Emmanuel Macron rêve-t-il d’un parti unique ? Étrange conception de la démocratie. En lieu et place du débat public, le roi des castors de l’élection présidentielle s’échine à faire avaler une absurde équivalence entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen sous le qualificatif d’anti-républicain.
Tout cela après avoir quémandé le soutien du premier pour battre la deuxième il y a moins de deux mois. Il fallait oser. Le macronisme jette son ombre autoritaire sur le pays des Lumières. « L’État, c’est moi » disait Louis XIV, parangon de la monarchie absolue, ce régime autoritaire balayé par la Grande Révolution de 1789 et remplacé par la 1ère République. Jupiter aspire-t-il à être sacré Roi Soleil ? Notre article.
Mélenchon : « Son bateau coule, Macron prend l’avion »
Le Président patauge, son parti chavire. En macronie, personne ne sait plus quoi dire pour éviter la déroute annoncée au second tour des élections législatives ce dimanche. Piégé par un agenda dont il a perdu la maitrise, Emmanuel Macron est dans l’impossibilité de faire campagne. Persuadé que les élections législatives ne seraient qu’une formalité administrative (dans ce cas, à quoi bon organiser des élections ?), il a prévu de longue date un voyage dans l’Est de l’Europe entre les deux tours. Seulement voilà, les mauvais plaisants de la NUPES sont venus jouer les trouble-fêtes. Au soir du premier tour, tous les analystes tombent d’accord : le parti présidentiel a très peu de chances d’obtenir la majorité absolue.
Celle-ci est pourtant nécessaire aux macronistes pour reprendre leur rôle confortable de députés playmobils, qui lèvent le bras en rythme à chaque caprice élyséen. Deux possibilités sont sur la table. Soit une majorité relative pour le monarque présidentiel, qui devrait négocier avec Les Républicains (LR) pour le moindre vote. Ce qui provoquerait un blocage institutionnel dès qu’un élu du parti d’Éric Ciotti trouverait une loi pas assez dure avec les pauvres, les immigrés ou les musulmans. Soit les jeunes et les classes populaires se mobilisent massivement pour décider de leur futur. Alors adviendrait une majorité absolue pour la NUPES. Jean-Luc Mélenchon serait propulsé Premier ministre dès lundi prochain.
Panique en macronie : il faut contre-attaquer. Mais où ? Et quand ? Sur les cinq jours de campagne de second tour, le chef de l’État doit en passer trois aux frontières et dans un pays en guerre. Un endroit où il serait plus que douteux de délaisser les mots de soutien à un État dont les frontières ont été violées pour se concentrer sur des petits phrases destinées à mobiliser son électorat.
Sur le tarmac, Macron laisse tente de sauver ce qui peut l’être
Si la forme n’est pas réjouissante, le fond est inquiétant. Cela aurait pu commencer comme un discours salvateur pour notre démocratie : « Nous sommes à l’heure des choix et les grands choix ne se font jamais par l’abstention ». Jusque-là, pas de problème. En démocratie, l’élection permet de trancher le choix du peuple. « J’en appelle donc à votre bons sens et au sursaut républicain ». Cela commence à sentir le soufre. Qu’est ce que le bon sens ? Où est l’argument politique ? Qu’est ce que serait alors le mauvais sens ?
On pourrait toujours se dire qu’Emmanuel Macron exhorte le peuple à un sursaut de participation au rituel républicain. Puis très vite, tout bascule. : « Ni abstention ni confusion mais clarification ! ». La funeste rhétorique : « Moi ou le chaos ! ». La justification centenaire à toutes les dérives autoritaires se met en place. Il faut voter, oui, mais bien voter. Tout autre choix que celui du parti au pouvoir mènerait au chaos.
L’alternance n’est plus un droit au peuple à choisis ses représentants mais constituerait un désordre
Soudain, c’est le drame : « Dimanche, aucune voix ne doit manquer à la République. ». Sortie de son contexte, cette petite phrase pourrait passer pour un simple appel à la participation au scrutin. À la rigueur, pour une invitation à un concert de gospel sur la grande place du même nom, à Paris.
Mais la phrase précédente ne laisse pas l’ombre d’un doute. Les voix qui manqueront à la République seront tous les bulletins qui ne soutiennent pas les candidates et candidats soigneusement choisis par le Président. Dès lors, Emmanuel Macron annihile consciencieusement le barrage républicain qui l’a pourtant permis de remporter l’élection présidentielle.
Comment demander à des électeurs de gauche, bannis du champ républicain, de se déplacer pour voter à droite, pour combattre l’extrême-droite ?
Des éditorialistes aussi peu soupçonnables d’accointances, ni même de sympathie pour Jean-Luc Mélenchon, comme Thomas Legrand, se retrouvent à rappeler que la gauche et l’extrême-droite, ce n’est pas pareil. Les ranger sous la même étiquette d’« anti-républicain » n’a pas de sens. La gauche, C’est Robespierre et Blum. L’extrême-droite, c’est Maurras et Vichy. La gauche, c’est les congés payés pour tous les travailleurs. L’extrême droite, c’est la xénophobie et la préférence nationale.
« Dimanche, je compte sur vous pour doter la France d’une majorité solide afin d’affronter tous les défis de l’époque et de bâtir l’espoir », nous assène le Président. Il semble oublier que le programme le plus plébiscité par les Français est celui de la NUPES. En conséquence, si une masse de Français décidait de se déplacer dans les bureaux de vote ce dimanche, la majorité solide qui sortirait du scrutin serait alors tout autre que celle dont rêve Emmanuel Macron. Réponse dans les urnes ce dimanche, et la semaine qui suivra.
Par Ulysse Kumer