Mélenchon

Procès WaffenKraft – « Un fusil pour abattre Mélenchon en plein meeting » : les révélations glaçantes de l’idéologue du groupe néonazi

Mardi 27 juin 2023, le projet d’assassinat de Jean-Luc Mélenchon revient au procès WaffenKraft lors de l’interrogatoire de « Confucius », pseudo de Évandre A. Pendant l’audience, le cerveau du groupe néonazi fait de glaçantes révélations. « C’était d’un niveau de précision opérationnelle que je n’avais pas vu jusqu’alors » ; « Alexandre (le leader du groupe, ndlr) a dit qu’il voulait se rendre à un meeting avec une voiture, s’armer d’un fusil de précision, faire dépasser juste ce qu’il fallait le canon par le coffre et abattre [Jean-Luc Mélenchon] en plein discours » ; «  le niveau de précision m’a fait dire qu’il pouvait passer à l’acte » ; « il voulait mourir pour la cause, qu’on parle de lui », « on avait les dates de meeting »…

Pour ce quatrième épisode de notre récit du premier procès aux assises pour terrorisme d’extrême droite en France, accrochez-vous. « Confucius » est le plus âgé des quatre accusés. Il est présenté comme « le plus réfléchi », « l’idéologue », « le cerveau ». Entre déni argumenté de la violence d’extrême droite, jusqu’au négationnisme le plus complet, admiration de F. Fillon, A. Soral et A. Hitler, affirmation des fondements scientifiques, biologiques, de l’incompatibilité entre les races et réflexion tactique sur la meilleure manière de libérer la France de la « mainmise du gouvernement sioniste d’Israël » selon ses mots, et de protéger la race blanche des dégâts inévitables du mélange des races, bienvenue le monde glaçant de Evandre A. alias « Confucius » au sein du groupe WaffenKraft.

Alors que la menace du terrorisme d’extrême droite, celle des tueries de masse, grandit, l’insoumission.fr vous raconte le récit d’un procès déterminant pour essayer de comprendre et de protéger le pays. Récit.

La stratégie de dédiabolisation peut-elle s’appliquer au nazisme ? 

Evandre A. alias « Confucius », est décrit comme « l’idéologue » du groupe « WaffenKraft ». Lorsqu’il s’avance à la barre, l’essentiel de l’interrogatoire tourne donc autour de l’idéologie national-socialiste dont il assume « faire la propagande ». Tout l’enjeu est de déterminer le rôle que peut avoir cette idéologie pour favoriser la constitution du « groupement ou de l’entente en vue de la préparation d’un ou plusieurs actes terroristes », pour paraphraser le code pénal

Dans la majorité de ses réponses, l’idéologue tient une ligne bien connue de l’extrême droite : la dédiabolisation. 

Dès la première question du président, « Confucius » présente WaffenKraft comme « un groupe de discussion, pour moi c’était des blagues ». Des blagues, qu’il « ne prenait pas au sérieux ». Ce sera sa réponse dès que la cour reviendra sur les propos échangés notamment avec « Siel » (lire notre portrait). Celui-ci le consulte pour « l’acquisition de deux gros semis » (fusils semi-automatiques, ndlr). Confucius assure qu’il n’est « pas sérieux ». « Siel » lui écrit qu’il est « chaud pour une série de films » (nom de code pour attentat, ndlr). Le maître à penser du groupe n’y voit « qu’un jeu ». 

Le président ira même jusqu’à lui poser la question frontalement : « Comment être nazi par blague ? Dans votre idéologie, le monde s’écroule, la race blanche est menacée, comment pouvez-vous prétendre que vous parlez avec légèreté ? ». « Confucius » garde sa ligne : « quand on a une vie difficile, on a un sentiment d’impuissance, alors ce groupe Discord sert de défouloir » pour nos « fantasmes ». Puis, celui-ci achève avec cette phrase glaçante : « Je savais qu’on était trop peu nombreux ». Des blagues, uniquement parce qu’ils n’ont pas la force de les mettre en application ? La dédiabolisation finit par révéler ce qu’elle est en réalité : une façade.

Après l’humour, vient la deuxième technique de dissimulation : le complot. « Confucius » assume qu’il était un admirateur du régime d’Adolf Hitler. Il avait une croix gammée dans sa chambre. L’idéologue explique qu’il appréciait « l’esthétique du régime nazi », mais qu’il n’a aucun attrait pour la violence physique. En quelque sorte, il tente d’expliquer à la cour qu’il est une sorte de nazi non-violent. Comment un rapprochement entre deux termes aussi antagonistes est-il possible, de la part d’une personne qui ne paraît pas totalement dénuée de réflexion ? La réponse tient en un mot : le négationnisme intégral. 

L’idéologue de WaffenKraft a même commencé à écrire un livre pour « mitiger le dossier de la seconde guerre mondiale parce que le principal obstacle à l’adhésion au nazisme, ce sont les crimes commis pendant cette période ». La Shoah d’ailleurs, Confucius n’y croit pas à ce moment, tout comme l’essentiel des atrocités commises par le régime hitlérien. Alors, il commence à écrire La seconde guerre mondiale vue par les hitlériens

Tordre l’Histoire, une discipline dans laquelle Eric Zemmour s’illustre régulièrement. Monter des contre-récits, qu’importent les sources et la rigueur de la méthode, pour pouvoir ensuite prétendre que tout est relatif, une question de points de vue, il y a différentes versions. La combine est bien connue.

« Le racisme ne me semble pas incompatible avec notre République »

Dernière technique de la dédiabolisation : l’inclusion dans un camp idéologique plus large, notamment, après que le président de la cour ait questionné « Confucius » sur la centralité du racisme dans son engagement pour le nazisme. Le magistrat cherche à comprendre quelles sont les implications pour lui d’une telle idéologie. Il formule ainsi sa question : « vous expliquez que vous avez peur d’une guerre civile car selon vous les différentes races ne peuvent pas cohabiter pacifiquement. Est-ce que cette peur de la guerre civile pourrait justifier des attaques terroristes ? Est-ce que le nazisme n’est pas fondamentalement incompatible avec la République ? »

À cela, l’idéologue donne cette réponse lapidaire : « Le racisme ne me semble pas incompatible avec notre République, par exemple lorsque François Fillon propose des quotas d’immigration par pays, cela me paraît une solution satisfaisante »  

Cette inclusion dans le champ républicain en s’appuyant sur des propositions politiques proches est une technique largement utilisée par Jean-Marie Le Pen avant qu’il ne se lance dans la surenchère négationniste. Le fondateur du Front National se présentait alors comme le représentant de la droite nationale. Ensuite, lorsque Marine Le Pen arrivera à la tête du parti, la dédiabolisation sera sa stratégie politique centrale. 

Pour terminer cette partie sur la technique de dédiabolisation, notons que ce procès a permis de faire voler largement en éclats cette brume. Notamment, lorsque « Siel » demande conseil à Confucius sur des ouvrages de propagande pour « les normistes » (toutes les personnes qui ne sont pas nazies) vers leur idéologie et leur groupe. L’idéologue explique ; « il vaut mieux donner en premier un roman comme Les Carnets de Turner plutôt que Siège qui est un manuel de terrorisme car ce serait mettre la charrue avant les boeufs ». Après cela, Confucius aura bien plus de mal à expliquer qu’il n’a aucun intérêt pour la charrue.

Enfin, après la réunion de Tours, où le groupe néonazi s’était retrouvé dans la vraie vie cette fois, « Confucius » explique à « Siel » qu’il ne peut pas aller plus loin, à savoir organiser des attentats : « Je suis un prêtre, toi un guerrier, je ne peux pas me permettre mais je comprends la nécessité de l’action violente. » Après la lecture de ces échanges, sa défense commence à se fissurer et « Confucius » commence à admettre que ses conseils de lecture, la construction idéologique qu’il a diffusée au sein du groupe « WaffenKraft » a contribué à justifier la nécessité d’organiser des attentats.

Pour aller plus loin : Récit du procès WaffenKraft – « Faire au moins 50 morts, faire pire que le Bataclan » : Alexandre Gilet, la menace terroriste d’extrême droite

La difficile problématique de la déradicalisation

Tout au long de son interrogatoire, Confucius affirme qu’il est en voie de « déradicalisation », le mot est de lui (soufflé par son avocate ?). Celui-ci maintient tout du long sa thèse selon laquelle on peut être nazi sans être partisan de la violence physique contre les personnes. Cependant, il explique avoir pris conscience de la violence psychique qu’exerce une telle idéologie et qu’il « se voilait la face » quant à l’interpénétration étroite entre terrorisme, déchainement de violence contre les personnes et l’idéologie d’ultra droite, a fortiori le nazisme. « Je me convainquais moi-même que l’idéologie n’était pas dangereuse mais quand on y réfléchit, on admet qu’il y a une dangerosité du national-socialisme », reconnaît-il.

Une telle affirmation ne lui coûte pas grand-chose, pensez-vous peut-être en lisant ces lignes. Il s’agit d’un procès : son objectif est principalement d’éviter la prison. Il nous apparaît tout de même intéressant de retranscrire ses propos, afin de pouvoir exercer un esprit critique éclairé, afin de pouvoir alerter et lutter plus efficacement contre la résurgence de l’idéologie national-socialiste et sa structuration en mouvement politique agissant.

Concernant la Shoah, il soutient qu’il a « changé d’avis en lisant Si c’est un homme de Primo Levi ». À ce stade de son auto-déclaré processus de déradicalisation, tout ce que Confucius est capable de reconnaître, c’est : « aujourd’hui, je suis prêt à admettre qu’il y ait pu avoir des persécutions ». Une phrase qui, comme le rappelle l’avocate de la Licra, reste une minimisation des crimes commis par les Nazis, donc du négationnisme. 

Dans un questionnaire façonné par Confucius afin de trier les membres qui pourraient accéder au groupe « WaffenKraft », on trouve une question sur les personnes LGBT. Interrogé par le Président de la cour sur la réponse attendue afin d’avoir « la meilleure note possible », l’accusé répond qu’il fallait pointer « le problème de différence entre la biologie et le comportement », dire que c’est « une maladie à soigner ». Puis, tentant de revenir à sa ligne de défense, l’idéologue déclare « à ce moment-là, on voit ça comme une vérité scientifique, c’est triste mais c’est comme ça ».

« La droite américaine présente le racisme non comme une idéologie mais comme une science et ce qui fait que j’ai plus de mal à me déradicaliser »

Voilà tout le problème, des dires de « Confucius » lui-même : « la droite américaine présente le racisme non comme une idéologie mais comme une science et ce qui fait que j’ai plus de mal à me déradicaliser ». Nous n’en sommes alors qu’au début de son interrogatoire et cette petite phrase va résonner tout au long des près de quatre heures de questions-réponses. 

Comme une désagréable impression que la personne qui nous tourne le dos pour s’adresser à la cour n’est vraiment pas convaincue par cette nouvelle conception qu’il s’impose de défendre pour éviter la prison. Pendant des années, après avoir découvert l’antisémite Alain Soral, « Confucius » s’est plongé dans cette idéologie, qui prétend démontrer scientifiquement que l’humanité est divisée entre des races biologiques, génétiques et que dans ce code génétique est inscrit des manières de penser et d’agir. Il s’en est nourri, jusqu’à en devenir un idéologue, un propagandiste, traducteur et même auteur de deux ouvrages. 

Peut-on réellement ressortir complètement de ce mode de pensée ? La science a toujours du mal à démontrer que quelque chose n’existe pas. Elle n’est donc pas bien outillée pour  démonter les affirmations d’une pseudo-science qui ne cherche qu’à appuyer ses lubies en tordant allégrement le bras à la méthode scientifique. Est-il possible de se déradicaliser ? Quels sont les chemins, les structures, les méthodes pour y parvenir ? C’est une question majeure pour notre société à l’heure où la France est confrontée en même temps à la montée du terrorisme d’extrême droite et du djihadisme. 

Il faut trouver des méthodes d’évaluation de la radicalisation et des parcours de déradicalisation. Même le leader du groupe néo-nazi, Alexandre Gilet finira, comme la plupart des terroristes djihadistes, par sortir de prison. Que ferons-nous de ces individus à leur sortie de prison ? Pour éviter qu’ils ne ressortent encore plus dangereux qu’ils ne sont rentrés, c’est dès maintenant qu’il faut se poser la question.

« Confucius » a été condamné à cinq ans d’emprisonnement dont deux ferme.