La justice s’apprête-t-elle enfin à trancher en faveur des opposants à l’A69, ce projet d’autoroute entre Toulouse et Castres ? Ce lundi 25 novembre sera jugé le recours sur le fond déposé contre l’A69 au tribunal administratif de Toulouse. Et le rapporteur public vient de frapper fort en recommandant l’annulation pure et simple de l’autorisation environnementale, ce qui pourrait stopper net les travaux en cours. Plus qu’un immense espoir ouvrant la perspective d’une victoire historique, cet avis légitime également des années de lutte acharnée contre un projet aussi inutile que destructeur. Notre article.
A69, suite et fin d’une mauvaise saga juridique ?
L’écocide A69 promet un gain dérisoire de temps pour les automobilistes au prix de 400 hectares détruits mais ne vise en dernière instance qu’à remplir les poches de la société privée ATOSCA, au moyen d’un lucratif péage. Ce projet anachronique et irrémédiablement destructeur de la biodiversité est pourtant soutenu inconditionnellement par l’État, qui avance ici main dans la main avec la présidente de la région Occitanie, Carole Delga.
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Derrière une défense de l’environnement affichée, les faits parlent donc d’eux-mêmes. Encore une fois, il en va ici d’une conception incantatoire de l’écologie qui n’est entre leurs mains que discours vides et absence de mesures concrètes.
Malgré la violence de la répression étatique, les opposants à l’A69 continuent de tenir la tranchée. Et si le recours à la force témoigne du mouvement croissant de criminalisation des défenseurs de l’environnement dans la France d’Emmanuel Macron, les collectifs poursuivent leur lutte avec détermination.
La force militante contre l’injustice dans la bataille de l’A69
Le combat contre l’A69, qui a vu les opposants au projet contraints de risquer leur vie en se perchant dans les arbres du trajet pour éviter leur coupe, se mène également sur le terrain juridique.
Les militants ne cessent de constater, puis de faire valoir en justice, les manquements à la réglementation environnementale qui marquent le projet. Grâce à leur détermination et à la justesse de leur combat, la police de l’environnement (DREAL, DDT, OFB) a ainsi été contrainte de dresser 21 rapports de manquement administratif (en 18 mois !) du fait des violations répétées des prescriptions de l’autorisation environnementale.
L’association France Nature Environnement en dresse ici la liste. L’existence même de ces rapports résulte donc de la ténacité des militants et des associations, qui ont saisi à plusieurs reprises la Commission d’accès aux documents administratifs pour faire appliquer leurs droits. La CADA, autorité administrative indépendante, a systématiquement retenu le caractère communicable de ces informations environnementales.
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Le collectif La Voie est Libre a, quant à lui, déposé en juin 2023 un recours sur le fond
contre le chantier de l’autoroute A69. C’est à sa suite que le tribunal administratif de Toulouse
se prononcera sur la licéité des autorisations environnementales dont le projet dépend.
L’avis du rapporteur public pourrait tout changer
C’est une nouvelle qualifiée d’« extraordinaire » par Gilles, membre du collectif La Voie
est Libre, au micro de l’Insoumission.
Ce lundi 25 novembre, le tribunal administratif de Toulouse examinera le recours sur le fond déposé contre l’A69. Pour éclairer la décision du juge administratif, le rapporteur public chargé de l’affaire a rendu ses conclusions la semaine dernière, et celles-ci vont dans le sens des opposants à l’A69 ainsi que de leurs revendications historiques ! Ainsi, le rapporteur public s’est prononcé en faveur de l’annulation de l’autorisation environnementale de l’A69 pour absence de raison impérative d’intérêt public majeur. Une magnifique avancée qui donne raison aux luttes des militants.
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Mais qu’est-ce que cela signifie concrètement ? Le rapporteur public a pour mission de formuler, suivant sa conscience, des conclusions indépendantes dans lesquelles il apprécie les faits, les circonstances de l’espèce, les règles de droit applicables et les solutions qu’appelle le litige. Dans le cas de l’A69, son avis est clair : il n’y a pas ici de raison juridique suffisante pour justifier ni la destruction d’espèces protégées, ni celle des habitats naturels par le déracinement des arbres ou l’artificialisation des sols.
En conséquence, les arrêtés autorisant la construction de l’autoroute A69 pourraient être annulés. Autrement dit, il y a une chance que le chantier soit stoppé net, car son utilité, appréciée au regard des dégâts qu’il va commettre sur la faune et la flore, n’est pas démontrée.
Cet avis n’a néanmoins pas de force contraignante. Si le tribunal administratif doit examiner en audience le recours en annulation de l’autorisation environnementale de l’A69, il peut, à l’issue des délibérations, décider d’aller ou non dans son sens. Toutefois, il a coutume de suivre le rapporteur, et comme l’indique le collectif La Voie est Libre, « les associations environnementales nourrissent l’espoir que cette expertise juridique impartiale se concrétise par une décision tout aussi éclairée de la juridiction ».
A69 : vers une décision judiciaire à portée historique
Rien n’est donc encore joué. Le tribunal reste souverain et pourrait se contenter d’une annulation partielle ou d’une régularisation du chantier. Cependant, cette affaire représente une occasion majeure pour la justice administrative de prouver qu’elle peut devenir un « juge vert » et poursuivre l’élan amorcé par le droit ces dernières années, en faveur d’une prise en compte accrue de l’environnement.
Si cette décision est particulièrement scrutée, c’est parce que le combat dépasse largement le cas de l’A69. Le collectif La Déroute des Routes rappelle qu’une cinquantaine de projets routiers et autoroutiers sont actuellement contestés en France. Faire tomber l’A69 pourrait ouvrir la voie à l’annulation d’autres projets similaires.
L’A69 ne doit pas voir le jour, et la lutte pour son abandon s’inscrit dans un combat global contre des grands projets inutiles, menés au mépris de l’intérêt général et de l’urgence climatique. La France Insoumise s’inscrit pleinement dans ce combat et propose ainsi un moratoire sur ces projets routiers et autoroutiers pour sortir d’un « tout routier » écologiquement intenable. Cette proposition de loi sera portée à l’Assemblée nationale lors de la niche parlementaire du jeudi 28 novembre.
Si la justice nous a habitués à être du côté des destructeurs, elle peut ici permettre une grande avancée et créer un précédent encourageant pour d’autres combats similaires. L’occasion lui est donnée de suspendre immédiatement le chantier et d’ordonner une « annulation totale » de ce projet inutile, écocidaire et antisocial.
Pour soutenir les co-requérants dans leur recours, Les Soulèvements de la Terre invitent à un rassemblement pacifique lundi 25 novembre à 8h, sur le parvis de la gare Matabiau à Toulouse.
Par Mazarine Albert