Samedi 30 novembre à Romans-sur-Isère (Drôme), les antifascistes défilaient une fois de plus pour contrer la récupération raciste de l’extrême droite. Une poignée de nazillons s’est rassemblée en instrumentalisant les décès de Thomas et Nicolas, tués en novembre 2023 et septembre 2024. En réponse, 1 200 manifestants, mobilisés par des partis, dont le Réseau Insoumis Antifasciste, des syndicats, associations et habitants du quartier de la Monnaie, ont défilé pour rejeter cette récupération haineuse.
Entre slogans de solidarité, drapeaux palestiniens, et une minute de silence en hommage aux victimes, la manifestation antifasciste a incarné une force populaire unie. Face à une tentative désespérée d’imposer un discours de haine, Romans-sur-Isère a répondu par une leçon d’antifascisme et de résilience collective. Notre article.
Romans-sur-Isère : nouvelle instrumentalisation du deuil à des fins racistes
Un an après les violences commises par des militants d’extrême droite dans le quartier populaire de la Monnaie à Romans-sur-Isère, les mêmes discours haineux refont surface sous couvert d’un « hommage » aux jeunes Thomas et Nicolas. En novembre 2023, le meurtre de Thomas à Crépol avait été suivi d’une descente raciste orchestrée par des groupuscules tels que la Division Martel, connue pour ses symboles néonazis et ses slogans nationalistes. Armés de barres de fer et de fumigènes, ces militants avaient terrorisé la population en scandant des appels à l’exclusion et en ciblant particulièrement les habitants de la Monnaie, un quartier à forte population immigrée.
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Ce samedi 30 novembre 2024, l’extrême droite récidive sous une autre forme. Sous l’impulsion de Raphaël Ayma, porte-parole du groupuscule écofasciste provençal Tenesoun et de Justice pour les Nôtres, un rassemblement prétendument commémoratif a été organisé. Soutenu par des groupuscules radicaux et identitaires comme le Mouvement Chouan (ouest de la France), le Maquis (Provence), ou encore Les Normaux (Rouen), Ayma utilise ce deuil pour répandre un discours raciste, stigmatisant les minorités et les habitants des quartiers populaires.
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Bien loin du simple hommage, le porte-parole néonazi admet lui-même une récupération politique. La famille de Thomas avait refusé que la manifestation ait lieu le 19 novembre, un an après le décès du jeune homme, celle-ci avait donc été décalée au 30 novembre. Des groupuscules identitaires violents appelaient à se rendre au rassemblement afin de « montrer leur force de frappe » comme le souligne Allan Brunon, porte-parole du Réseau Insoumis Antifasciste. L’organisation de covoiturages démontre que Romans n’est pas aux mains de l’extrême droite, mais que des nazillons s’y rendent afin d’effrayer la population.

Suite au décès de Thomas, plusieurs personnes ont été mises en examen, mais l’extrême droite affirme déjà qu’il s’agit de meurtres racistes “anti-blancs”. Cette fois encore et un an après la déambulation raciste à Romans-sur-Isère, l’objectif est clair : instrumentaliser des drames pour renforcer une rhétorique de haine, ciblant les populations issues de l’immigration et les musulmans.
Face à cette menace, le Réseau Insoumis Antifasciste (RIA) a lancé un appel à une contre-manifestation, co-organisée par l’AFPS, les Soulèvements de la Terre, Mobilisons l’intelligence collective, Acav26, Action Antifasciste Grenoble, CNT26, la Jeune Garde Antifasciste, Nous Toutes Drôme, NPA26, Ras le Front Isère, Solidaires 0726 et l’Union Départementale CGT Drôme.
Les deux manifestations, interdites par la préfecture pour motif de troubles à l’ordre public, ont finalement été autorisées la veille par le tribunal administratif de Grenoble après des référés-libertés. Le collectif Justice pour les Nôtres remercie l’Association de Soutien aux Lanceurs d’Alerte (ASLA), créée par des anciens de Génération Identitaire, pour « son soutien juridique et financier » qui a « permis d’obtenir l’autorisation » du rassemblement. La petite ville de 33 000 habitants a été placée samedi sous une surveillance policière renforcée, craignant une nouvelle tentative de ratonnade de l’extrême-droite.
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Victoire antifasciste : les violences des néonazis empêchées
À 14 heures, plus de 800 personnes étaient rassemblées place Hector Berlioz pour dénoncer la récupération raciste orchestrée par l’extrême droite, contre 150 fascistes (200 au mieux) à 15 heures place Ernst Gailly, protégés par un important dispositif de CRS. Le célèbre slogan xénophobe « On est chez nous » a été scandé par les identitaires, ainsi que « La racaille en prison, les clandestins dans l’avion ».
Plans en contre-plongée pour tenter de prêter un charisme inexistant à leur leader, la poignée de nazillons s’est retrouvée bien seule. Malgré les covoiturages dans toute la France et la propagande de l’événement pendant des semaines dans les médias d’extrême droite, le rassemblement n’a visiblement pas rassemblé assez.

Ce contraste ne semble pourtant pas avoir éveillé l’attention des médias dominants. Alors que M6, BFMTV, FranceInfo, France 3 et RTL se sont empressés de couvrir la manifestation fasciste, les médias n’ont pratiquement pas relayé l’ampleur et le message de la mobilisation antifasciste, couverte par FranceInfo, RMC et France 3 en plus des médias papiers. Cette différence flagrante illustre une nouvelle fois la partialité dans le traitement de l’information, alimentée par la concentration des médias sous le contrôle de Vincent Bolloré et ses relais d’extrême droite.

Jean-Eudes Gannat, porte-parole du Mouvement Chouan, groupe identitaire régionaliste de l’Ouest de la France (fondé en 2023)
En réponse, la manifestation antifasciste a proposé un tout autre message. Le cortège familial et populaire a débuté au cœur du quartier de la Monnaie, entre « siamo tutti antifascisti » [« Nous sommes tous antifascistes », ndlr], « Romans antifa » et chants de solidarité et de diversité. De nombreuses banderoles colorées avaient été peintes par les associations locales et les habitants.

Une minute de silence a été observée pour rendre hommage aux victimes, rappelant que le deuil ne peut servir d’alibi à la haine. La mère de Zakaria, 15 ans, tué en avril dernier alors qu’il s’opposait à une altercation et originaire du quartier de la Monnaie, était présente. L’extrême droite a bien évité de mentionner la mort de ce troisième jeune qui venait contredire son agenda raciste.
Raphaël Arnault, député de La France insoumise et porte-parole de la Jeune Garde Antifasciste, explique « qu’on n’a pas peur, on est ici porteurs d’espoir et de solidarité envers les habitants du quartier de la Monnaie et plus généralement de Romans-sur-Isère ».

Marie-Hélène Thoraval, maire de la ville, s’est félicitée que les deux manifestations se soient bien passées, qualifiant même le rassemblement fasciste de « calme et digne ». Elle a ensuite évoqué que « certaines motivations de l’autre manifestation étaient bien éloignées de la réalité de nos territoires », en référence au drapeau palestinien déployé par les antifascistes. Il est pourtant évident que l’antifascisme lutte contre toutes les extrêmes droites, y compris celle du gouvernement génocidaire de Benjamin Netanyahou – mais cela semble visiblement échapper à la maire, trop occupée à s’accommoder avec l’extrême droite identitaire.
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Enfin, si les fascistes n’ont commis aucune violence en fin de journée, c’est avant tout grâce à la forte mobilisation antifasciste, dissuasive par son ampleur. Comme à Grenoble et partout, Romans a envoyé un message clair : la rue appartient à ceux qui défendent des valeurs de justice et d’inclusion, et non à ceux qui sèment la peur et la division.
Par Camille Karlin