Ce mardi 29 juin, l’Assemblée nationale votera en dernière lecture le projet de loi de bioéthique. Les lois de bioéthique sont révisées régulièrement, afin que la loi puisse intégrer et encadrer l’évolution de la science, qu’il y ait un débat national sur ce qu’on autorise, et ce qu’on interdit. Ces débats éthiques sont complexes, au croisement d’enjeux scientifiques, philosophiques et politiques.
C’est une question d’égalité, pas de bioéthique !
Ouverture de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules
Le gouvernement a décidé d’aborder la question de la Procréation Médicalement Assistée (PMA) pour toutes les femmes dans le texte de bioéthique : c’est une aberration politique, car ce débat n’a rien de bioéthique. L’autorisation des techniques d’assistance à la procréation date de la loi de bioéthique du 29 juillet 1994. Les débats actuels portent sur une question d’égalité des droits : les femmes n’ont pas les mêmes droits d’accéder à la PMA, selon qu’elles soient en couple avec un homme ou avec une femme, elles n’ont pas les mêmes liens juridiques avec leurs enfants selon qu’elles soient mariées ou non.
La loi de bioéthique ouvre l’accès à la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules : enfin ! Cela avait été promis en 2013 avec la loi sur le mariage pour tous, il aura fallu attendre 8 ans pour que cela soit enfin voté définitivement. Combien de femmes ont dépassé l’âge limite pour une PMA dans cette attente et ont dû abandonner leur projet parental ? Combien ont dû se résoudre à aller à l’étranger ?
Modification du droit de la filiation
Le texte aborde les questions de la filiation : il était temps ! Car depuis l’ouverture du mariage pour tous, les couples de femmes ont de grandes difficultés à faire établir leur filiation : mariage obligatoire, puis adoption de l’enfant du conjoint. Ces procédures longues et complexes mettent en danger les enfants et les familles. En cas de séparation du couple ou de décès de la mère qui a accouché, la mère sociale n’a aucun droit sur ses propres enfants.
Mais ces questions n’ont rien de bioéthique non plus. La loi doit protéger toutes les familles.
LREM a inventé une filiation dérogatoire pour les couples de femmes, en concession à la droite arque boutée sur la « vraisemblance biologique ». Ces discriminations n’ont pas lieu d’être, le droit commun prévoit déjà :
- La PMA avec don de gamètes est déjà autorisée
- La double filiation maternelle est déjà autorisée, depuis la loi de 2013
- La filiation sécurisée avec un parent qui n’est pas le géniteur est déjà autorisée, dans le cadre de la PMA
Les lacunes du texte
Les personnes transgenres restent exclues de la PMA
Le gouvernement a refusé toute avancée concernant les droits des personnes transgenres, et défend mordicus des discriminations selon le sexe à l’état civil. Dans d’autres pays, le droit ne mentionne pas le genre des personnes qui peuvent accéder à la PMA, ce qui permet aux personnes transgenres d’y accéder.
Ainsi, un homme transgenre, seul ou en couple, n’a pas les mêmes droits selon qu’il a changé son état civil ou non. La loi force les personnes transgenres à devoir choisir entre un état civil conforme à leur identité de genre, et un projet parental. Car une fois le changement fait, la PMA n’est plus accessible ! Cela va contraindre ces personnes à devoir aller à l’étranger, si elles le peuvent financièrement, pour mener à bien un projet parental. C’est cette situation difficile, de discrimination, de précarité et de risque sanitaire, que la loi cherche à éviter en ouvrant la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules. Elle perdurera pour les personnes transgenres, et il faudra y revenir par une nouvelle loi.
Cette discrimination n’a d’autant moins lieu d’être que des hommes transgenres peuvent déjà porter un enfant sans recourir à la PMA. En effet, depuis 2016, il n’est plus nécessaire d’apporter une preuve de stérilisation pour faire un changement de sexe à l’état civil. Ainsi, des hommes peuvent porter un enfant et accoucher. Une femme peut engendrer un enfant avec une femme cis-genre. Mais la loi n’a rien prévu pour établir leur filiation.
La loi est même contradictoire et absurde, car elle autorise l’autoconservation des gamètes pour les femmes transgenres. Mais elle n’autorise pas clairement l’utilisation ultérieure de ces gamètes pour concevoir un enfant, si la transition est faite à l’état civil.
Les mutilations des enfants intersexes
La loi ne prévoyait initialement rien concernant les opérations non consenties sur les enfants intersexes. Il s’agit de personnes naissant avec une variation du développement sexuel, c’est-à-dire des caractéristiques sexuelles qui sont des variations saines du vivant, mais ne correspondent pas à ce qui est attendu du masculin ou du féminin. 1,7% des enfants sont concernés, selon les statistiques données par l’ONU en 2016.
La question a été abordée par voie d’amendements parlementaires. Mais le texte ne va pas assez loin, il encadre les opérations, mais n’interdit pas clairement les opérations faites sans le consentement de la personne concernée.
Ce sont des transformations du corps qui sont des actes invasifs et définitifs entraînant de graves souffrances physiques et psychologiques, à vie, pratiqués sur de tout petits enfants, y compris des nourrissons. Ces opérations sont faites y compris sans urgence vitale, dans le but de conformer l’aspect des organes génitaux à ce qui est attendu socialement.
Rien sur le droit à mourir dans la dignité
Le texte n’aborde pas la question du droit à mourir dans la dignité. Pourtant, plusieurs textes de loi ont été déposés par des parlementaires pour avoir un débat sur le suicide assisté et l’euthanasie, dans la niche parlementaire de la France insoumise en 2018, puis en 2021 dans la niche du groupe Liberté et Territoires. Mais le gouvernement refuse d’aborder le sujet. Les amendements ont été jugés irrecevables et n’ont pas pu être débattus.
Les propositions de la France insoumise
PMA : égalité !
La France insoumise a déposé des amendements pour consacrer l’égalité des droits des personnes, indépendamment de leur orientation sexuelle, de leur statut marital, de leur identité de genre.
À partir du moment où les techniques de procréation médicalement assistée sont autorisées en France, elles doivent l’être à toute personne susceptible de porter un enfant, dans les mêmes conditions pour toutes.
Les tentatives doivent être prises en charge par la sécurité sociale dans les mêmes conditions pour toutes.
Filiation : égalité !
La France insoumise a déposé des amendements pour l’extension du droit commun de la filiation pour sécuriser toutes les familles, dans leur diversité.
Les couples de femmes doivent avoir accès à la reconnaissance simple en mairie, comme pour le père concubin de la mère, quand elles ne sont pas mariées.
Les couples de femmes doivent avoir accès à la présomption de parentalité, comme le mari est supposé être le père d’enfant de son épouse, quand elles sont mariées.
Les couples de femmes doivent avoir accès à la possession d’état pour établir leur filiation, notamment pour celles qui ont eu recours à une PMA à l’étranger avant l’adoption de la loi.
Les personnes transgenres doivent pouvoir établir leur filiation à l’égard de leurs enfants dans les mêmes conditions.
Consacrer le droit de disposer de soi
Les lois de bioéthique encadrent le rapport au vivant et à la vie. Nous pensons qu’il faut appliquer des principes éthiques simples :
- Le droit de la personne à disposer d’elle-même, de son corps, de sa vie, en toute liberté
- Le droit de la personne à l’intégrité de son corps
En conséquence, nous sommes pour consacrer ces droits :
- En inscrivant dans la loi le droit à mourir dans la dignité, c’est-à-dire le droit au suicide assisté et à l’euthanasie, pour consacrer le droit à disposer soi-même de sa propre vie, jusqu’à la fin
- Le droit réel à l’IVG, et l’allongement des délais de 12 à 14 semaines ainsi que la garantie de l’accès effectif à des centres qui pratiquent l’IVG
- L’interdiction, en dehors de l’urgence vitale, d’atteindre à l’intégrité du corps. Cela vaut notamment pour les enfants intersexe : toute opération qui ne relève pas de l’urgence vitale doit être subordonnée au consentement, personnellement exprimé, de la personne elle-même, et donc reportée à un âge où elle est en mesure de comprendre les enjeux de cette décision, et de décider elle-même.