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Assurance-chômage : Macron et Attal préparent un nouveau braquage

Assurance-chômage. Après 6 ans d’une casse sociale féroce, Gabriel Attal prépare le pire pour les chômeurs. Le Premier ministre est favorable à une réduction de la durée d’indemnisation du chômage à 12 mois au lieu de 18 actuellement. Ce, alors même que 57% des chômeurs ne sont pas indemnisés. Attat est plus radical que Nicolas Sarkozy, c’est dire. L’objectif est clair : réaliser 3 milliards d’euros d’économies sur le dos des chômeurs.

Pour rappel, réduire les droits de chômeurs n’a pas d’incidence sur la baisse du chômage. C’est même l’inverse qui se produit : le taux de retour à l’emploi de ceux soumis à la dégressivité de l’allocation est plus faible que celui des autres allocataires. Pendant ce temps, de grands patrons comme Carlos Tavares peuvent engranger 100 000 euros par jour, sans que le camp présidentiel ne bouge le petit doigt. Protéger les ultra-riches, accabler les plus précaires : le macronisme économique est fidèle à lui-même. Retour sur ces dernières années, où les droits des chômeurs ont été jeté en pâture, tandis que le pire est à venir. Notre article.

Assurance-chômage : Attal plus à droite que Sarkozy

« Certains économistes expliquent qu’on indemnise trop longtemps le chômage et que cela n’incite pas à reprendre un emploi. Je ne crois pas à ce raisonnement qui aurait pour conséquence une réduction de la durée d’indemnisation » disait en 2012… Nicolas Sarkozy dans une interview au Figaro. Il ajoutait « 75 % des demandes de formation des chômeurs ne sont pas satisfaites ! Ces chiffres expliquent pourquoi les demandeurs d’emploi restent si longtemps au chômage ».

C’est donc l’un des présidents les plus à droite que la France ait eu qui expliquait, que non seulement les chômeurs n’étaient pas rendus paresseux par trop de générosité, mais que, en plus, la responsabilité de leur privation de travail reposait sur une administration incapable de les former. Alors, bien sûr, ce même Nicolas Sarkozy avait mené à bien, quatre ans plus tôt, une réforme très dure l’assurance-chômage. Elle faisait, notamment, naître le concept d’une « offre d’emploi raisonnable » largement vidée de substance légale, qui, permettait à l’administration de se fonder sur des critères très vagues pour radier les demandeurs, et fusionnait les Assedic et l’ANPE.

Mais, tout de même, quel que soit le jugement que l’on porte sur la sincérité du propos, il est frappant de constater les précautions que prend Nicolas Sarkozy dans son expression, lui dont on connaît pourtant la liberté de ton. L’idée était de ne pas laisser penser qu’on mettait les chômeurs en accusation mais de pointer des effets conjoncturels et structurels qu’ils subissaient. Quelle différence avec Gabriel Attal qui, de nos jours, parlant d’une énième réforme de l’assurance-chômage qu’il entend faire appliquer au plus vite, affirme : « mon objectif, ce n’est pas de m’en prendre à tel individu ou aux chômeurs, c’est de faire bouger un système pour inciter davantage à la reprise d’emploi ».

Ainsi, le demandeur d’emploi ne serait pas « incité » à occuper les nombreux postes qui s’offriraient à lui grâce à la générosité de cet Etat providence que Bruno Le Maire conspue dans son dernier livre. Le ministre de l’Economie va, il faut le dire, beaucoup plus loin verbalement que Gabriel Attal. Pour diminuer le chômage selon lui, il suffit de se « secouer les puces ».

C’est dire à quel point, depuis Nicolas Sarkozy, la fenêtre d’Overton a carrément éclaté sous le poids des discours visant à culpabiliser les chômeurs. Le problème, pourrait-on objecter, c’est que cela fait à peu près sept ans qu’Emmanuel Macron applique à la lettre cette doctrine et s’emploie à « secouer les puces » de ceux qui encombrent les Pôles emploi. Mais, alors, pour quels résultats ? Notre article.

Depuis six ans, une politique radicalement hostile aux chômeurs

Les choses commencent en 2018, année où Emmanuel Macron fait le choix radical de supprimer purement et simplement le caractère assurantiel de l’assurance-chômage. En effet, la loi de finances supprima les cotisations chômage payées par les salariés, les remplaçant par une augmentation significative des taux de la CSG. Or les cotisations des salariés, non seulement fondaient leur droit au chômage mais étaient gérées par l’Unedic, une association paritaire sur laquelle l’Etat n’avait pas de prise directe. Dès lors, ce changement d’apparence anodine transformait l’assurance-chômage en un octroi d’Etat, plutôt qu’en une assurance due grâce aux cotisations de chacun. Et, évidemment, ce qui est octroyé peut se diminuer ou se reprendre.

Et cela, on le vit dès 2019. Tirant immédiatement parti de la décorrélation entre cotisations et indemnisation, le gouvernement fit voter une première loi entièrement dédiée à l’indemnité chômage. Auparavant il fallait avoir travaillé quatre mois dans les vingt-huit derniers mois pour acquérir des droits, après cette réforme cela devint six mois sur vingt-quatre mois. Surtout, le mode de calcul de l’allocation changeait pour moins prendre en compte les contrats courts et introduire une possibilité de dégressivité.

Conséquence ? Dans sa publication du 23 février 2024 consacrée au suivi et effets de la réglementation de l’Assurance-chômage, l’Unedic estime que cette première réforme de 2019 a fait baisser de 16% le montant des allocations. Ce, tout en diminuant de 4% la part des inscrits à Pôle emploi touchant des allocations, mais également de 14% les ouvertures de droit entre 2019 et 2023. Diminution à ne pas confondre, donc, avec un retour en emploi.

Le 21 décembre 2022 cependant, sans avoir étudié l’impact de la réforme de 2018, le gouvernement fit voter la loi « portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ». Où était l’urgence, seuls les esprits les plus fins des cabinets ministériels pourraient l’expliquer, mais le concept clé de la réforme a fait l’objet d’une communication très active. L’idée était de mettre en place la « contracyclicité ».

Derrière ce barbarisme technocratique, l’idée que la durée d’indemnisation du demandeur d’emploi ne soit plus fixe, mais dépende de la situation du marché du travail. Situation telle qu’appréciée annuellement par arrêté ministériel, pour suivre un principe simple : à conjoncture plus favorable, moins d’indemnisation, à conjoncture plus favorable, davantage d’indemnisation, avec une variation possible de 25%.

Mais, aussitôt cette idée vantée sur tous les plateaux télévisés, Emmanuel Macron s’inquiéta ne pas en avoir fait assez. Sans toujours avoir plus de recul sur l’impact des précédents tours de vis subis par les chômeurs, le gouvernement se hâta de prendre deux décrets en 2023, en avril et en décembre. Le premier introduisait une présomption de démission pour abandon de poste, de sorte que le salarié concerné y perdait ses indemnités chômage. Ce décret d’avril réussit à courroucer à la fois les juristes et avocats défendant les intérêts des employeurs comme ceux défendant les intérêts des salariés, mais aussi les organisations patronales et les syndicats.

C’est que, en effet, le monde du travail s’accommodait plus ou moins, d’envisager l’abandon de poste comme faisant partie d’une transaction évitant la démission. L’employeur qui refusait une rupture conventionnelle procédait à un licenciement et le salarié gardait ses indemnités chômage. Et puis, l’abandon de poste était parfois le dernier recours de salariés en situation de souffrance au travail.

Le décret suivant, de décembre, mit à nouveau mal à l’aise une partie des organisations patronales tant il allait loin pour un gain incertain. Le décret supprimait les indemnités chômage après deux refus de CDI et enjoignait les employeurs de dénoncer les salariés réfractaires sur une nouvelle plateforme dédiée. Ce qui fit dire à Benoit Serre, le vice-président de la très libérale Association nationale des directeurs des ressources humaines, que cela transformait les entreprises en dénonciatrices et était de nature à altérer le lien de confiance entre salariés et employeurs.

C’est ainsi que la surenchère du gouvernement commence à heurter un patronat qui n’a pourtant pas l’habitude d’être en désaccord avec Emmanuel Macron. Il est vrai que, à l’heure des comptes il n’existe, aucune étude, aucune statistique, rien qui laisse penser que les atteintes constantes aux droits des demandeurs d’emplois aient, fût-ce marginalement, dopé leur volonté ou leur capacité à trouver un emploi. Ce n’est qu’énoncer un fait de le dire : jamais, en aucune circonstance, le gouvernement n’a pu produire un indicateur allant dans ce sens, se contentant d’arguer d’une baisse générale du chômage qui a de quoi laisser sceptique.

Pour aller plus loin : Assurance-chômage : le projet de guerre sociale de Gabriel Attal

Chômage : un bilan inexistant, des travailleurs pauvres et un choc social à venir

Si le gouvernement dit que les chiffres du chômage baissent d’années en années depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, on peut en douter. Par exemple, dans un rapport de janvier 2023 sur l’année 2022 la DARES explique que la baisse se concentre sur les demandeurs d’emploi de catégorie A.

90 000 personnes étant sorties de cette catégorie sont allées gonfler les catégories B et C, tandis que 15 000 ont disparu des fichiers de Pôle emploi sans que l’on soit en mesure de dire combien ont pu retrouver une activité. Ces 105 000 personnes représentant 35% des sorties de la catégorie A, qui regroupe le plus grand nombre de demandeurs d’emplois.

Malgré tout, même à surévaluer la baisse du chômage, il faudrait se demander quel genre d’emploi attend les premiers concernés. En 2022 l’INSEE a estimé à un million le nombre de travailleurs pauvres dans notre pays. Comme d’habitude, il s’agit principalement de populations en temps partiel subies, avec une sur-représentation des mères célibataires et des personnes éloignées d’une occupation stable de l’emploi. Ces personnes que le travail appauvrit au lieu d’émanciper constituent un impensé pour Emmanuel Macron, aveuglé par sa croyance en un plein emploi susceptible de guérir tous les problèmes des Français.

En somme, le chômage ne baisse, au mieux, que marginalement sans que cela puisse être attribué aux durcissements successifs subis par les demandeurs d’emploi. Et la pauvreté au travail, elle, demeure, au minimum, constante. Ce constat d’échec sur les politiques de l’emploi est partagé par l’administration, puisque, comme le révélait Mediapart, le 28 mars, les services du Ministère du travail ont écrit en 2023 des notes internes déconseillant toute nouvelle réforme. Et ce dans des termes très nets : « la conjoncture incertaine du marché du travail n’appelle pas un durcissement immédiat des conditions d’indemnisation ».

Formulation d’autant plus intéressante que la conjoncture est reconnue difficile ce qui, dans la logique contracyclique revendiquée par le même gouvernement si peu de temps avant, aurait dû valoir aux demandeurs d’emploi plus de compréhension.

Mais, aujourd’hui, voilà qu’une nouvelle réforme de l’assurance chômage se fait jour et que le gouvernement entend réduire la durée d’indemnisation pour « inciter » au travail. Si le contenu exact de la future loi demeure incertain, on sait qu’Emmanuel Macron entend passer outre les partenaires sociaux, qui sont pourtant censés piloter l’assurance chômage. Le but est de pousser pour un texte très dur, passant, a priori, la durée d’indemnisation maximale de 18 mois à 14,4 mois.

Encore une fois, le gouvernement va plus loin que ne l’escomptait le patronat, tant est si bien que le président du MEDEF, Patrick Martin, a réagi en déplorant des expressions gouvernementales ayant « perturbé les négociations » en cours entre les partenaires sociaux sur les seniors, et « créé des crispations ».

Surtout, dans un rapport de janvier 2024, la DARES a étudié le scénario voulu par le Président de la République : la réduction envisagée priverait de droit 400 000 demandeurs d’emplois. Ceux-ci basculeraient immédiatement dans le régime du RSA ou de l’Allocation de solidarité spécifique (ASS), et leur retour à l’emploi demeurerait plus incertain que jamais.

Par Nathan Bothereau

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