Mélenchon VS Zemmour : l’amour ou la haine ?

L’amour ou la haine ? Ce dimanche 5 décembre 2021 a été le théâtre de deux opposés : les rafales de coups de poings des pro-Zemmour aux militants pacifiques de SOS Racisme en fin d’après-midi, le parlement de l’Union populaire et la déclaration d’amour enflammée de Jean-Luc Mélenchon quelques heures plus tôt. D’un côté l’amour des services publics, du partage, de la République, de la créolisation, de la diversité de l’Union Populaire, de l’autre la haine de la France d’aujourd’hui, des musulmans, des femmes, de l’autre, de la République, une violence verbale et physique inouïe. Deux visions diamétralement opposées de la France se sont étalées sous nos yeux ébahis ce dimanche : l’extrême-amour et l’extrême-haine. Notre article.

« Zemmour doit être roi de France » : pour la République, on repassera

« Un petit homme intrépide qui doit être roi de France ». Ces mots sont signés Paul-Marie Coûteaux, ex-porte-parole du Front National (FN), sur les coups de 16 heures 30 hier à Villepinte. Le « petit homme intrépide » en question se fait désirer. La foule de son premier meeting est chauffée à blanc. Inventive, elle scande des « on chez nous », puis, courageuse des « mais ils sont où les antifas ? ». Piétinés par les bottes des CRS. Les 3 000 militants antifascistes ont en effet été dispersés un peu plus tôt dans l’après-midi par des charges tout en douceur de bataillons de CRS venus en nombre quadriller Villepinte.

Roi de France ? Vraiment ? La foule applaudit à tout rompre. En même temps, le président en exercice a lui même déploré « l’absence de la figure du roi, dont le peuple n’a pas voulu la mort ». Pour la République ? On repassera. Il est 17h45, le petit homme intrépide est arrivé sur scène, il lève les bras. La scène pourrait prêter à sourire tant ses mouvements sont désarticulés, si ce n’était le visage de l’extrême-droite maurrassienne qui était en train de se faire acclamer par des milliers de personnes. Tous ces gens enivrés agitent leurs drapeaux au rythme du discours d’un homme condamné à deux reprises pour incitation à la haine, franchement glaçant.

Le polémiste déroule ses marottes habituelles : la « théorie » du genre, l’homme blanc hétérosexuel grand remplacé, l’écriture inclusive qu’il voudrait interdire avant même qu’elle n’existe, et des envolées creuses sur la « reconquête », le nom de son nouveau parti, d’une France fantasmée. Un discours beaucoup moins virulent qu’à son habitude. Pourtant, les effets de ses incitations à la haine vont se traduire très concrètement quelques minutes plus tard.

Les supporters d’Éric Zemmour fracassent des militants pacifiques de « SOS racisme »

La scène se déroule en une poignée de secondes. Une douzaine de militants de l’association « SOS Racisme » portant des tee-shirts avec chacun une lettre formant le slogan « non au racisme » se lèvent dans le fond de la salle. La réaction est immédiate. Jets de chaises, coups de poings, de pieds et de ceintures, la meute se rue sur les militants pacifiques. Des coups d’une rare violence pleuvent.

Un supporter de Zemmour assène une série de coups de poings d’une incroyable violence à une militante pacifique. Le journal Libération a pu confirmer que l’un des agresseurs des militants de « SOS Racisme » avait, avant le meeting, participé aux échauffourées contre des antifascistes, dans le groupuscule néo-nazis des Zouaves Paris qui a revendiqué cette action et leur présence au meeting.

Une autre jeune femme, elle aussi militante pour « SOS Racisme », a été filmée par le journaliste Clément Lanot à l’issue du meeting, le visage en sang. Devant la caméra, la jeune femme explique : «Je pensais qu’on était en démocratie, qu’on pouvait donc dire ce qu’on avait à dire et qu’on n’aurait pas de conséquences physiques. On est des militants pacifiques ». Un pacifisme et un antiracisme fracassés par la haine des supporters d’Éric Zemmour.

Les militants de « SOS Racisme » ont fait savoir ce lundi qu’ils déposaient plainte, le parquet de Bobigny indique qu’une enquête a été confiée à la sûreté territoriale 93. Voilà le visage de l’extrême-droite. De nombreux journalistes présents au meeting d’Éric Zemmour ont témoigné de la violence inouïe constatée sur place. Depuis de longs mois de nombreux journalistes alertent sur le danger qu’il y a à couvrir l’extrême-droite en France. La violence de l’extrême-droite s’est une nouvelle fois déchaînée, et ce n’était que le premier meeting du polémiste.

« Jean-Luc je t’aime », « c’est réciproque ! » : de l’amour au meeting de Mélenchon qui déclare une nouvelle fois sa flamme aux services publics, au partage, et à la République

« Nous sommes la France qui défend sa devise : Liberté, Égalité, Fraternité à tout être humain. La France n’est pas d’extrême-droite ». Un peu plus tôt dans l’après-midi, une toute autre ambiance au meeting de Jean-Luc Mélenchon à Paris. À peine monté sur scène, le favori de la gauche dans la course à la présidentielle assène une déclaration d’amour enflammée aux services publics, à « la sécurité sociale, la santé publique, l’émancipation, l’école, de la recherche et du partage».

La salle est pleine à craquer. Les insoumis ont même du refuser du monde. L’eurodéputée insoumise Manon Aubry vient de l’annoncer quelques minutes plus tôt : « nous avons 3 000 places assises, nous avons dû ouvrir un hall et il y a encore des gens qui attendent dehors. Nous sommes plus de 5 000 ! ». Une démonstration de force des insoumis, contraint d’ouvrir plusieurs salles avec des télés rediffusant le meeting en direct pour plus de 1 500 personnes à l’intérieur et pour 500 courageux bravant la pluie sur les marches du grand arche de la Défense. Motivés les insoumis.

Les chanceux qui ont pu rentrer dans la salle principale ne boudent pas leur plaisir. « Pour un monde meilleur et pour l’honneur des travailleurs, nous on est là ». Les insoumis reprennent en cœur l’hymne des gilets jaunes pour s’échauffer. Aux « on est chez nous » scandés par les supporters de Zemmour et Le Pen, les insoumis répondent leur cri de ralliement « Résistance ! Résistance ! ». Au bout d’une poignée de secondes de la prise de parole du député des bouches du Rhône, un « Jean-Luc je t’aime » déchire la foule. « C’est réciproque » lui répond un Jean-Luc Mélenchon tout sourire. Loin, très loin, des rafales de coups de poings qui auront lieux quelques heures plus tard à Villepinte.

« Jean-Luc Mélenchon s’est posé comme le pôle de résistance à la droite et l’extrême droite en montrant sa capacité de rassemblement » : Edwy Plenel

Jean-Luc Mélenchon range ses adversaires en deux grandes catégories. Les partisans du « grand affolement » : Éric Zemmour, Marine Le Pen et Éric Ciotti. Les partisans du « grand démantèlement » : Emmanuel Macron et Valérie Pécresse. Pas une pique pour ses concurrents de gauche, l’ennemi est désigné : l’extrême-droite et le capital, les deux alliés ne faisant qu’un.

Face à l’explosion de la pauvreté et de l’extrême-droite dans le pays, le leader des insoumis a une nouvelle fois lancé deux appels ce dimanche, à une loi d’urgence sociale et à l’union populaire. Et cette fois-ci, il faut croire que son appel a été entendu, et pas qu’un peu. Plus de 200 personnalités, artistes, écrivains, acteurs, responsables d’associations, syndicalistes, intellectuels, élus politiques, étaient sur scène juste avant son arrivée. Ce sont les membres du tout nouveau parlement de l’Union Populaire : le parlement de campagne de Jean-Luc Mélenchon, réuni pour la première fois le matin même.

Aurélie Trouvé, à la tête d’Attac pendant 11 ans, vient d’en prendre les reines. Pour la première fois, elle prend la parole dans un meeting politique, lancée par sa camarade Manon Aubry, elle aussi passée de l’ONG Oxfam, soeur de lutte d’Attac, aux insoumis. À leurs côtés, une multitude de nouveaux visages chez les insoumis : l’écrivaine Annie Ernaux, l’actrice de la série 10 pour cent Liliane Rovère, l’humoriste des Guignols de l’info Bruno Gaccio, le lanceur d’alerte Anthony Smith, le délégué CGT et acteur Xavier Mathieu, le maire PCF de Stains Azzedine Taïbi, auteur d’un vibrant discours sur scène soulignant la vitalité de l’alliance entre les quartiers populaires et la France rurale, l’écrivain Abdourahman Waberi, Huguette Bello, la présidente communiste de l’île de La Réunion, Thomas Portes, le Président de l’Observatoire de l’extrême-droite et ancien porte-parole de l’écologiste Sandrine Rousseau, et ainsi de suite.

« Ici, vous êtes dans votre famille. Dans une famille y a de tout. Vous pouvez venir ! Rejoignez nos forces ! ». Une nouvelle main tendue de la part du favori de la gauche pour 2022. En grande forme, Jean-Luc Mélenchon a lancé un message d’espoir face au climat nauséabond dans le pays : « Il n’y a qu’un combat qu’on est sûrs de perdre, c’est celui qu’on ne mène pas. À l’étranger des masses attendent de nous car ils savent que la France, ça n’est pas Le Pen, Zemmour ou Macron. La France, pour eux, ce sera toujours Victor Hugo et la République ! ».

Le tribun a appelé à « rompre la chaîne du capitalisme en France », car « alors, elle craquera partout ». Un appel destiné à l’ensemble du champ militant, associatif, syndical, intellectuel et artistique, à élargir ce séduisant parlement de l’Union populaire pour faire arriver au pouvoir une vraie gauche face à l’urgence de la riposte antifasciste, écologiste, sociale et démocratique en France. « Lors de son premier meeting parisien, Jean-Luc Mélenchon s’est posé comme le pôle de résistance à la droite et à l’extrême droite en montrant sa capacité de rassemblement aux côtés de nombreuses personnalités de gauche ». Le constat est d’Edwy Plenel, pourtant loin d’être un grand ami du leader de la gauche. Mais face à l’urgence, il n’y a plus le temps de se diviser. Il n’y a plus 5 ans à perdre, l’union populaire est la seule solution pour 2022. L’amour des siens ce n’est pas la haine des autres.


Par Pierre Joigneaux.