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Marine Le Pen surestimée : historique d’une ivresse sondagière

Le vote Le Pen systématiquement « gonflé ». Jean-Luc Mélenchon s’est définitivement imposé cette semaine comme le prétendant au second tour à la troisième position, après une marche massive pour la 6e République ce dimanche, et ce aux dires de tous les grands médias. Pourtant, le vote Le Pen continue lui aussi d’augmenter dans des proportions qui, malgré la chute relative d’Eric Zemmour, étonnent. Retour sur ce désormais traditionnel vote “gonflé” du Rassemblement National observé d’élection en élection depuis cinq ans. Notre article.

Le vote Le Pen « gonflé » systématiquement

Marine Le Pen qui n’était encore il y a quelques semaines qu’à 16 ou 17% recommence à pointer à 20% dans certains sondages à un mois du premier tour. Voilà assez pour que certains reprennent le discours défaitiste sur une impossible victoire malgré l’incontestable dynamique Mélenchon permettant à l’Union Populaire de pouvoir sérieusement envisager une place au second tour. Cependant, il s’agirait aussi d’observer de plus près la tendance croissante des dernières années des sondeurs à systématiquement exagérer les scores du Rassemblement National avant les élections, avec plus ou moins de zèle, pour qu’à chaque fois le parti fasse systématiquement moins qu’annoncé, et souvent beaucoup moins.

RN le vote gonfle
Le vote RN et Marine Le Pen systématiquement surestimé

Penchons-nous sur les scores annoncés un mois avant, c’est-à-dire peu ou prou la même période qui nous sépare aujourd’hui du premier tour, à l’élection présidentielle de 2017.

Marine Le Pen est donnée pendant toute la durée de la campagne en moyenne à 24% des intentions de vote, première candidate, annoncée jusqu’à 26% un mois avant l’élection : elle finira deuxième, 3 points derrière Macron et à peine au-dessus de 21%. 5 points de moins !

Couvert remis au second tour passant d’une moyenne de 40% des intentions de vote à 34% réels. 6 points de moins ! Les sondeurs ne se l’expliquent apparemment pas, et les médias sont trop occupés par la victoire d’Emmanuel Macron.

Puis viennent les législatives : annoncée autour de 20%, annoncée jusqu’à 22% un mois avant l’élection, devant représenter ainsi la deuxième force ex-aequo avec Les Républicains de l’Assemblée Nationale, c’est la dégringolade à 13%. Moins 9 points cette fois !

Ceci aurait pu rester une erreur de passage. Il n’en est rien, et les régionales de 2021 en ont été l’expérience la plus vertigineuse. Dégringolant de 7 points entre les 25% annoncés et les 18% faits, en supposée “position de force” dans cette élection, le parti d’extrême droite ne remportera… aucune région ! Et la chute est encore plus forte dans certaines régions comme l’Auvergne-Rhône-Alpes ou l’Occitanie où le parti perd respectivement 10 et 11 points entre les sondages et le scrutin.

Mais alors pourquoi une telle disparité, un tel écartèlement des sondages face à la réalité ? Il faut d’abord dire que l’effet de ces sondages ne sont pas anodins sur les campagnes : ils s’accompagnent régulièrement d’une frénésie médiatique pour faire du duo terrible Macron-Le Pen, dont 80% des Français ne veulent pas, l’issue apparemment inexorable de toute élection, tentant de casser ainsi l’espoir de voir un candidat gagner pour changer la vie, et stimulant toujours plus les groupuscules d’extrême-droite à passer à l’action violente.

Pour ce qui est de leurs causes, il faut savoir que le vote Front National était longtemps considéré comme sous-estimé parmi les plus pauvres qui voulaient exprimer par là un ras-le-bol général. Les sondeurs se sont donc mis à anticiper de plus en plus le vote Rassemblement National avec des mécanismes de redressement, alors que de moins en moins de personnes se posaient la question de comment battre la droite et l’extrême droite pour mettre la transformation sociale à l’Elysée. Jusqu’à l’ivresse.

Ne soyons pourtant pas dupes : la candidature de Jean-Luc Mélenchon a aujourd’hui de réelles chances de remporter cette élection présidentielle. Marine Le Pen finira d’ailleurs très probablement en-dessous de ses plus hautes estimations. Jean-Luc Mélenchon, à son habitude, très probablement au-dessus.

De plus, la dynamique de l’Union populaire risque de s’accélérer jusqu’au 10 avril. Le défi donc, tout à fait réalisable pour les insoumis, est celui de prendre les points qui les séparent de Marine Le Pen, en allant convaincre la masse la plus grande possible de ceux qui ont intérêt et besoin que la France change. D’éliminer une candidate antisociale qui refuse d’augmenter le SMIC, de bloquer les prix, de dégeler le point d’indice des fonctionnaires, qui recule sur les retraites, arnaque sur l’ISF, et retourne sa veste sur le remboursement de la dette et prône l’austérité dans les services publics. De faire en sorte que le second tour Macron-Mélenchon soit le référendum social dont le pays a besoin.