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Grève des contrôleurs SNCF : les raisons de la colère

« Le travail est un devoir » a déclaré Gabriel Attal avant-hier à propos de la grève des contrôleurs SNCF. La formule du Premier ministre, oubliant la constitutionnalité du droit de grève, a lancé le coup d’envoi des refrains médiatiques de guerre sociale. Gérard Larcher a osé parler, hier matin, d’une « prise d’otage » contre laquelle il faut « prendre des dispositifs ». Les éditorialistes les dépeignent comme des « privilégiés », à deux doigts de les imaginer une Rolex à la main.

Les mêmes défendaient, il y a quelques semaines, les blocages sur les routes organisées par les agriculteurs et d’autres secteurs de la société luttant pour des revenus dignes : un comble. Pas d’ordre sans ordre économiquement juste, disaient-ils : « La même chose vaut pour les contrôleurs SNCF » a déclaré Mathilde Panot sur BFM TV ce matin, rappelant que la « grève permet des conquêtes sociales qui bénéficient à tous ».

Pourquoi les contrôleurs SNCF sont-ils en grève ? Tout d’abord pour exiger la présence de deux contrôleurs par train afin d’assurer la sécurité des passagers et la qualité du service. Ils revendiquent aussi une hausse de salaires, et non des primes, lesquelles ne sont pas comptabilisées dans le calcul des droits à la retraite. Comme les agriculteurs, les taxis, les agents EDF et de nombreux salariés, les contrôleurs SNCF se mobilisent pour vivre dignement de leur travail et luttent pour sauvegarder un service public rongé par la libéralisation du rail qui mène à la privatisation. Retour sur les raisons de la colère des contrôleurs. Notre brève.

Grève des contrôleurs SNCF : tout est bon pour casser la mobilisation

Les contrôleurs exigent la présence de deux contrôleurs par train, c’est-à-dire le minimum pour assurer la qualité du service, mais aussi la sécurité. C’était un engagement de la direction suite à la mobilisation de décembre de 2022 qui n’est aujourd’hui pas tenu. Trop souvent, il n’y a qu’un contrôleur dans le train, quand même sur les nombreuses lignes de TER, il n’y en a plus du tout. Ils demandent également des augmentations de salaires pour tenir compte de l’inflation et de la pénibilité propre à leur métier.

Depuis quelques jours, le cheminot bashing revient comme un leitmotiv. Non, un cheminot, un contrôleur ne sont pas des privilégiés. Non, « Travailler [n’est pas] un devoir » comme l’invoque le Premier ministre Gabriel Attal. Pour transporter les usagers à destination, les cheminots travaillent en horaires décalés et sont obligés de dormir loin de chez eux fréquemment. Un contrôleur n’est pas juste la personne qui vérifie un billet de train, c’est un agent assermenté qui assure la sécurité et la sureté à bord du train.

Pour aller plus loin : Fret : Bruxelles oblige la SNCF à supprimer 500 emplois et abandonner 30% du trafic.

Un contrôleur gagne au maximum 2500 euros par mois, primes comprises. Dans le même temps, le PDG de la SNCF est au plafond de sa rémunération avec 37 500 euros par mois, soit 15 fois plus qu’un contrôleur.

La direction de la SNCF se félicite des bénéfices records de 2,4 milliards pour l’année 2022. Son PDG, Jean-Pierre Farandou, se targue même dans les médias que SNCF se situe à la 15ᵉ place des entreprises du CAC40. Une situation financière qui permet largement d’augmenter les salaires et d’améliorer les conditions de travail de ses agents, garants d’une meilleure qualité de service à l’usager.

Il est bon de rappeler qu’il n’y pas de moment idéal pour faire grève. La grève est un rapport de force entre le patronat et les salariés quand les négociations n’ont pas abouti. Si réellement, la direction de la SNCF tenait à ce que les trains du 16-17 et 18 février en ce week-end des vacances de février circulent, elle n’avait tout simplement qu’à respecter ses engagements et à ne pas bloquer le dialogue social. La responsabilité revient donc à la direction de la SNCF et non aux contrôleurs qui se battent pour leur droit, mais aussi pour la qualité rendue à l’usager quand nous prenons le train.

Une grève pour défendre un service public saccagé par les réformes néolibérales

Un exemple de ces réformes est celle de la SNCF en 2018. Elle se résume en trois axes principaux : fin du statut de cheminot pour les nouvelles embauches (qui comporte de nombreux avantages sociaux pour un métier très dur physiquement, qui se retrouve alors précarisé) ; la SNCF devient une société anonyme à capitaux publics, sa logique n’est plus celle d’un service public, mais celle d’une entreprise qui cherche avant tout le profit. Enfin, la réforme de 2018 prévoit l’ouverture des lignes régionales (TER…) à la concurrence en 2019 et en 2020 pour les TGV.

Dans la foulée, plusieurs régions se sont empressées d’ouvrir leurs TER à la concurrence : Auvergne-Rhône-Alpes, Pays de la Loire… le tout en faisant passer cela comme une avancée et un progrès, quitte à revoir leurs ambitions à la baisse par la suite. C’est le cas de la Présidente de région Bourgogne-Franche-Comté (PS) qui ne manque pas de se mettre à dos les cheminots par la même occasion.

Sur la gestion du réseau ferroviaire en général, et sur le fret en particulier, c’est en réalité une même vision technocratique qui est partagée, par les gouvernements successifs, les directions de la SNCF, les exécutifs régionaux, mais aussi la Commission européenne. Tous déploient de nombreux moyens pour détricoter la SNCF. Ses concurrents bénéficient d’une ristourne sur les péages les trois premières années et la SNCF Voyageurs verse 60 % de ses bénéfices pour financer l’entretien du réseau, contrairement à ses concurrents.

Le dogme de la « concurrence libre et non faussée » appliqué à la SNCF et notamment au fret ferroviaire en 2006 a produit des ravages. La part du rail dans le transport de marchandises a été divisée par deux entre 2006 et 2019. Emmanuel Macron et les néolibéraux de la commission européenne continuent malgré tout d’organiser le sabotage constant du Fret pour le liquider durablement. Un « scandale écologique et social » ont dénoncé syndicats (dont la CGT et la Confédération paysanne), usagers et organisations politiques (dont LFI) en mai dernier. Dans une tribune, ils ont appelé à « sauver le fret ferroviaire » en créant un « grand service public unifié ».

Groupe thématique Transports LFI

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