Article publié sur le site nos lendemains par la journaliste Françoise Degois, éditorialiste sur LCI et Sud Radio.
C’est une sorte de réflexe pavlovien qui en devient presque comique, voire grotesque. Lorsque Jean-Luc Mélenchon ouvre la bouche, apparaît, tweete, se réveille alors une horde mediatico-twitesque pour le tabasser, sans mesure, sans nuance, comme si cet homme portait à lui seul toutes les plaies de notre pays. Il faut être juste, au risque d’être disqualifié à jamais. Examinons donc ce qui, cette fois, suscite la rage. Jean-Luc Mélenchon s’est déclaré candidat à la présidentielle hier, dans le 20h de TF1. La belle affaire ! Immédiatement, l’avalanche de tweets s’est déclenchée, portant sur le “terrriiiiible” manque de responsabilité de ce dirigeant, qui osait parler politique alors que « les Français souffrent de la pandémie ». Les mêmes qui ont passé leur semaine à commenter l’élection présidentielle américaine sous covid, à saluer l’exercice démocratique Outre-Atlantique, les mêmes nous condamneraient donc à abandonner toute réflexion politique, tout mouvement, toute pensée au nom de la pandémie en France ? Soyons sérieux deux minutes ! Les Français ne sont pas des idiots et savent parfaitement ce qu’ils doivent penser de cette situation, de ceux qui ne la gèrent pas ou si mal et de ceux qui l’exploitent ou pas. Laissez-les donc réfléchir tranquillement.
Autre crise de rage : son parrainage par 150 000 citoyens. Où est le problème ? Quelle est la question ? Lorsqu’Emmanuel Macron s’est lancé dans sa course à la présidentielle, seul et sans parti, a-t-il procédé autrement ? N’a-t-il pas crée un mouvement, En Marche, auquel vous adhériez en un clic ? Ne s’est-il pas prévalu, dans sa campagne, des dizaines de milliers de clics, transformés en soutien populaire et en adhérents ? Ce qui serait digne, honorable et génial aux yeux des macronistes pour Macron, ne le serait donc pas pour Mélenchon ?
Permettez-moi d’aller plus loin et de dire à quel point le leader de la France Insoumise a raison de « faire mouvement », selon l’expression consacrée de François Mitterrand, et à quel point tous les autres dirigeants devraient en faire autant. Nous sommes en train d’être, lentement et sûrement, étouffés par le virus, pas uniquement sur le plan sanitaire et économique mais également, sur le plan politique et institutionnel. Nous sommes gérés depuis plusieurs semaines par un conseil de défense, qui n’a aucun compte à rendre à personne, puisqu’il est par nature couvert par le secret défense, autrement dit, par le Président de la République, seul et unique décideur dans toute cette séquence. Il en a le droit puisque les institutions lui permettent. Mais ne sommes-nous pas face à un article 16, dit article « des pleins pouvoirs », qui ne dit pas son nom ?
Nous vivons sous état d’urgence sanitaire prolongé ad vitam aeternam, sans que la représentation nationale n’ait plus aucune prise sur cette situation.
Pendant ce temps, tout passe comme une lettre à la poste. La convocation d’un journaliste de Libération par le Ministère de l’Intérieur, pour qu’il livre ses sources après la publication d’une note sur la tuerie de Conflans. Cette convocation devrait nous faire hurler, dans ce contexte de gel de nos libertés publiques ! Personne, ou presque, ne réagit.
Nous devrions nous intéresser aussi à la bataille politique qui se joue sur le report des régionales : Emmanuel Macron et François Bayrou voudraient les repousser après la présidentielle. Jean Louis Debré, en mission pour Matignon, s’y oppose et propose le mois de Juin. La aussi, il est fondamental d’être vigilant car si on ne peut pas organiser de régionales avant fin 2022, comment justifier que l’on puisse voter en Avril/Mai pour la présidentielle ?
Toutes ces questions ne sont pas moins importantes que la pandémie qui nous secoue si violemment. Et, de fait Jean-Luc Mélenchon a raison de continuer à faire de la politique. D’autres devraient s’en inspirer pour faire vivre le débat, en refusant le chloroforme d’une communication gouvernementale qui exclut tout autre sujet.
Françoise Degois.