« Ça va les bougnoules ? » : cette phrase vous choque ? Ce n’est pas le cas, semble-t-il, de l’ensemble du monde de rugby. Le rugbyman Bastien Chalureau, auteur de cette phrase, va jouer au sein de notre équipe nationale lors de la Coupe du monde. En 2020, le joueur est condamné par le tribunal correctionnel de Toulouse à six mois de prison avec sursis pour des « faits de violence avec la circonstance que ces derniers ont été commis en raison de la race ou de l’ethnie de la victime ». Bastien Chalureau a fait appel de cette décision.
Aucune demande d’exclusion n’a été formulée par la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, ou par la Fédération Française de rugby. « En même temps », rien n’est prévu lors de la coupe du monde de rugby pour rendre hommage à Federico Martin Aramburù, lâchement assassiné par des militants d’extrême droite en 2022. Deux poids, deux mesures. Dans une lettre publiée ce matin, les députés insoumis Thomas Portes et François Piquemal interpellent la ministre des Sports sur ces sujets, et plus largement sur la banalisation du racisme lors des matchs de rugby. À part le ballon, qu’est-ce qui ne tourne pas rond dans le rugby français ? Notre article.
Rugby : condamné pour violences racistes, Bastien Chalureau est titulaire dans l’équipe de France
En 2020, Bastien Chalureau est condamné par le tribunal correctionnel de Toulouse à six mois de prison avec sursis. La raison ? Des « faits de violence avec la circonstance que ces derniers ont été commis en raison de la race ou de l’ethnie de la victime ». Les faits présumés se seraient déroulés la même année, à Toulouse. Ils sont rapportés par deux rugbymens, Yannick Larguet et Nassim Arif. Dans La Dépêche du midi, le premier raconte.
« On allait descendre dans le parking Jean-Jaurès. J’ai entendu une personne qui criait : « Ça va les bougnoules ? » Je me suis retourné et j’ai aperçu un gars costaud qui traversait les allées Jean-Jaurès avec un copain. J’ai demandé s’il s’adressait à moi. Il continuait sans cesse ses insultes racistes. J’ai voulu me retourner et il m’a décroché un coup de poing de toutes ses forces dans la mâchoire. J’ai reculé, j’étais dans le brouillard. Pendant ce temps-là, il a frappé mon copain. Il était hystérique, enragé. Je ne savais pas qui m’avait agressé mais ses amis l’appelaient Chalu. Je l’ai reconnu sur le site internet du Stade Toulousain. »
Le témoignage est accablant. Le joueur mis en cause a fait appel de la décision de justice. Le verdict est attendu en novembre 2023. La ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, marche sur un fil. Elle ne demande pas l’exclusion de Bastien Chalureau et « en même temps » elle affirme « qu’être sélectionné en équipe de France, c’est représenter les valeurs républicaines d’égalité et de fraternité, donc se comporter en conséquence et notamment (HuffingtonPost). Bref, elle dit tout et son contraire.
Un crachat à la mémoire du rugbyman Federico Martin Aramburù, assassiné par des militants d’extrême droite
Federico Martin Aramburù : ce nom vous dit quelque chose ? C’était un rygbyman argentin. Vendredi 19 mars 2022, dans la nuit, il est tué par plusieurs coups de feu en pleine rue de Paris. Le suspect principal ? Loïk Le Priol, mis en examen pour « assassinat et détention d’armes » dans ce dossier. Celui-ci gravite dans des réseaux proches de Marine Le Pen. Il a déjà un lourd passif d’ultraviolent néofafsciste. Ancien leader du Groupe Union Défense (GUD), milice d’extrême-droite centrale de la fachosphère, il participe à la torture et au tabassage d’un ex-leader du GUD avec d’autres militants nationalistes en 2015 (lire la glaçante enquête de Médiapart).
Pour aller plus loin : Rugbyman tué à Paris : un proche de Marine Le Pen, principal suspect
Le 18 avril 2022, plus de 300 personnalités du monde du rugby signent une tribune dans L’Équipe, intitulée « Federico Martin Aramburù, mort parce qu’il a défendu ses valeurs ». Les termes sont dits. La tribune dénonce clairement un assassinat lié à une « idéologie d’extrême droite ». À l’époque, du côté du camp présidentiel, le silence est « assourdissant » (Le Parisien)
Dans leur lettre, les députés insoumis Thomas Portes et François Piquemal demandent à la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, la tenue d’une minute de silence pour rendre hommage à Federico Martin Aramburù. Ce serait la moindre des choses. Toujours pas de réponse à l’heure où nous écrivons.