Marseille
Quartier Plan d'Aou, 17 juin 2018, Marche Blanche pour Engin Günes

17 personnes tuées depuis le début de l’année : Marseille compte ses morts

Marseille. Depuis le début de l’année, 17 personnes ont été assassinées dans la cité phocéenne. Des attaques à armes lourdes, sur fond de trafic de drogues. Lundi 24 avril 2023, un homme de 63 ans a été tué dans une fusillade, dans une cité des Quartiers nord de la ville. Les habitants n’en peuvent plus. Ils se sentent abandonnés par la République. Face à une telle situation, la répression n’a jamais démontré son efficacité. Prévention, éducation, logement, lien social, relation entre la population et la police : les chantiers sont immenses. Ensemble, Marseillais et Marseillaises résistent et travaillent à un grand « plan marseillais ». Notre article.

La ville de Marseille en deuil

17 personnes ont été tuées à Marseille depuis le début de l’année. Les attaques se font avec armes lourdes, sur fond de trafic de drogues. Certains tirent dans le tas en journée comme en soirée. Dimanche 23 avril 2023, un jeune homme de 19 ans a été tué d’une balle dans la tête, dans la cité du Mail à Marseille. Lundi soir, un homme de 63 ans a été tué dans une fusillade dans une cité des Quartiers nord de la ville.

Les habitants n’en peuvent plus. Ils sont terrorisés. Certains parlent de « zones de guerre ». D’autres se sont même imposés un couvre-feu et vivent emprisonnés chez eux. De nombreux parents ne veulent plus laisser leurs enfants dehors de peur des balles perdues. Depuis la crise du Covid-19, nous savons quels sont les dégâts de tels confinements sur la santé mentale.

Une jeunesse gâchée, des familles endeuillées, une perspective d’avenir morte. Les Marseillais et Marseillaises s’organisent. Ils interpellent les pouvoirs publics qui ont le devoir de restaurer la paix et la confiance dans tous les quartiers de France.

Ils agissent grâce à diverses associations et collectifs organisant des réunions publiques aux 4 coins de la ville pour parler de la situation avec tous les acteurs concernés : habitants, familles endeuillées, jeunes, juges, travailleurs sociaux, professeurs, policiers, élus locaux, etc. Quand le Mail perd un enfant, c’est Marseille, c’est la France qui est touchée. Tout le monde doit s’en mêler ! Un seul mot d’ordre revient de ces différentes initiatives : ensemble !

Pour aller plus loin : 14 assassinats à Marseille : l’État doit garantir la sûreté publique dans nos quartiers

Ensemble vers la voie de la désistance

Pour enrayer les violences, il faut mettre K.O. les précarités du quotidien. Quand on se rend dans les différentes réunions, ce qui revient le plus souvent est la prévention : le rôle de l’école, des activités extra-scolaires, et de perspectives d’avenir (emploi, logement..). Aucun enfant ne rêve de devenir dealeur. Dans une cité qui compte 6 000 habitants, combien de talents gâchés, combien de rêves brisés ? Ils sont les abandonnés des pouvoirs publics, de la République. Ils sont ceux qu’on stigmatise de maux dont ils souffrent les premiers.

C’est par ce manque de perspectives d’avenir, par ces précarités multiples (économique, sociale, culturelle) que les jeunes peuvent plus facilement être recrutés par le réseau de drogues se trouvant en bas de chez eux. L’appel de l’argent « pas » facile, celui de l’argent qui peut conduire au cimetière. L’argent pour vivre, survivre et mourir.

Les solutions des habitants sont dans les mesures de prévention qui sont nombreuses et qui doivent ouvrir la voie vers la désistance (Processus par lequel l’auteur d’une infraction sort de la délinquance ou de la criminalité, par opposition à récidive, ndlr). Ils prônent une politique globale de retour de l’égalité républicaine de tous les quartiers de France. Il s’agit de mesures urgentes de sûreté bien évidemment, mais aussi des mesures éducatives et sociales.

Quand on écoute de près les réunions, on y entend de près le souhait de restauration de la police de proximité, celle que l’ancien président Nicolas Sarkozy a supprimée. Le rôle social de cette dernière est beaucoup soulevé. Les habitants veulent abattre le mur de la méfiance réciproque entre la police et la population qui se sent comme un ennemi de l’intérieur par les stigmatisations systémiques et autres violences subies.

Les habitants de Marseille sont dans une volonté d’agir avec toutes les instances policières, judiciaires, sociales et politiques en fonction des réalités de terrain. Les réponses qui visent la surenchère en répression n’ont démontré aucune efficacité jusqu’à présent, bien au contraire. Une problématique qui doit être traitée de façon globale et coordonnée avec tous les acteurs de la société : voilà ce que demandent les habitants.

Un « Plan Marseillais », par des marseillais et marseillaises  ?

Voilà un grand problème qui doit trouver une réponse à la hauteur. Des armes de guerre sont en libre circulation. Ce sont elles qui tuent. Il y a un véritable déni à ce sujet. De ces territoires sont majoritairement issus cette population immigrée qui a aidé la France quand elle en avait besoin. Leurs parents nous ont sauvés, sauvons leurs enfants et petits enfants. Ne fermons donc pas les yeux : le réveil a sonné !

L’Éducation nationale va aussi devoir revoir sa copie : la sélection et les cartes scolaires creusent les inégalités. Elle doit ainsi s’adapter à la situation discriminatoire que subissent ces élèves. Ce, afin de leur permettre de suivre une scolarité dans un cadre républicain serein et sécurisé.

Le temps du déni politique sur ces questions est révolu. Les instances publiques doivent lancer le « plan Marseillais » travaillé par les acteurs marseillais qui se mêlent de ces questions, les premiers concernés pour tous les quartiers de France. À Marseille, l’Etat a démissionné de ses fonctions de garant des droits les plus élémentaires, en se retirant progressivement de ces territoires par la suppression des subventions aux associations, suppression de la police de proximité, des services publics, des centres sociaux… Tous ces services qui engendraient par les moyens alloués, du lien social.

Sans surprise, selon des recherches scientifiques, avoir un emploi, un logement et des liens sociaux forts favorisent l’insertion et la réinsertion. Les chantiers sont immenses. Les mesures à prendre sont nombreuses. Elles doivent ouvrir la voie vers la désistance soit tout ce qui amène un homme, une femme à quitter la voie de la délinquance.

Par Katia Yakoubi, militante associative, travailleuse sociale et co-responsable du livret Quartiers Populaires de La France insoumise

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