Derrière le déluge de feu de l’armée de Netanyahu, un écran de fumée continue d’entourer les livraisons d’armes utilisées dans les massacres à Gaza. Alors que le risque de génocide se réalise chaque jour un peu plus, et qu’1,4 millions de Palestiniens sont parqués et massacrés à Rafah, plusieurs Etats occidentaux, complices, poursuivent leurs livraisons. « Quand allez-vous décréter l’embargo sur les armes ? De Gaulle l’a fait ! Macron va-t-il enfin le décréter » interrogeait Mathilde Panot le 16 février face à Stéphane Séjourné. Visiblement malaisé, le ministre ne sut pas fournir le montant des livraisons d’armes françaises à Netanyahu. L’opaque rapport d’exportations d’armes présenté au Parlement fait état d’au moins 111 millions d’euros livrées à Netanyahu depuis 2017, comme l’a révélé l’Insoumission.fr en partenariat avec l’ONG ASER le 17 octobre.
En parallèle, les criminels de guerre nord-américains participent activement aux massacres. Le Wall Street Journal a rapporté, le 17 février, que l’administration Biden « se prépare à envoyer des bombes et d’autres armes à Israël qui viendraient compléter son arsenal militaire alors même que les Etats-Unis font pression pour un cessez-le-feu ». D’autres Etats ont cessé tout export, comme l’Espagne (volontairement) ou les Pays Bas (après une décision de justice rendue le 12 février qui rappelle que ces livraisons sont contraires au Traité sur le commerce des armes, dont la France est signataire). Partout dans le monde, syndicats, associations et collectifs protestent contre ces livraisons dont les décideurs sont des criminels de guerre à part entière. Notre article.
Les Etats-Unis, premiers contributeurs au risque de génocide
Le Wall Street Journal a rapporté, le 17 février, que l’administration Biden « se prépare à envoyer des bombes et d’autres armes à Israël qui viendraient compléter son arsenal militaire alors même que les Etats-Unis font pression pour un cessez-le-feu ». Un double discours classique et habituel des nord-américains s’affichant fervents défenseurs de la liberté tout en pourvoyant des charniers à travers le monde. Quelques jours avant ces révélations du Wall Street Journal, Joe Biden affirmait que les opérations militaires de Netanyahu étaient « exagérées ». Pas assez visiblement pour mettre un coup d’arrêt au complexe militaro-industriel étasunien qui tourne à plein régime pour équiper les soldats de « l’armée la plus morale du monde » (Meyer Habib).
Les révélations du Wall Street Journal ne sont pas isolées. Aux Etats-Unis, une partie de la presse accomplit sa mission d’information, contrairement aux machines de guerre médiatique en France qui taisent le risque de génocide à Gaza et multiplient les diversions pour éluder un conflit qui change le cours du siècle. Le 10 décembre, le célèbre journal « The Guardian » titrait à sa Une : « Biden dans la ligne de mire après avoir contourné le Congrès pour livrer des obus à Israël”. En cause : le fait que la Maison-Blanche se soit affranchie du contrôle du Congrès pour fournir à l’armée de Netanyahu 14 000 obus pour ses chars.
Malgré tout, peu de chiffres fuitent dans la presse. Certaines données sont révélées par les déclarations officielles des membres du Gouvernement de Netanyahu. Le 26 décembre, le ministère de la défense de Netanyahu a ainsi annoncé que les Etats-Unis avaient livré près de 10 000 tonnes d’armements et d’équipements militaires à Netanyahu. D’autres données proviennent d’Institut et d’ONG. Selon les données actuelles de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), les États-Unis ont fourni 70,2 % des armes conventionnelles d’Israël pour la période 2011-2020. Ils sont suivis par l’Allemagne (23,9 %) et l’Italie (5,9 %).
Toutes ces livraisons rendent leurs décideurs complices des massacres de Gaza et violent directement la décision de la Cour internationale de justice ayant reconnu le risque de génocide le 26 janvier. Les mesures conservatoires ordonnées par la Cour de La Haye impliquent en effet que les Etats membres fassent tout pour prévenir le génocide à Gaza, en cessant tout financement ou facilitation des actions militaires qui pourraient avoir une portée génocidaire.
L’Allemagne et le Royaume-Uni, deuxième et troisième contributeur dans les massacres de masse à Gaza
D’après l’ONG « Campaign Against Arms Trade (CAAT) », le gouvernement allemand a approuvé la vente pour au moins 1,4 milliards d’euros d’armes à Netanyahu entre 2015 et 2020. Au total, les ventes d’armes de Berlin à Netanyahu ont été multipliés par 10 en 2023. Dans les premières semaines qui ont suivi le début des attaques de Netanyahu à Gaza, la chancellerie allemande a approuvé 185 demandes de licences d’exportation supplémentaires pour des livraisons d’armes. Véhicules blindés, équipements militaires, tenues des soldats, le gouvernement allemand arme de fait l’armée de Netanyahu. Le 17 janvier, le média Spiegel a rapporté que la chancellerie allemande examinait désormais l’envoi de munitions de précisions pour chars d’assaut, à la demande du Gouvernement de Benjamin Netanyahu.
Selon les données de la même ONG, CAAT, le Royaume-Uni est lui aussi complice par ses livraisons d’armes. Le Royaume-Uni fournirait ainsi près de 15% des composants des F-35 utilisés par l’armée de Netanyahu dans ses bombardements à Gaza.
Les Pays Bas sommés de cesser leurs livraisons d’armes
En Europe, la question de l’embargo sur les armes fait son chemin avec une extrême lenteur en raison de l’alignement total ou partiel des Gouvernements sur la politique de Benjamin Netanyahu. Aux Pays-Bas, il a fallu une décision de justice de la Cour d’appel de la Haye pour que le Gouvernement cesse ses exportations d’armes. Le lundi 12 février, cette juridiction a motivé sa décision en déclarant qu’il existait « un risque évident que de graves violations du droit humanitaire de la guerre soient commises dans la bande de Gaza avec les avions de combat F-35 israéliens »
Des initiatives de résistance contre les livraisons d’armes partout dans le monde
En France, et dans le monde, des collectifs, des syndicats et des associations protestent activement contre les livraisons d’armes qui participent des massacres à Gaza. En Espagne, le 8 novembre, les dockers ont annoncé qu’ils refuseraient de charger ou décharger des navires transportant des armes à destination du Gouvernement de Benjamin Netanyahu. « En tant que collectif de travailleurs, nous avons l’obligation et l’engagement de respecter et de défendre avec véhémence la Déclaration universelle des droits de l’homme », a déclaré l’OEPB, le seul syndicat représentant quelque 1 200 dockers du port, dans un communiqué.
Le 18 février, en Inde, le syndicat des portuaires et dockers indiens, représentant 3500 travailleurs dans les 11 ports principaux d’Inde a annoncé le refus de charger et décharger tous les navires transportant des armes à destination de Netanyahu ou des pays alimentant la guerre en Palestine.
A Londres, le 7 février, des manifestants se sont rassemblés devant la banque Barclays pour exiger que l’établissement « mette fin à sa complicité dans l’attaque israélienne contre les Palestiniens » et que la banque arrête ses « liens financiers avec les sociétés d’armement qui vendent des armes en provenance d’Israël ».
En France, le collectif « Stop Arming Israel » multiplie lui aussi les initiatives. Le 15 février, le collectif et ses militants se sont rendus devant le siège de Safran à Paris pour dénoncer la collaboration entre la branche « Electronis & Defense » de l’entreprise avec le Gouvernement de Benjamin Netanyahu. Par des actions hebdomadaires et des réunions d’informations, le collectif participe de l’information au public de la complicité du Gouvernement et des entreprises de défense française dans les massacres en cours à Gaza.
Le cas français : 111 millions d’euros d’armes et de matériels militaires livrés à Netanyahu depuis 2017
En France, rares sont les voix à porter la question de l’embargo sur les armes. En cause : le paysage médiatique et politique marqué par l’alignement sur la propagande de Benjamin Netanyahu dans le traitement du conflit. L’Insoumission.fr a été le premier média, à révéler et dénoncer, dès le 18 octobre, le montant des exportations d’armements français à Netanyahu, en partenariat avec l’ONG ASER. Côté organisations politiques, les insoumis sont vite montés au créneau, par la voix des députés Bastien Lachaud et Aurélien Saintoul, qui, dès novembre, ont demandé des comptes au Gouvernement et l’arrêt des transferts d’armements.
Depuis plusieurs mois, Jean-Luc Mélenchon appelle le Gouvernement français à décréter sans délai un embargo sur les armes ainsi qu’à prendre des sanctions économiques contre Netanyahu. C’est « la voie la plus courte vers le cessez-le-feu » a déclaré le leader insoumis, lequel a été, rappelons-le, la première personnalité politique à appeler au cessez-le-feu en France. « Tous ceux qui embarquent des armes sont des criminels de guerre. Ceux qui le décident sont des criminels de guerre. » a déclaré Jean-Luc Mélenchon le 15 février lors d’une manifestation à Paris. Multipliant les manifestations et les initiatives, de Genève à Rafah, l’organisation insoumise apparait comme la première force politique en France qui s’oppose sans détours, et depuis le premier jour, aux massacres à Gaza. Déplacements de députés à Rafah, manifestation devant le siège de l’ONU, les insoumis ajoutent aux déplacements symboliques des interpellations et des actions précises. Le 14 février, le député LFI Thomas Portes a ainsi lancé une pétition pour que « la France cesse de livrer ses armes à Netanyahu ».
La France, premier exportateur européen d’armes à Netanyahu
La France est le premier exportateur européen d’armes vers le Gouvernement de Benjamin Netanyahu, un sinistre record. En termes de livraisons concrètes, la France a vendu pour 111 millions d’euros d’armes à Israël depuis 2017, dont 15,3 millions en 2022. Bombes, torpilles, matériel de conduite de tir, charges explosives, fusils d’assaut, les matériels de guerre français équipent de fait, en partie, l’armée israélienne. Ce sont les chiffres et les éléments du dernier rapport du ministère des Armées sur les exportations d’armement de la France, publié en septembre 2023.
Une colonne du rapport indique que 9,151 millions d’euros d’armements français ont été autorisés pour exportation vers Israël en 2022 en ce qui concerne les « bombes, torpilles, roquettes, missiles, autres dispositifs et charges explosifs et matériels et accessoires connexes comme suit et leurs composants spécialement ». Bombes auxquelles s’ajoutent également du matériel de conduite de tir d’après le rapport. Comprendre : des systèmes de haute technologie pour guider les missiles et les bombes vers les cibles.
Depuis plus de dix ans, les autorités françaises vendent des armes à Benjamin Netanyahu, en totale violation du traité sur le commerce des armes (TCA) des Nations Unies. Qu’elles aient été vendues il y a dix ans ou l’an dernier, la même question se pose : à quel degré participe-t-elle des crimes de guerre à Gaza ? Quels armements sont-ils spécifiquement utilisés ? Le rapport ne le dit pas et les parlementaires ne le savent pas non plus en raison de l’opacité qui entoure les exportations d’armements en France. Aucun suivi n’est opéré sur les armes vendues. Un scandale. La représentation nationale n’a donc aucune idée de comment et contre qui sont utilisées les armes vendues par le Gouvernement aux quatre coins du globe.
Une chose est sûre : les autorités françaises fournissent donc, depuis des années, des systèmes d’armements et des équipements militaires à un État déjà visé par une enquête pour crimes contre l’humanité. En 2009, à la suite de l’opération « Plomb Durci » mené par Tsahal, l’ONU avait accusé l’Etat d’Israël de crimes de guerre :« Des actes assimilables à des crimes de guerre et peut-être, dans certaines circonstances, à des crimes contre l’humanité ont été commis par les forces armées israéliennes », avait alors déclaré le juge Richard Goldstone, auteur du rapport de l’ONU.
Que répond le Gouvernement français sur ces ventes d’armes à l’Etat d’Israël et les violations à la chaîne du traité sur le commerce des armes ? Rien, aucune déclaration ne filtre sur ce qui pourrait être une complicité directe de crimes de guerre par les autorités françaises et les entreprises françaises concernées. Le 12 février, interrogé par Mathilde Panot sur la question des ventes d’armes à Netanyahu, le ministre Stéphane Séjourné a été visiblement malaisé, avouant qu’il n’avait pas les chiffres à sa disposition. Un aveu qui cache une volonté nette de dissimulation, flagrante.
Alors qu’1,4 millions de Palestiniens sont parqués et massacrés à Rafah, l’embargo sur les armes est plus que jamais urgent. Son décret immédiat est gage de survie pour le peuple Palestinien. Macron va t-il enfin agir en ce sens, et fait honneur à notre pays et l’Humanité, ou continuera t-il dans l’inaction et la complicité ? La France peut agir, décréter l’embargo sur les armes, prendre des sanctions et reconnaître, enfin, l’Etat de Palestine.
Sylvain Noel, rédacteur en chef