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Fusion de l’audiovisuel public – Une grève massive contre le projet du gouvernement

Grève dans l’audiovisuel public. Ces 23 et 24 mai, une immense majorité des salariés de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et de l’INA s’est mise en grève pour contester le projet gouvernemental de fusionner toutes ces sociétés dans une entreprise unique. Une mobilisation historique, puisque l’ensemble des syndicats de journalistes ont appelé à cette mobilisation à l’unanimité. De Léa Salamé à Guillaume Meurice en passant par Nagui et Charline Vanhoenacker, ils sont plus de 1100 salariés de Radio France à avoir écrit une tribune à charge contre le projet du gouvernement porté par Rachida Dati. « À Radio France, la volonté gouvernementale de fusionner l’audiovisuel public nous semble démagogique, inefficace et dangereuse » écrivent-ils dans les colonnes du Monde.

Une mobilisation massive du secteur audiovisuel contre une réforme dangereuse pour laquelle les salariés du secteur n’auront à aucun moment été consultés, tandis que les amendements du projet de loi sont votés à la chaîne en catimini à l’Assemblée nationale. Surtout, les salariés craignent que cette réforme entraîne un renforcement du contrôle et des pressions politiques de la part du pouvoir. À l’heure où l’indépendance des médias est de plus en plus remise en cause par la prolifération de grands médias privés, la réforme du Gouvernement souhaite tirer une balle dans le pied de l’audiovisuel public. L’immense mobilisation en cours sera peut-être assez forte pour empêcher un tel renversement. Notre brève.

Une mobilisation historique de l’audiovisuel public

La mobilisation est historique. Les plus grandes antennes et chaînes du pays sont fortement affectées par ce mouvement de grève inédit. Avec un appel unanime de la part de tous les syndicats, c’est la désapprobation du secteur entier qui s’exprime durant ces deux jours. La diversité des signataires de la tribune en témoigne : des grandes têtes d’affiches aux salariés de l’ombre, tous contestent le passage en force de cette réforme. « Nous, journalistes, animateurs, producteurs, chargés de programme, techniciens, réalisateurs, équipes administratives et de production, de musiciens, personnel de Radio France, artisans d’une radio de service public […], nous refusons la fusion des différentes entreprises de l’audiovisuel public » écrivent-ils dans la tribune publiée la veille de la mobilisation.

« Je ne dis pas que l’heure est grave pour l’audiovisuel public, je dis que même Nagui et Léa Salamé ont signé ce texte…» avait même ironisé à ce propos Guillaume Meurice, l’humoriste limogé par France inter pour une blague sur Netanyahu.

Les salariés mobilisés dénoncent à la fois le fond de cette réforme dangereuse pour la qualité du service audiovisuel et son indépendance, mais aussi la méthode du Gouvernement qui n’écoute pas les premiers concernés. La ministre de la Culture Rachida Dati revendique en effet d’aller vite, trop vite, quitte à passer en force vis-à-vis du secteur, et d’expédier l’examen du projet à l’Assemblée. « Quelle entreprise accepterait que son avenir soit écrit par un amendement de quelques lignes ? » fustige un délégué syndical SNS à France Télévisions.

Même dans les rangs macronistes, la réforme est largement contestée. Nombre d’anciens ministres de la Culture, y compris à droite, s’opposent à cette réforme, comme ils ont pu l’exprimer en commission à l’Assemblée nationale face au député LFI Aurélien Saintoul.

Sur les chaînes nationales comme locales, la mobilisation ne cesse de s’étendre. Plusieurs chefs de rédactions continuent d’annoncer leur participation à la grève intersyndicale durant cette première journée. Une mobilisation qui a lieu en parallèle de l’examen de la proposition de loi à l’Assemblée nationale par les députés du Palais Bourbon, pour un vote solennelle déjà prévu le 28 mai.

Le projet du gouvernement : fusionner pour mieux régner

Cette réforme ? Une mise au pas politique et une fragilisation de l’audiovisuel public, dénoncent en cœur les salariés mobilisés. Elle souhaite en effet acte la création d’une holding composée de quatre actuelles filiales, France Télévisions, Radio France, FMM et l’INA, sur le modèle de la BBC.

Les salariés de l’audiovisuel dénoncent d’abord une fragilisation inutile d’un système qui fonctionne pourtant bien. Plutôt que de réformer pour améliorer leur fonctionnement, le projet porté par le gouvernement va en sens inverse. « Les radios de service public sont, en France, exceptionnellement fortes. Les antennes de Radio France sont écoutées, chaque jour, par plus de quinze millions de personnes. Chaque mois, nous enregistrons 92 millions d’écoutes à la demande », peut-on lire dans la tribune.

Tout le secteur de l’audiovisuel public craint un « appauvrissement » de l’offre d’information des médias publics qui ne couvrent aujourd’hui pas les mêmes sujets. Une richesse qui risque d’être supprimée sur l’autel d’une fusion absurde souhaité uniquement par la minorité présidentielle.

« Conserver le pluralisme de l’information publique, au moment où les médias privés sont de plus en plus regroupés dans les mains d’une poignée de milliardaires, est cruciale pour notre vie démocratique. » explique Mathilde Goupil, journaliste à France Info sur X.

Et en effet, l’ensemble des salariés mobilisés dénoncent surtout le risque immense pour l’indépendance des rédactions, pourtant pierre angulaire d’un service public de qualité. « Le risque est avant tout démocratique » expliquent les plus de 1000 signataires de la tribune de Radio France. En fusionnant tous les secteurs de l’audiovisuel en une seule entreprise appelée « France Médias », sous l’égide d’un seul dirigeant, on facilite de fait la pénétration des pressions politiques.

Après la suppression de la redevance audiovisuelle ayant déjà fragilisé le secteur public audiovisuel, cette nouvelle réforme est un nouveau coup de massue à la qualité, au pluralisme et à l’indépendance du secteur essentiel. Il faut au contraire renforcer l’audiovisuel public, expliquent les salariés, soutenus par les élus de la France insoumise qui voteront contre cette réforme.

« Nous craignons pour l’indépendance de vos médias de service public lorsque l’on nommera, pour cette superstructure, un ou une PDG unique, aux pleins pouvoirs. Rappelez-vous, la suppression de la redevance a été votée un été, quasi sans débat. Depuis, le financement de l’audiovisuel public n’est plus sanctuarisé, et donc plus garanti. Il ne faut pas placer les radios et télévisions publiques en situation de dépendance directe du pouvoir politique. »

Tribune collective, « À Radio France, la volonté gouvernementale de fusionner l’audiovisuel public nous semble démagogique, inefficace et dangereuse », le 22 mai 2024

Pour aller plus loin : Suppression de la redevance : les radios et les télés vent debout, un service public de plus en grève

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