RN. Salut nazis, auditeur de l’Institut Iliade, Comité néofasciste du 9 mai, rapprochement avec une association rendant hommage à un nazi de la Waffen-SS… Le point commun entre ces actes ? Il porte un nom, celui de Raphaël Ayma, un nazi revendiqué et recruté par le RN comme assistant parlementaire. Raphaël Ayma, de son vrai nom Raphaël Ferron Lagier, a été tout récemment embauché comme collaborateur parlementaire du député du Var Philippe Schreck. Ce militant de 22 ans est le porte-parole de Tenesoun, un groupuscule national-révolutionnaire provençal.
Acculé par la polémique, la direction du RN a timidement contraint Philippe Schrek de licencier son collaborateur. Raphaël Ayma s’en est plaint sur Twitter, expliquant qu’on lui reprochait de s’être « engagé à dix-huit ans pour les [siens] et [son] pays avec l’idéalisme et la sincérité qui va à cet âge ». Entre saluts nazis et hommage à la Waffen SS, la « sincérité » pour son engagement fasciste est claire. Déjà embarrassé par l’ouverture du procès autour des faux assistants parlementaires au Parlement européen et affaibli par son soutien au Gouvernement Barnier, le RN n’en finit pas d’enchaîner les tourments. Notre brève.
Portrait d’un militant nationaliste-révolutionnaire, nostalgique des fascismes
Dès 2023, Libération révèle que Raphaël Ayma est l’invité d’honneur de l’Association culturelle des amis de Léon Degrelle en Espagne. Décoré « par Hitler en personne », Léon Degrelle est un nazi belge ayant combattu sur le front de l’est, au sein de la 38ᵉ division de la Waffen-SS.
Si c’est cette révélation qui a conduit la direction du Rassemblement National à licencier Raphaël Ayma, l’épisode n’est pas isolé. En effet, il n’hésite pas à porter un tee-shirt suprémaciste « white boy summer », faire des saluts à trois doigts, brûler un drapeau LGBT+ dans les rues de Madrid (photos sur le canal Telegram fasciste Ouest Casual) ou exhiber le logo du mouvement CasaPound, héritier du fascisme italien.
Il est aussi le porte-parole de Tenesoun. Ce mouvement radical implanté à Aix-en-Provence et Orange a été fondé sur les cendres de Bastion social dissous en 2019 car « raciste et antisémite » selon Christophe Castaner, ministre de l’Intérieur de l’époque.

Le porte-parole de Tenesoun en définit la doctrine comme « nationaliste et identitaire », fondée sur un double attachement « à des traditions politiques plus classiques de la droite nationale (antilibéralisme, par ex.) » et « à la protection des identités du pays face au Grand Remplacement ». Il admet de nombreuses influences : « Dominique Venner » auteur de textes racistes et antisémites, « les travaux du GRECE » soit la Nouvelle Droite, « l’[Institut] Iliade » et « [Frédéric] Mistral pour le provençalisme évidemment ».
Dans un article consacré à Tenesoun et ses relations avec les partis d’extrême droite, Streetpress montre les liens avec d’autres groupuscules nationalistes-révolutionnaires. Le premier colloque de Tenesoun en 2023 rassemble des militants de Lyon Populaire, les Niçois d’Aquila Popularis, les Languedociens de la Ligue du Midi, les Perpignanais d’Unité Sud. Chaque année, des membres de Tenesoun participent à la marche du Comité du 9 mai.
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Raphaël Ayma est également auditeur de la XIVe promotion de l’Institut Iliade, intitulée « Frédéric Mistral » du nom de l’écrivain et lexicographe occitan proche de Charles Maurras. Ce think tank est un cercle de réflexion nationaliste identitaire qui « reprend la logique de défense de la « race blanche » promue à l’origine par le GRECE », selon l’historien Stéphane François. L’Institut Iliade organise des colloques, dispense des formations et sert de réserve de cadres pour les partis d’extrême droite. Anne Sicard, députée RN, en est un exemple récent.
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Quand « dérèglement écologique » et « Grand Remplacement » se rencontrent
Pleinement « enraciné » dans la sphère identitaire française, Raphaël Ayma a pourtant commencé à s’intéresser à la politique avec les marches pour le climat en 2019. Ce qu’il préfère appeler « dérèglement écologique » doit être traité selon lui au même titre que la thèse raciste du « Grand Remplacement ».

Lors du colloque d’Academia Christiana « Nos Racines, Nos Limites : Penser l’écologie à l’endroit » en novembre 2023, Raphaël Ayma anime la conférence « Ecologie, jeunesse et perspectives politiques ». Cette académie est identitaire et catholique traditionaliste, fondée par Julien Langella, cofondateur de Génération identitaire. Gérald Darmanin annonce vouloir la dissoudre fin 2023.
Loin des positions climatosceptiques habituelles à l’extrême droite, le militant identitaire reconnaît « l’existence d’un dérèglement écologique ». « On va admettre que les effets de celui-ci, s’il n’y a pas une restructuration de nos modes de vie, vont continuer de s’intensifier. » Il promeut une « écologie profonde » qui lie échelles globale et locale.
Le Monde fait un portrait de l’écologie de Raphaël Ayma dans un article de décembre 2022, « Ces jeunes identitaires qui virent au vert ». Tenesoun donne des conférences sur l’écologie, met en place des opérations de boycott d’Amazon, de ramassage de mégots et s’occupe même d’un « potager communautaire ». Le militant néofasciste « prend au sérieux » les rapports du GIEC et parle décroissance.

Pourtant, sa vision de l’écologie n’est pas décorrélée de ses positions identitaires. Il explique qu’« un changement identitaire drastique entraine systématiquement un changement de l’environnement direct, de l’environnement social ». Pour lui, « une écologie identitaire est à la fois une écologie qui défend les écosystèmes et les peuples qui évoluent dedans ». Raphaël Ayma n’est pas seulement un néofasciste, c’est aussi un écofasciste.
L’écologie identitaire est encore très minoritaire dans les partis d’extrême droite. Même s’il n’est plus collaborateur parlementaire aujourd’hui, l’entrée de Raphaël Ayma dans la sphère du Rassemblement National est inquiétante. Si l’écologie est historiquement (et non intrinsèquement) de gauche, sa mise à l’agenda à l’extrême droite est à surveiller puisqu’elle ne se fera qu’aux dépens des minorités, cibles traditionnelles des extrêmes droites.
Liens du RN avec des groupuscules radicaux : la dédiabolisation n’existe pas
Le licenciement de Raphaël Ayma ne doit pas être un leurre, il n’y a aucune remise en question des éléments radicaux au sein du Rassemblement National. Le militant néofasciste a tracté plusieurs fois aux côtés des jeunes RN. Il a d’ailleurs effectué un stage à l’Assemblée nationale auprès d’un député en 2023. Les révélations de Libération jeudi dernier ne sont pas les premières et le porte-parole de Tenesoun avait déjà fait l’objet de plusieurs articles depuis 2022. Le Rassemblement National était forcément déjà au courant.
Le député du Var Philippe Schreck avait déjà employé Maylis de Cibon, responsable de la Cocarde d’Assas et membre du groupuscule Luminis, proche du GUD. Cette dernière est désormais collaboratrice parlementaire de la députée Sophie Vaginay au sein du groupe ciottiste. Loin de la stratégie affichée de « dédiabolisation », de nombreux jeunes collaborateurs du Rassemblement National sont issus de groupuscules violents. Mathieu Molard, rédacteur en chef de StreetPress, en parle dans le livre publié en cette rentrée par l’Institut La Boétie : Extrême droite : la résistible ascension, aux éditions Amsterdam.

Par Camille Karlin