Hier, les macronistes, Les Républicains, le RN et leurs alliés ont voté pour la restriction du droit du sol à Mayotte, main dans la main. Une mesure aussi dangereuse qu’inutile, qui a ouvert une large brèche. Aussitôt, Retailleau s’est dit favorable à une restriction du droit du sol sur l’ensemble du territoire national ; Bayrou et Darmanin se sont montrés favorables à un débat national sur le sujet. Pendant ce temps, le RN, défendant l’abolition du droit du sol depuis plus de 50 ans, jubile. Bayrou et ses sbires s’inclinent devant lui, pour être sûrs que ses députés ne votent pas la censure.
Restriction du droit du sol à Mayotte, mais rien sur la reconstruction de l’île, sur l’accès à l’eau, sur l’adaptation au réchauffement climatique… Les macronistes et le reste de la droite ont préféré servir la soupe au RN, en flattant leurs idées racistes, plutôt que de résister à la brèche dans laquelle l’extrême droite les a emmenés inexorablement. Un tel affront contre le droit du sol, ciment de l’identité républicaine de la France, ne peut pas rester sans conséquences politiques.
Dans un communiqué, la France insoumise l’affirme : « la censure délimite donc le seul cadre politique dans lequel nous voulons nous trouver devant le peuple. Ceux qui la refusent et choisissent de maintenir un tel gouvernement ne peuvent être ni nos partenaires, ni nos alliés ». Le message adressé aux socialistes qui n’ont pas voté la motion de censure contre François Bayrou le 5 février est clair. Notre article.
Restriction du droit du sol à Mayotte : une mesure inutile et dangereuse, qui passe à côté des réels problèmes de l’archipel
La restriction du droit du sol à Mayotte était-elle la priorité pour l’archipel ? Une telle mesure va-t-elle vraiment répondre à ce pour quoi elle a été votée ? Rien n’est moins sûr. Lors des débats, la droite et l’extrême droite ont fait comme si rien n’avait été fait à Mayotte et que le droit du sol s’y appliquait de la même façon que sur le territoire national. En réalité, depuis 2018, une personne née à Mayotte obtenait la nationalité française si l’un de ses parents avait séjourné légalement en France pendant les trois mois précédant sa naissance. La nouvelle loi exige d’étendre ces conditions aux deux parents, doublé d’un allongement de la durée légal de séjour sur le territoire national.
Quel bilan, depuis la loi de 2018 ? Depuis, les acquisitions de la nationalité française ont été divisées par deux. Cependant, l’immigration n’a cessé de s’amplifier entre Mayotte et les Comores. « Cela montre bien que le ressort n’est pas d’acquérir la nationalité. Le ressort, il est d’abord économique ! », a démontré le député LFI Éric Coquerel dans l’hémicycle.
Pour aller plus loin : Plus d’un mois après le cyclone Chido, un projet de loi pour reconstruire Mayotte largement insuffisant
Suite au vote, la présidente du groupe parlementaire LFI Mathilde Panot a fait part de son « dégoût ». « Rien sur le droit à l’eau, les services publics, l’adaptation au dérèglement climatique, la solidarité nationale. L’attaque de ce principe fondamental de la République française n’aidera en rien les Mahorais ». Précisément, un tel texte ne met en rien l’accent sur les conditions matérielles d’existence des Mahorais. Notamment après le cyclone Chido qui a ravagé l’île, l’heure devrait être davantage à une grande loi pour remettre Mayotte sur pied, bien plus ambitieuse que celle du gouvernement, plutôt qu’une loi pour flatter les idées racistes du RN.
Remise en cause du droit du sol : la brèche est ouverte, Marine Le Pen se frotte les mains
Ainsi, la brèche est ouverte. La restriction du droit du sol à Mayotte a été votée par le bloc central, LR, le RN et ses alliés. Cela fait 50 ans que l’extrême droite milite contre ce droit si particulier et constitutif de l’identité républicain du pays, 15 ans que la droite lui a emboîté le pas et quelques années que le camp macroniste se pose des questions. C’est une boucle sans fin : au prétexte de lutter contre le RN, Darmanin reprend ses propres concepts. Celui-ci a oublié la leçon apprises à ses dépenses par son mentor, Nicolas Sarkozy : parler comme l’extrême droite ne fait que légitimer ses idées et la rapprocher du pouvoir.
Entre hier soir et ce matin, la brèche a définitivement été ouverte. Au sortir de l’hémicycle, le ministre de la Justice Gérald Darmanin s’est dit favorable à l’ouverture d’un débat public sur le droit du sol concernant l’ensemble du territoire. Bruno Retailleau est allé plus loin, sans surprise. En effet, le ministre de l’Intérieur est favorable à la restriction du droit du sol sur l’ensemble du territoire national.
Quid du Premier ministre ? « On peut entrer dans un débat. Il ne faut rien repousser », déclare-t-il ce matin sur RMC. En effet, François Bayrou se dit favorable à un « débat public approfondi et plus large » sur le droit du sol, se posant notamment les questions suivantes : « Qu’est-ce qu’être Français ? Qu’est-ce que ça donne comme droit ? Qu’est-ce que ça impose comme devoir ? Qu’est-ce que ça procure comme avantages ? »
Retailleau, homme fort du gouvernement Barnier, aurait dû être un motif de censure à lui tout seul pour le PS
Ce mercredi 5 février, le PS n’a pas voté la motion de censure contre le Premier ministre François Bayrou et son budget, le plus austéritaire du pays depuis 25 ans. Les écologistes, par la voix de leur secrétaire nationale Marine Tondelier, avait assuré que la seule présence de Bruno Retailleau au gouvernement constituait un motif de censure en elle-même. Dont acte, ils ont voté cette censure. Malgré les sorties racistes du ministre de l’Intérieur sur les « belles heures de la colonisation », sur les « Français de papier » ou sur le retour « aux origines ethniques », le PS n’a visiblement pas jugé utile de l’empêcher de nuire en renversant le gouvernement.
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Avec le vote de cette restriction du droit du sol à Mayotte, la brèche est ouverte pour en débattre pour ce qui concerne l’ensemble du territoire national. Tandis que Bruno Retailleau parle comme l’extrême droite et la flatte, une énième loi sur l’immigration doit sûrement être dans les tuyaux, à l’heure où nous écrivons ces lignes, pour se protéger encore davantage d’une censure du RN.
Le PS a sa séance de rattrapages ce lundi 10 février. Votera-t-il ou non la motion de censure, visant à faire tomber le budget de la Sécurité sociale, tout aussi austéritaire que celui de l’État ? « J’attends que les socialistes reviennent à la raison et qu’ils votent la censure sur le PLFSS ce lundi. S’ils ne le font pas, ils sortiront définitivement de notre alliance, car ils seront en soutien au gouvernement », a souligné Éric Coquerel ce matin sur France 2.

Par Nadim Février