Face aux bouleversements climatiques et à l’urgence écologique, la planification écologique s’impose comme la boussole indispensable de notre économie vers un avenir en commun protecteur. Elle doit guider les transformations nécessaires de nos emplois et secteurs d’activité pour respecter les limites planétaires tout en préservant la dignité de chacune et chacun. Cela passe nécessairement par un accompagnement des bouleversements de compétences qui vont impacter tous les secteurs. Notre article.
Planification écologique : quel cadre pour les agences et organisations publiques ?
Il est donc nécessaire de donner les moyens et un cadre aux agences et organisations publiques qui proposent déjà un accompagnement des chercheurs d’emploi, des personnes en activité et des publics éloignés de l’emploi.
Les organisations publiques qui agissent sur le champ de l’emploi, du travail et de la formation professionnelle, telles que l’AFPA, les Carif-Oref, l’ANACT, les services de l’Etat (les DREETS en particulier), France Travail, Maisons de l’emploi, les services des régions, les GRETA, etc, ont besoin de moyens financiers et humains qui donnent les compétences à la puissance publique pour organiser ces transformations.
Le cadre représente les objectifs de la bifurcation écologique, à savoir, aboutir à une économie qui respecte les limites planétaires et permet à toutes et tous d’avoir une vie digne et émancipée. Cela entraînera concrètement la croissance de certains secteurs et la décroissance d’autres, ainsi que le développement de nouvelles activités.
De tels objectifs doivent être appliqués aux problématiques emploi-travail (attractivité des emplois utiles à la bifurcation écologique, conditions de travail et d’emploi, etc), aux transitions professionnelles (orientation et formation) pour les secteurs et territoires qui vont voir leur économie changer radicalement. Le tout en s’assurant de la protection des travailleurs face à ces transitions.
Pour aller plus loin : La planification écologique, une idée révolutionnaire
Le camp présidentiel parle de planification pour mieux cacher son incompétence de terme de bifurcation écologique
Évidemment, la planification écologique d’un gouvernement libéral et autoritaire est un terme creux qui ne sert qu’à cacher grossièrement leur incompétence en matière de bifurcation écologique. Depuis 2017, seul le taux d’emploi intéresse les gouvernements successifs, sans regard pour la qualité de l’emploi créé en termes de salaire, de précarisation des travailleurs et de contribution à la bifurcation écologique.
Sur les moyens, le budget du gouvernement Barnier, main dans la main avec le Rassemblement national, réduit considérablement les dotations des organisations publiques qui agissent sur le champ de l’emploi et du travail en proposant dans le Projet de Loi de Finances pour 2025 les baisses suivantes :
- Diminution de 140 millions d’euros au budget des Missions Locales qui pourrait aboutir à la disparition de 300 ETP (Équivalent Temps Plein, ndlr) ;
- Coupe budgétaire de 588 millions d’euros pour France Travail et baisse de 500 ETP ;
- Coupe de plus de 1 milliard d’euros pour l’apprentissage sans régler les effets d’aubaine ;
- Une baisse légère du nombre d’ETP dans les services centraux et déconcentrés (voir PLF pour 2025, programme 155) ;
- Une baisse des budgets pour l’activité partielle, la formation des demandeurs d’emploi, les EDEC, la formation des salariés (voir Projet de Loi de Finances pour 2025, programme 103).
Concernant les objectifs, il laisse la main aux grandes entreprises françaises à travers les « comités stratégiques de filière » qui n’ont rien de stratégique et qui servent surtout à faire plus de lobbying en faveur des profits de ces grandes entreprises. Ce budget témoigne des priorités du gouvernement qui ne donne pas les moyens d’agir à toutes les organisations publiques du champ emploi-travail et ne cherche pas des solutions pour protéger les citoyens face à ces bouleversements.
En parallèle, l’État présente plusieurs opérateurs dédiés à l’adaptation au changement climatique. L’agence I4CE différencie notamment les acteurs de la recherche (CNRS, INRAE, Météo-France, CEA, IFREMER, CIRAD, IRD BRGM, etc.), l’expertise et l’ingénierie (ADEME, Météo-France, Cerema, IGN) et les opérateurs de politiques environnementales (agences de l’eau, ONF, CNPF, Conservatoire du littoral, Parcs naturels nationaux).
Ces opérateurs, en plus de contribuer à la connaissance nationale sur l’adaptation du territoire, sont pour certains des portes d’entrées clefs pour les collectivités territoriales dans la définition et réalisation de leurs politiques d’atténuation et d’adaptation climatique.
À titre d’exemple, le Cerema a vu son statut évoluer pour passer sous une double tutelle Etat/collectivités, actant sa mise au service des territoires. Météo-France développe également une offre à destination des collectivités, notamment en termes de modélisations des impacts du changement climatique et en préconisations d’aménagements.
Détérioration des missions réalisée, privatisation grandissante d’une partie d’entre elles… Les conséquences délétères des réductions d’effectifs et de dotation des opérateurs
Cependant, ces opérateurs voient depuis 2014 leurs effectifs et leur dotation d’État se réduire comme peau de chagrin. Une première conséquence évidente est la détérioration de la qualité et/ou de la qualité des missions réalisées faute de temps suffisant. Une autre conséquence est la privatisation grandissante d’une partie de leurs missions, avec la multiplication d’« offres payantes » à destination de collectivités… n’ayant pas forcément de budget associé.
À côté, l’État continue de supprimer les fonds dédiés, en témoignent les nouvelles coupes franches dans le fonds vert proposées par le gouvernement Barnier. On a alors aussi bien une saignée en termes d’emplois qu’en termes d’efficacité climatique. Enfin, ces opérateurs multiplient depuis la loi 3DS le recours à des contrats précaires, avec l’intensification du recours aux contractuels au détriment des fonctionnaires : sans perspective de carrière ni rémunération satisfaisante, certains opérateurs présentent un turn-over important, participant à la perturbation des services.
À noter qu’aux coupes dans ces opérateurs s’ajoutent les coupes dans les services déconcentrés de l’État en Régions et en Départements en charge de la conduite et pilotage des politiques de l’environnement, qui ont perdu 8 737 ETP (équivalent temps plein) entre 2012 et 2020 (25 % des effectifs !) selon la Cour de Comptes.
Les collectivités, en particulier les plus petites (sous-préfectures, petites polarités), n’ayant alors plus de référents au niveau de l’État en région ou en département, ni de soutien des opérateurs publics, ni de fonds propres, ni de subventions publiques, n’ont plus de capacité d’initier des politiques de rénovation, d’adaptation, de transports publics… en somme, de planification écologique, qui pourrait venir nourrir toute une filière de professionnels.
Il est donc urgent de se donner des moyens à la hauteur des actions nécessaires et un cadre aux politiques travail-emploi de formation professionnelle et d’ingénierie publique en faveur de la bifurcation écologique. Pour cela, État, régions, collectivités et organisations publiques doivent appliquer la planification écologique à leur action tout en se mettant, avec le concours des syndicats de travailleurs, des citoyens et les associations, au service des gens.
Enfin, il faut sortir de cette lubie du plein emploi qui pousse juste à créer des emplois qui coûtent cher à la collectivité, qui sont précaires, qui sont mal payés et avec peu de protection sociale.
Une économie orientée par la planification écologique est non seulement possible mais essentielle pour s’émanciper de la vision court-termiste des grandes entreprises. Notre responsabilité collective est donc de donner les moyens d’agir à celles et ceux qui œuvrent pour une transition juste et durable, au service de la planète et de la société.
Par Michel Philippo