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Parlement de Suède, Wikimedia commons, HappyShare, CC BY-SA 3.0 DEED.

Au tour de la Suède : l’extrême-droite grignote le vieux continent

Suède. Bien que toutes les voies n’aient pas encore été comptées, il est maintenant presque certain que le parti d’extrême-droite suédois, Les Démocrates de Suède, parti fondé à la fin des années 1980 par des groupes néo-nazis, participe à un gouvernement de coalition avec les libéraux et chrétiens démocrates dans une alliance inédite. L’alliance des droites, phénomène qui semble devenir la norme partout en Europe. La Suède, jusqu’ici épargnée par la montée du fascisme et prétendument ouverte, connait à son tour un franchissement de seuil gravissime de l’extrême-droite dans les urnes, après des années de gouvernement sociaux-démocrates. L’ombre du fascisme grignote à nouveau le vieux continent. Notre article.

Partout en Europe, le barrage républicain contre l’extrême-droite s’effondre

Le gouvernement social-démocrate avait réussi à se maintenir quatre ans plus tôt, grâce au refus des libéraux de s’allier avec l’extrême-droite. Le barrage républicain s’est effondré en 2022 (tiens, tiens, ça vous rappelle un autre pays ?). L’heure est donc désormais à l’alliance des droites. Partout en Europe ce phénomène semble devenir la norme. La distinction entre droite républicaine et extrême-droite menaçant la République semble voler en éclat. C’est le cas en Italie où l’alliance entre Georgia Meloni, membre de Fratelli d’Italia, parti qui fût ouvertement néo-fasciste, et Silvio Berlusconi, semble en passe de gouverner le pays. En France, le parti présidentiel tend également la main à l’extrême-droite pour gouverner.

En Suède, la droite et l’extrême-droite ont fait campagne commune sur le nucléaire, l’immigration et la sécurité, thème de prédilection du parti d’extrême droite Les Démocrates de Suède. Des thèmes imposés à l’ensemble de l’échiquier politique. Longtemps le parti libéral et les chrétiens démocrates refusaient par principe l’alliance avec le parti d’extrême-droite. Et pour cause, en 1988, au moment de sa fondation, le parti d’extrême-droite suédois était ouvertement néonazi. Mais le parti de droite traditionnel compte sur une alliance avec l’extrême -droite pour arriver au pouvoir, alors le barrage républicain…

« Les juifs ne sont pas suédois » : une stratégie de dédiabolisation se fracassant sur le réel d’un parti fondé par des néo-nazis

Jimmie Akesson, arrivé à la tête du parti en 2005 avait l’ambition d’en faire un parti de Gouvernement, optant pour une politique de dédiabolisation, tout comme le Marine Le Pen avec le Front National en France ou Giorgia Meloni avec Fratelli d’Italia en Italie. Stratégie réussie pour la figure médiatique de l’extrême-droite suédoise.

Pourtant Les Démocrates de Suède reste bien un parti d’extrême-droite, ouvertement raciste. Affirmant, au calme : « les juifs ne sont pas suédois »,  ou encore : « l’islam est une  religion détestable ». Allant même jusqu’ à dire aux réfugiés afghan de rentrer chez eux..  « Bienvenue dans le train du retour. Vous avez un billet simple. Prochain arrêt : Kaboul ! ».

Une montée du discours xenophobe qui a gagné toute la classe politique. À l’image d’une campagne centrée sur l’insécurité et l’immigration avec une extrême-droite n’hésitant pas à instrumentaliser les fusillades entre bandes rivales qui se sont produites juste avant l’élection. 

C’est sur cette rhétorique sécuritaire que l’extrême droite a prospéré ces dernières années mettant au centre de sa propagande la ville de Malmö (ville natale de Zlatan Ibramovic, NDLR), dépeinte comme le Chicago suédois, où l’islam règnerait en maître. Les sociaux-démocrates sont tombés dans le piège tendu par l’extrême droite, à l’image de Magdalena Andersson, l’ex première ministre et candidate du parti social démocrate, dénonçant « trop d’immigration et pas assez d’intégration ».

Les sociaux-démocrates ont détruit les services publics suédois pour ensuite rejoindre de juteux cabinets de conseils, faisant le beurre de l’extrême-droite

Les sociaux démocrates ont échoué à mettre les inégalités sociales et la privatisation des services publics au centre de la campagne. Pourtant comme en France et partout en Europe, l’Hôpital public s’effondre sous les coups de boutoirs de la Commission européenne (63 demandes de réduction des budgets de santé des États Membres entre 2011 et 2018).

Nooshi Dadgostar candidate du Parti de gauche, anciennement parti communiste, a été la seule candidate à proposer une alternative au néolibéralisme, mettant au centre de sa campagne la renationalisation de la santé et le réchauffement climatique. Mais le parti de gauche ne décroche que 24 sièges au Parlement et les sociaux démocrates se refusent à une alliance qui les empêcherait de poursuivre librement leur politique néolibérale.

En effet, en 1994, les sociaux-démocrates ont pris le pouvoir aux libéraux pour mener la même politique de privatisation. On assiste par exemple à un étrange paradoxe : une école privée entièrement financée par l’Etat, rachetée pour des miettes par des oligarques qui s’enrichissent avec l’argent du contribuable. Le même modèle est instauré pour les services publics comme la santé. Des mairies vendant à bas prix sans le moindre appel d’offres les écoles où hôpitaux. Destruction criminelle des services publics suédois.

Tout cela a profité à une caste de politiques de gauche comme de droite qui ont ouvert des cabinets de conseil, ayant pour but la privatisation de la santé, la libéralisation de tous les secteurs. Bien souvent ces mêmes anciens politiques qui ont défendu la privatisation, font ensuite fortune dans les cabinets de conseil. Comme Ilija Batljan, ancien leader du parti social démocrate. Ce dernier a fait fortune avec une compagnie immobilière, en rachetant des écoles et des commissariats à des collectivités locales ruinées. La Suède a ainsi dégringolé au classement PISA. Et ainsi de suite.

Et cette casse du modèle sociale a profité à l’extrême-droite qui apparaît désormais comme un parti “anti-système”. Cette percée électorale, en plus du risque de son entrée au gouvernement, renforce les groupuscules néonazi qui sévissent en Suède. L’ombre du fascisme grignote à nouveau le vieux continent.

Par Anthony Monatte.