Le 23 janvier 2023, le prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz lance un appel à taxer à 70 % de toute urgence les plus grandes fortunes de la planète. Le logiciel capitaliste bugge, on bégaie sur le plateau de BFM Business. Une prise de position qui révèle la malhonnêteté crasse d’un Bernard Arnault, premier assisté de la République, qui déclare au même moment que les gens qui critiquent l’accumulation sans fin « ne connaissent pas bien l’économie ». Notre article.
Bernard Arnault, l’homme le plus riche et le plus méprisant du monde
Le 26 janvier, Bernard Arnault règle ses comptes avec les partisans du partage des richesses. Selon lui, ces personnes « ne connaissent pas bien l’économie, donc on se fait critiquer par des gens qui ne connaissent pas bien le sujet dont ils parlent ». Dans le collimateur de l’homme le plus riche de la planète : Oxfam.
Pour aller plus loin : Vol au-dessus d’un nid de dividendes : Bernard Arnault, 1er assisté de la République
Le dernier rapport de l’ONG intitulé « la loi du plus riche », sorti le 15 janvier 2022, présentait des chiffres chocs. Depuis 2020, dix profiteurs de crise ont engrangé à eux seuls 189 milliards d’euros. De quoi payer 2 ans de factures de gaz, d’électricité et de carburant pour l’ensemble des Français. Bernard Arnault possède à lui tout seul autant de richesses que… 20 millions de Français. Forcément, cet homme n’acceptant la lumière que lorsqu’il maîtrise totalement le rendu final n’a pas du tout apprécié.
Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie, réclame d’urgence une taxe à 70% sur les plus hauts revenus
Mais Oxfam est-elle la seule cible du plus célèbre des assistés d’en haut ? Une autre personne s’est récemment prononcée en faveur d’une taxation des plus grandes fortunes. Il s’agit de Joseph Stiglitz. Le 23 janvier 2023, il propose de mettre en place un taux d’imposition mondial spécial de 70% sur les revenus les plus élevés et un impôt sur la fortune de 2 à 3 %. Cette fois, ça s’annonce plus compliqué pour les adeptes de la rhétorique « il n’y a pas d’alternative » que l’on pourrait expliciter ainsi : « Nous seuls sommes raisonnables et pragmatiques, ceux qui osent nous critiquer ne sont que des idéologues, des ignares, des irresponsables ». En effet, Joseph Stiglitz est économiste.
Et pas n’importe quel économiste. Il fut économiste en chef de la Banque mondiale, temple de la doctrine ultra-libérale, sérail des partisans de la concurrence sauvage et bastion des opposants aux systèmes de protections sociales. En 2000, il claque la porte de l’institution en dénonçant violemment une mondialisation ultra financiarisée ne profitant qu’aux États-Unis. L’année suivante, en 2001, ses travaux lui valent le prix décerné par la banque de Suède. Soit l’équivalent du prix Nobel en économie.
Panique à bord sur BFM Business
Alors forcément, sur BFM Business, ça panique. D’habitude, on ne s’embarrasse pas trop de fioriture. La dépense publique, c’est le mal, les impôts, c’est l’enfer, les services publics, c’est toujours en panne. L’argument ? L’économie est une science mathématique, c’est comme ça, ce sont les chiffres, c’est indiscutable, tous les auto-proclamés experts l’affirment.
Sauf que cette fois-ci, la supercherie vole en éclat. L’économie est une science sociale, qui dépend de choix politiques et éthiques. Oui, on peut être en même temps un chercheur en économie reconnu au niveau international et préférer le partage des richesses à l’accumulation sans fin du capital dans les mains d’une poignée de profiteurs.
La petite phrase méprisante de Bernard Arnault est-elle adressée à un prix Nobel d’économie ?
Ce n’est pas explicite dans sa déclaration. Cependant, la proposition de Joseph Stiglitz le vise pleinement : une taxation de 2% au-dessus de 50 millions d’actifs et 3% au-dessus d’un milliard. Avec 213 milliards de dollars, le patron de LVMH est clairement dans la cible du Nobel. Oui, M. Arnault, un grand chercheur en économie pense que votre fortune est un problème pour le progrès humain. Oui, ce n’est pas notre méconnaissance de l’économie qui fait de nous des partageux, bien au contraire. C’est votre aveuglement, votre mépris qui vous empêche de voir l’évidence : c’est de l’enfer des pauvres qu’est fait le paradis des riches.
Pour finir, rappelons qu’une taxation de 2% de la fortune des 42 personnes les plus riches de France (comme le préconise l’ONG Oxfam) permettrait de résoudre tout problème de financement du système de retraite, si jamais celui-ci existait réellement, ce qui reste largement à démontrer.
Par Ulysse