Bois-terre-paille. Le BTP doit bifurquer. C’est le message qu’ont porté lundi Delphine Ducret et Michel Philippo pour le livret planification écologique de LFI, à l’invitation des députées insoumises Ersilia Soudais et Sylvie Ferrer qui prévoient de déposer une nouvelle proposition de loi soutenant l’usage du bois-terre-paille dans la construction et la rénovation.
D’ores et déjà éprouvée dans les grandes métropoles comme en milieu rural, la construction / rénovation en bois-terre-paille est une solution d’avenir pour le bâtiment. Solution pertinente et saine aux problématiques de précarité énergétique, diminution importante des émissions de gaz à effet de serre, création d’emplois, application de la règle verte au secteur du bâtiment et de la construction… Les enjeux du développement de cette filière sont multiples. Notre brève.
La construction conventionnelle : droit dans le mur !
Le secteur du bâtiment et de la construction représente à lui seul 33 % des émissions de gaz à effet de serre en France. Une véritable bombe climatique. Le béton de ciment, dont l’utilisation massive date d’un peu plus d’un siècle, est quant à lui doublé d’un véritable désastre écologique : le sable, indispensable à sa fabrication, est désormais la deuxième ressource la plus exploitée au monde (derrière l’eau). Les gisements terrestres s’épuisant, les cimentiers se sont attaqués aux fonds marins, qu’ils dévastent pour en extraire la précieuse ressource.
Non content de sa prédation, le secteur est également le plus gros producteur de déchets en France : 220 millions de tonnes lui sont imputables chaque année, soit 69 % de la quantité totale produite ! Ersilia Soudais témoigne de cette réalité très visible dans sa circonscription qu’elle qualifie de « poubelle de l’Île-de-France » puisqu’elle est l’exutoire des déchets du Grand Paris. Aux problématiques sanitaires s’ajoute un racisme environnemental assumé et de plus en plus largement dénoncé.
Il existe pourtant un système constructif qui ne présente aucune de ces tares, et qui a fait ses preuves : le bois-terre-paille. Prenons pour exemple la plus ancienne maison de France, construite en 1920 par l’ingénieur Émile Feuillette et qui est désormais le siège du Centre National de la Construction Paille. Elle témoigne de la durabilité et de la pertinence de l’utilisation conjointe de ces matériaux.
Et si le bois-terre-paille a intégré le programme des insoumis dès 2017, c’est qu’il est une réponse éprouvée à plusieurs problématiques majeures.
Pour aller plus loin : La planification écologique, la boussole indispensable à notre économie
L’objectif : construire écologique et ainsi local et durable
Au travers d’une animation pédagogique, le Collectif de Boue souligne que la durée de vie moyenne des bâtiments en béton est de 70 ans. Après 50 ans, ils subissent en effet un phénomène de carbonatation, accéléré par la pollution de l’air, qui tend à le transformer en gruyère ! Les constructions d’après-guerre deviendront toutes dans les années à venir une menace à la sécurité des personnes. Un constat alarmant qui appelle une réponse planifiée.
Le bois et la paille sont des matériaux renouvelables, dont l’approvisionnement est local. Ils stockent du carbone tout au long de leur croissance, et ne le libèrent qu’au moment de leur destruction, par compostage par exemple. La terre crue quant à elle peut généralement être extraite sur site, au moment du terrassement et de l’ouverture des fondations.
Ces matériaux sont très peu chers, disponibles partout sur le territoire, et leur utilisation ne rentre pas en concurrence avec leurs autres usages.
Bien qu’ils ne soient pas toujours décelables au premier coup d’œil, le bois et la terre crue sont très présents dans le paysage français, et partout des bâtiments centenaires témoignent de leur durabilité : façades en torchis à Strasbourg, immeubles en pisé du centre-ville de Lyon, ou encore briques de terre crue à Perpignan, ces techniques représentent encore 10 % du patrimoine bâti de l’hexagone.
De la lutte nécessaire contre la précarité énergétique
12 millions de personnes en France vivent dans des passoires thermiques et souffrent du froid l’hiver, mais également de la chaleur l’été. Emmanuelle Cosse, Présidente de l’Union Sociale pour l’Habitat insiste sur la nécessité d’amélioration des performances thermiques du bâti pour diminuer les charges liées à l’énergie. Elle précise que « dans ce contexte de transformations et d’innovations, la filière paille présente des avantages que les organismes ont déjà bien repérés ».
À Saint-Dié-Des-Vosges, la résidence sociale Jules Ferry illustre parfaitement les possibilités du bois-terre-paille : les habitant·es ne dépensent que 5 euros par mois en chauffage.
En plus de performances exceptionnelles, ces matériaux offrent un vrai confort de vie, car leur combinaison permet de réguler naturellement l’humidité de l’air intérieur. La précarité énergétique ne se limite pas aux sensations de froid ou de chaud : elle génère pour de nombreux foyers des problèmes d’insalubrité, qui ont également un impact sur la vie sociale.
Faire le choix de la planification
Les emplois liés à l’utilisation du bois, de la terre crue et de la paille sont dits « à haute intensité sociale » car ils nécessitent davantage de main d’œuvre. Et celle-ci n’est pas délocalisable du fait de la faible industrialisation de la filière et de la répartition des matériaux sur le territoire : pour 90 % des chantiers, la paille est produite à moins de 50 kilomètres.
L’association LESA estime ainsi que la bifurcation du modèle de construction et rénovation en France permettrait la création / reconversion de 150 000 postes sur 5 ans.
Elle mettrait également un terme à la problématique du travail détaché, qui fait mécaniquement augmenter le chômage sur le territoire tout en favorisant l’essor de conditions de travail indignes et illégales.
Faire le choix de ces matériaux permettrait ainsi de remettre de la vision dans la construction. C’est sortir d’un modèle consumériste, favorisant le prêt-à-poser, pour redonner du sens aux métiers du bâtiment. C’est recourir à une vision de long terme, habiter la Terre autrement.