Aller voir la mer

« Un jour en automne la prime de rentrée scolaire qui était versée tous les ans aux familles pour les aider à acheter des fournitures, des cahiers, des cartables, avait été augmentée de presque cent euros. Tu étais fou de joie, tu avais crié dans le salon : « On part à la mer ! » et on était partis à six dans notre voiture de cinq places (…) Toute la journée avait été une fête.

Chez ceux qui ont tout, je n’ai jamais vu de famille aller voir la mer pour fêter une décision politique, parce que pour eux la politique ne change presque rien. (…) les dominants peuvent se plaindre d’un gouvernement de gauche, ils peuvent se plaindre d’un gouvernement de droite, mais un gouvernement ne leur cause jamais de problèmes de digestion, un gouvernement ne leur broie jamais le dos, un gouvernement ne les pousse jamais vers la mer. (…) »

Ces mots d’Edouard Louis dans son très beau livre « Qui a tué mon père ? » ramènent à l’essence de ce que doit être l’horizon de la « Gauche » au sens large: améliorer la vie des gens, collective et individuelle, sans oublier personne.

Dans sept mois nous aurons justement à choisir quel programme peut le faire pour les cinq prochaines années dans notre pays après que le quinquennat Macron ait été celui de reculs importants, dans la lignée des quinquennats qui se succèdent depuis 2002. Des gouvernements privilégiant les plus riches au détriment des plus pauvres, en s’en remettant à des fables allant du « travailler plus pour gagner plus » à celle du « ruissellement ».

L’Institut Montaigne ne dit d’ailleurs pas autre chose quand il analyse et liste les mesures de la politique fiscale d’Emmanuel Macron : baisse de l’impôt sur les sociétés, flat tax, suppression de l’ISF… Lorsque M. Macron est arrivé au pouvoir les 500 familles les plus riches de France possédaient 470 milliards d’euros et 9 millions de Français vivaient sous le seuil de pauvreté. Aujourd’hui le patrimoine de ces 500 familles a doublé, et le nombre de pauvres est passé à 12 millions de personnes. Quand Emmanuel Macron donnait un « pognon de dingue » à ceux qui n’en avaient pas besoin, il retirait à coup d’APL et de CSG de quoi tenir les fins de mois à « ceux qui ne sont rien ».

Les mots peuvent voler, les faits sont là.

A l’image de ceux détaillés par le GIEC et l’ONU qui préviennent que la limitation du réchauffement climatique mondial à 1,5 °C est impossible sans une réduction immédiate et massive des émissions de gaz à effet de serre.

Ces mêmes émissions massives de Gaz à Effet de Serre qui participent à la pollution que nous subissons. Une pollution qui tue 48 000 personnes par an dans notre pays. A Toulouse où je vis, ce sont les habitants des quartiers populaires du Mirail qui sont parmi les plus touchés par la pollution atmosphérique, coincés entre le périphérique et les autoroutes aériennes5. Les inégalités sont aussi environnementales. Notre espèce, et plus largement le vivant sont en péril, 32 % des oiseaux nicheurs sont menacés de disparition en France métropolitaine. Leurs chants qui s’éteignent ne sont pas dérisoires, la sixième extinction de masse sera bientôt une réalité dans notre pays .

Malgré les alertes et les constats cinglants, M. Macron a refusé de s’attaquer aux causes structurelles ravageant le vivant : l’agriculture industrielle et l’urbanisation galopante notamment. Son inaction sur ces sujets est aussi éloquente que la porte claquée par Nicolas Hulot au début de son mandat. La dernière Bérézina en date ayant été l’envoi aux oubliettes des préconisations les plus fondamentales de la Convention Citoyenne pour le Climat, syndrome de la crise démocratique que nous traversons.

Une décision participant à la défiance vis à vis du Politique. Les récentes échéances électorales ont d’ailleurs montré une nouvelle fois la désaffection vis à vis de nos institutions d’une grande partie de la population remettant en cause leur légitimité. Il faut donc une remise à plat qui inclut tous les habitant.e.s de la France dans les processus de prise de décision.

Le programme de l’Avenir en commun apporte des propositions détaillées, précises et chiffrées sur les questions sociales, écologiques et démocratique : loi d’Urgence Sociale, Planification Ecologique, VIème République. L’Union Populaire est la seule force politique pouvant à cette heure présenter un programme aussi abouti et clair, ce qui a été déterminant dans mon choix de m’y engager.

Car c’est bien cela qu’il faut regarder et ne pas s’éterniser sur les querelles du champ politique de la “Gauche” autour de ses nombreux nombrils. Si on s’arrête à ce paysage alors oui il y a de quoi baisser les bras, mais on peut penser qu’au regard de la crise démocratique la clef est ailleurs.Chez celles et ceux qui ont déserté le vote, par fatigue, déception des promesses non tenues, lassitude de voir toujours la même politique menée que les gouvernants se disant de droite ou de gauche, ou du « en même temps ».

Pour cela Jean-Luc Mélenchon est le candidat le plus à même de réussir à avoir une audience que d’autres n’ont pas. Alors oui j’entends déjà : « Mélenchon est clivant », c’est pas faux comme dirait Perceval dans Kaamelot, mais ça dépend où et dans quelles catégories sociales, et surtout qui peut aujourd’hui peut citer un.e candidat.e à la présidentielle qui ne l’est pas ?

« Mélenchon parle fort » C’est vrai aussi parfois, mais Jean-Luc Mélenchon comme d’autres personnes que j’ai bien connu dans les luttes me rappelle cette phrase de Lydie Salvayre parlant de sa mère dans son livre « Pas Pleurer »: «Ma mère était une mauvaise pauvre. Une mauvaise pauvre, est une pauvre qui ouvre sa gueule ».

Jean-Luc Mélenchon est député, il est installé dans la vie, il est à l’abri du besoin. Mais ce n’est pas là d’où il vient, et cet endroit d’où il vient il ne l’a en vérité jamais quitté. Notamment dans ses manières d’être qui heurtent les codes feutrés de la bourgeoisie qui sous ses faux airs polie, courtoise, raisonnable, est d’une violence inouïe quand il s’agit de défendre ses intérêts contre ceux de l’intérêt général.

Jean-Luc Mélenchon, qu’on l’apprécie ou non, a remis la gauche sur ses deux pieds quand elle tanguait, a créé un nouveau logiciel de pensée liant écologie et justice sociale, a une capacité à transmettre des idées sans pareil sur la scène politique, et a su mettre en avant une nouvelle génération de députés et d’euro-députés alors que nombre d’entre elles et eux n’y étaient pas pré-destinés.

Jean-Luc Mélenchon est surtout constant dans son engagement aux côtés de « cette catégorie d’humains à qui la politique réserve une mort précoce » comme l’écrivait Edouard Louis.

La politique détermine les corps, ceux qui sont victimes de discriminations, ceux qui souffrent de maladies respiratoires liées à la pollution, ceux brisés par le travail, ceux qui ont faim à la fin de la journée.

La politique c’est du bien commun, via des services publics de qualité. Celui de la santé dont la crise sanitaire a révélé comme jamais l’importance et l’importance de le doter des moyens humains qu’il mérite. Celui de l’école publique, malmenée comme jamais par M.Blanquer à l’heure où il faut au contraire faire de notre jeunesse une priorité.

La politique c’est aussi du temps. Elle enlève ou donne du temps de vie: en France les ouvrier.e.s vivent en moyenne 6 ans de moins que les cadres. Ce temps après lequel nous courrons. Le temps pour soi, pour les siens, pour les autres. Ce temps que l’Avenir en Commun propose de reconquérir : 32 heures de travail par semaine, retraite à 60 ans avec des pensions au minimum égales au SMIC.

La politique enfin prive ou donne de quoi vivre dignement. Mettre justement le SMIC à 1400 euros net dans un premier temps parce que comme dirait le rappeur SCH « se lever pour 1200 euros c’est insultant » . Ce dernier expliquait d’ailleurs ainsi ses mots : « Les gens qui se lèvent pour 1200, c’est eux les vrais héros. (…) Je l’ai fait moi porter des palettes à 5h du matin à 0° sur un Fenwick (…). Je l’ai fait et sur la vie de ma mère, c’est dur. De savoir qu’il y a encore des gens de 50-60 ans qui font ça et des petit.e.s jeunes qui vont faire ça toute leur vie, ça me révolte. Je me range de leur côté”.

La politique c’est choisir un côté, celui qui permet à celles et ceux qui n’y vont que rarement de plus souvent aller voir la mer.

L’avenir en commun c’est permettre à nos corps de se tenir droits et de mieux respirer. C’est nous donner du temps pour vivre mieux, ensemble.

Note de blog de François Piquemal.