œdèmes de Quincke ou des crises d’asthmes.
Marseille, une ville test pour le service public ?
À Marseille, des quartiers entiers ont été infestés. De nombreux lieux publics comme des services d’hôpitaux, des résidences étudiantes, 12 écoles, la prison des Baumettes, des cinémas, la bibliothèque l’Alcazar en plein cœur de la ville ont été touchés. Si l’insalubrité du logement peut favoriser ces parasites qui se cachent dans les trous des plaintes ou des murs, les tapisseries déchirées, les bois, les carreaux cassés et des milliers de recoins sombres des logements, elles n’ont pourtant rien à voir avec l’hygiène. On en trouve dans tous les quartiers de la ville mais les particuliers doivent faire appel à des entreprises privées qui facturent des traitements chimiques si chers (entre 400 et 2000€) et si peu efficaces (il faut faire plusieurs lignes de traitements) que seuls les plus riches peuvent se payer le luxe de s’en débarrasser. Pourtant il existe des moyens techniques pour en venir à bout. Les punaises ne supportent pas les températures extrêmes et peuvent être détruites, avec leurs œufs, par de la vapeur sèche à plus de 120°C. C’est le moyen le plus simple et le plus écologique de venir à bout de ce problème.
L’inter collectif PDL a travaillé à la mise en place d’une réunion quadripartite entre la préfecture, la municipalité, et l’ARS car seule une réponse coordonnée des pouvoirs publics pourra enrayer l’expansion des punaises. Lors de cette réunion, seule la nouvelle municipalité était absente, à l’unanimité il avait été décidé de faire que Marseille soit la ville test pour accueillir ce nouveau service public de proximité.
Aux dernières nouvelles, la mairie de Marseille se penche sur la création d’une maison des punaises qui aura essentiellement des missions d’informations sur le sujet. Insuffisante pour éradiquer le problème et c’est pour cela que l’inter collectif demande que l’Etat puisse prendre ses responsabilités et aider les collectivités à créer un service public ayant un rôle d’information, de prévention, de formation, d’aide médicale et sociale mais aussi de désinsectisation avec des brigades mobiles dédiées.
À Marseille, suite à leur dernière mobilisation dans la rue Sénac et en l’absence de réponse de la mairie du secteur 1/7 et, de par les constats alarmants des familles du collectif des minots de Noailles qui étaient dans l’impossibilité de se débarrasser des punaises de lit. Assia Benzou, au nom du conseil citoyen du 1/6 qui fait aussi partie de l’inter-collectif PDL a pu poursuivre la dynamique du collectif Senac. Elle a pu interpeller directement une élue de la mairie de secteur pour reformuler concrètement la demande d’avril au niveau du 1er arrondissement très touché par ce fléau. Elle a pu être reçu par la mairie du 1/7 en présence d’une l’élue de la mairie centrale responsable des punaises de lit et la référente punaise de lit de la ville et évoquer l’une des propositions de notre courrier, à savoir l’achat de machines à vapeur qui seraient gérées par une association du quartier.
L’étude est en cours par la mairie de secteur et les habitant.e.s espèrent vivement que ça se concrétise.
Et en France ?
L’absence de réponse coordonnée des pouvoirs publics qui refusent d’y voir autre chose qu’une simple nuisance et qui s’occupent uniquement de désinfecter les lieux publics (avec une latence importante qui aggrave le problème) ne met pas fin au carnage exponentiel. Environ 400 000 sites ont été infestés par les punaises de lit et traités en conséquence en 2018, selon les chiffres remontés par les professionnels de l’extermination des parasites. Les punaises de lit ont été à l’origine de plus de 950.000 interventions en 2020, soit 76% d’interventions en plus cette année, selon Le Parisien. Un véritable fléau où 4.7 millions de Français sont confrontés aux punaises de lit depuis 2016 selon une étude réalisée en 2021 par la société Ipsos.
La France Insoumise investie dans l’inter collectif
Face à cet attentisme politique, La France insoumise a lancé cet été une campagne nationale contre les punaises de lit sous l’impulsion de la députée, maintenant présidente du groupe, Mathilde Panot.
À Marseille, L’inter collectif a organisé des actions d’information en commun auprès des habitants vivant près de lieux ayant été infesté comme l’école de la Cabucelle avec le collectif portant le même nom. À cette occasion, des tracts de La France insoumise sur les punaises de lits ont été distribués auprès des habitants rencontrés. Plusieurs logements touchés ont été repérés dont celui d’un vieil homme aveugle, isolé et en situation de grande précarité. Ce grand collectif de 21 organisations, a donc décidé de revenir pour désinfecter son logement à la vapeur sèche. La France Insoumise avec Mathilde Panot était à cette occasion dans un autre quartier populaire, celui d’Air-Bel pour venir en aide à une famille infestée qui avait déjà fait 4 lignes de traitements sans succès. La mère avait accouché d’un bébé prématuré à cause du stress causé par les punaises de lit. L’unité se forge dans l’action et voilà les premiers actes qui façonnent notre unité.
Punaises de lit : un problème de santé publique, de logement, et de précarité !
La bataille de Jamila Haouache du collectif Air Bel et Katia Yakoubi se trouve alors dans la reconnaissance des punaises de lit comme un problème de santé publique. Une conférence de presse à leur initiative avec différents partenaires pour alerter la population sur ce sujet a eu lieu. La responsabilité politique a été pointée du doigt dans l’expansion de ce fléau et argumentée sur le caractère de santé publique du problème. Cette opération a eu le mérite de forcer la précédente municipalité à se justifier de son action (si faible) dans la presse. Son représentant y expliquait que ce n’était pas un problème de santé publique car les punaises de lits ne transmettraient pas de maladies (sans tenir compte de toutes les conséquences citées plus haut). Sur la même page, le chef de service d’infectiologie du CHU La Timone affirmait que ses équipes de chercheurs étaient en train de prouver que ces punaises transmettraient une bactérie appelée Bartonella Quintana. Cette bactérie provoque « la fièvre des tranchées » (car elle touchait les poilus durant la 1ère guerre mondiale) et peut provoquer des infections du cœur (endocardites) extrêmement graves.
Pour obtenir un entretien rapide avec l’ARS PACA, l’inter collectif avait aussi décidé d’installer un rapport de force sans attendre leurs réponses au courrier officiel. Ils avaient donc organisé un rassemblement devant leurs bureaux à Marseille et bingo ils étaient reçus le matin même.
Les revendications sont claires :
- Reconnaissance des punaises de lits comme un problème de santé publique
- Déblocage d’un fond national d’urgence venant alimenter des services municipaux en charge de TOUS les lieux infestés, publics comme privés pour avoir une réponse efficace et coordonnée
- Une campagne de prévention et d’information insistant sur le fait que les punaises de lits n’ont rien à voir avec l’hygiène
- La recommandation de la chaleur sèche comme traitement anti-punaises qui est moins chère, écologique et sans risque pour la santé
- La création de zones de dépôts de meubles, literies, matelas infestés par les punaises de lit.
- Un service public avec des interlocuteurs dédiés à la question (ex : numéro vert gratuit, service municipal dédié…)
- Assurer un recensement statistique et faire une cartographie précise des zones infestées
Lors de cette rencontre, les représentantes de l’ARS ont concédé qu’il s’agissait « d’un véritable fléau » mais qu’elles ne pouvaient pas statuer sur le caractère de santé publique. Elles s’engagent à relancer une campagne d’information en plusieurs langues dans la région en lien avec l’Inter collectif (2400 exemplaires de plaquettes de prévention ont déjà été commandés) et à jouer un rôle de coordination en se mettant en lien avec la municipalité : un petit premier pas d’une institution étatique, mais un pas quand même.
L’inter collectif a aussi participé à un jeu éducatif sur les punaises de lits : Le « Punaizo », un jeu de société, avec l’association Didac’Ressources, aussi membre de l’inter collectif pour apprendre à se protéger des punaises de lit.
L’inter collectif ne cesse de rappeler à toutes les institutions que si de simples habitants peuvent s’unir pour traiter le problème, elles ont le devoir de faire de même. L’expertise citoyenne et la capacité à mettre des acteurs en mouvement autour d’une question de société est une force sur laquelle chaque ville doit pouvoir s’appuyer.