Antoine Villedieu est député de la 1ère circonscription de Haute-Saône. C’est avec 54% des suffrages exprimés qu’un policier d’extrême-droite a été propulsé au Palais Bourbon, moins de deux ans seulement après son arrivée au Rassemblement National (RN), après un passé politique hasardeux, voire opportuniste. Il ne s’agit pas de n’importe quelle prise pour le parti d’extrême droite : lors de l’élection présidentielle, Marine Le Pen avait recueilli en Haute-Saône 34% des suffrages au premier tour, et 57% au deuxième. Son quatrième meilleur score national. Double champion du monde de MMA, membre d’un syndicat policier à l’origine d’attentats racistes et de profanation de tombes juives, soutien de Génération Identitaire… L’insoumission vous dresse le portrait d’Antoine Villedieu.
Au second tour des élections législatives, le RN a percé le plafond de verre du Palais Bourbon. Le chef de l’État porte une très lourde responsabilité dans la crise qui s’ouvre : pendant 5 ans, la stratégie politique macroniste a consisté à faire monter l’extrême-droite. Macron a joué avec le feu, il s’est brûlé. Aujourd’hui le parti présidentiel tend la main à l’extrême-droite pour gouverner. Les 5 années qui s’ouvrent s’avèrent décisives si l’on veut empêcher l’extrême-droite de fracasser un autre plafond de verre en 2027.
Le RN a aujourd’hui près de 90 députés, il est temps de les démasquer. Cinquième épisode de notre série sur les 89 députés du RN. Portait d’Antoine Villedieu.
Et la veste fut (encore) retournée
Antoine Villedieu n’a pas attendu d’avoir sa carte au RN pour s’engager. Lors de sa carrière de MMA (Arts Martiaux Mixtes, sport de lutte, dont il est double champion du monde, ndlr), il était engagé dans le milieu associatif. Il reversait les bénéfices de ces combats à des associations d’enfants malades. Mais tout s’est accéléré en 2020. Entretemps devenu policier à Saint-Denis (93) puis à Besançon (25), il est élu conseiller municipal de Vesoul sur la liste de droite macron-compatible du maire sortant Alain Chrétien (à l’époque à Agir, aujourd’hui à Horizons). Avant de démissionner six jours après sa prise de fonction.
La raison ? Une mention ‘j’aime” sous un tweet de Julien Odoul, conseiller régional RN, aujourd’hui député de l’Yonne, étrillant le ministre de l’Intérieur de l’époque, Christophe Castaner. Au pied du mur, Antoine Villedieu a quitté son siège au conseil municipal en mai 2020…et a pris la tête du RN haut-saônois en juillet 2020 ! Le tout avec l’appui du même Julien Odoul, de son côté connu pour avoir humilié une mère voilée lors d’une sortie scolaire en 2019, s’être moqué du suicide d’un agriculteur en 2021, et également mis en examen dans une affaire d’emplois fictifs au RN. L’insoumission vous en a déjà dressé le portrait.
Un responsable qui ne fait pas l’unanimité
Ce revirement a été mal perçu, y compris au sein de la fédération haut-saônoise du RN. Beaucoup de militants d’extrême droite, dont le prédécesseur d’Antoine Villedieu, ont vu d’un mauvais œil la prise de fonction d’un « ambitieux », venu « de nulle part ». Plus un politicien « dans le mauvais sens du terme » qu’un militant de conviction (fût-il d’extrême-droite). D’aucuns auraient préféré que quelqu’un issu de la fédération en prenne les rênes, la défaite de Villedieu aux départementales de 2021 n’arrangeant pas son cas auprès de ses troupes.
Toutefois, le futur député s’est attelé à revitaliser sa fédération, dynamique savamment entretenue sur le terrain comme sur les réseaux sociaux, atteignant son apogée le 23 novembre 2021 lors de la visite de Marine Le Pen à la foire de la Sainte-Catherine de Vesoul, foire agricole au rayonnement régional. Les images de ce déplacement seront beaucoup exploitées par les équipes du parti d’extrême-droite pour sa campagne nationale. Ainsi Antoine Villedieu a été propulsé sur le devant de la scène frontiste.
Sous la surface, les soutiens ambigus d’Antoine Villedieu
Mais en-dessous de l’image propre de responsable local « respectable », du moins autant que peut l’être un homme caractérisé par son manque de conviction tel que lui, Antoine Villedieu et ses troupes entretiennent des relations et reçoivent des soutiens pour le moins équivoques. Dans l’entre-deux tours des législatives, Antoine Villedieu a été implicitement soutenu par le sénateur LR de la Haute-Saône et ancien ministre sarkozyste Alain Joyandet. « Cela ne pourra pas être pire que les cinq dernières années pour la Haute-Saône », a-t-il déclaré au sujet de ce qui était alors une hypothétique victoire de l’extrême-droite dans le département. La droite « républicaine » au sommet de sa forme…
Mais c’est aussi en tant que syndicaliste policier que l’engagement d’Antoine Villedieu pose question. En tant que porte-parole du FPIP (Fédération Professionnelle Indépendante de Police, scission d’Alliance), syndicat d’extrême-droite, le nouveau député ne peut pas en ignorer l’histoire.
Membre d’un syndicat policier à l’origine d’attentats racistes et de profanation de tombes juives
En 1988 plusieurs cadres du FPIP ont commis des attentats à Nice et Paris, d’autres ont profané des tombes juives à Carpentras en 1990, avant que le syndicat ne se rapproche du Front National dans les années 1990. En cessant les tueries et autres vandalismes antisémites, mais en gardant le même discours xénophobe, ultra-autoritaire. Certes, Antoine Villedieu n’était pas né lors de ces attentats, mais son adhésion et ses responsabilités au sein de ce syndicat posent question : on peut y voir une attirance pour les organisations au passé violent, et ce n’est pas tout.
La fédération haut-saônoise du RN, reprise en main par Antoine Villedieu, a multiplié les soutiens pouvant laisser circonspect. Sur les réseaux sociaux, on peut relever des mentions “j’aime” sous une publication Facebook du compte officiel de la fédération par Paul-Arnaut Croissant. Ce dernier est fondateur du Front Comtois, groupuscule ouvertement antisémite, xénophobe, anti-IVG, dissous en 2011, ou encore de Pierre Pheulpin du Parti de la France, scission de l’ex-FN, nostalgique de Pétain et soutien d’Éric Zemmour en 2022.
Soutien affiché de Génération Identitaire
De même aux élections départementales de 2021, Antoine Villedieu a soutenu et validé la candidature de Brice Malagoli. Bien que cela soit en théorie interdit par les statuts du RN. Pourquoi ? Parce que depuis 2019, Brice Malagoli est membre du violent groupuscule Génération Identitaire (GI) et a été, de janvier 2020 à mars 2021 (date de la dissolution de GI), responsable de Génération Identitaire en Franche-Comté. Ainsi pendant deux ans, Malagoli a multiplié les allées et venues entre GI et le RN, avant de rejoindre Reconquête ! D’Eric Zemmour en 2022.
Ainsi malgré la position officielle du parti lepéniste, Antoine Villedieu semble passer outre l’interdiction de lien avec GI en avalisant la candidature de l’activiste identitaire, posant même avec lui pour les réseaux sociaux. Ce genre de connexions ne gêne pas Antoine Villedieu. Lors de la campagne présidentielle de 2022, ce dernier s’est rendu en Italie visiter la xénophobe et anti-sociale Ligue du Nord de Matteo Salvini.
Ainsi le jeune député s’inscrit dans la lignée de l’extrême droite comtoise, où le RN entretient des liens étroits avec les groupuscules les plus violents, et où la dédiabolisation voulue par Marine le Pen a du mal à cacher la perméabilité de son parti avec ces groupes. Voilà à qui nous avons à faire. Devant l’alliance LREM & RN, l’alliance capital-fasciste qui s’est confirmée sous nos yeux ébahis depuis bientôt deux semaines, il est venu le temps de la riposte antifasciste.
Par Alexis Poyard