Mélenchon, figure historique de la lutte contre l’extrême droite

Alors que le grand favori de la gauche pour 2022 s’apprête à affronter Éric Zemmour ce jeudi à 21 heures sur BFMTV, retour sur la longue histoire de la lutte de Jean-Luc Mélenchon contre l’extrême-droite. Notre article.

23 février 2012. Jamais dans l’histoire des débats politiques, l’extrême droite n’a été autant humiliée. Devant la France entière, Marine Le Pen perd ses moyens, triant nerveusement ses fiches. Celle qui est alors candidate du Front National (FN), décomposée, refuse de débattre. L’adversaire face à elle ? Un certain Jean-Luc Mélenchon. Flashback.

L’humiliation historique de Marine Le Pen par Jean-Luc Mélenchon le 23 février 2012

« La première égalité, et vous le savez, c’est de pouvoir disposer de soi, de son corps. Or vous, vous êtes pour supprimer le remboursement par la sécurité sociale de l’interruption volontaire de grossesse ». À peine arrivé sur le plateau, que celui qui est alors candidat à la présidentielle pour le Front de Gauche, lance la première banderille.

Silence sur le plateau de l’émission « Des paroles et des actes » sur France 2. David Pujadas demande à la candidate du FN de répondre. Refus. Marine Le Pen invoque un coup monté de France 2, prétextant la position plus basse dans les sondages de son adversaire, pour refuser purement et simplement de débattre. « Vous ne voulez pas me répondre ? Vous allez faire durer ça combien de temps ? Quand vous tombez sur un contradicteur qui n’est pas complaisant, c’est fini, vous n’êtes plus là. Il ne faut pas avoir peur Madame. Il ne se passera rien de grave, sinon les arguments ». Jean-Luc Mélenchon pousse la candidate au débat, mais cette dernière se mue dans un refus obstiné.

La candidate du FN avance un nouveau prétexte pour tenter de justifier son refus de débattre : « Le 18 janvier, vous m’avez traitée de semi-démente ». Jean-Luc Mélenchon de lui répondre, du tac au tac : « ça vous laisse une bonne moitié ». Rire général dans le public. Marine Le Pen brandit alors le procès qu’elle a intenté au candidat du Front de gauche. Procès que gagnera Jean-Luc Mélenchon.

Taxée de « fasciste », Marine Le Pen perd son procès contre Jean-Luc Mélenchon

« Fasciste ». C’est par cet adjectif que le candidat du Front de Gauche avait qualifiée Marine Le Pen le 5 mars 2011. Procès. En première instance, en avril 2014, le tribunal correctionnel de Paris donne raison à Jean-Luc Mélenchon. Le tribunal considérant que le terme « fasciste » se trouvait «  dépourvu de caractère injurieux lorsqu’il est employé entre adversaires politiques sur un sujet politique ».

Marine Le Pen fait appel. Nouvelle défaite. La cour d’appel de Paris juge que dans le contexte de l’époque, où certains associaient la présidente du FN et Jean-Luc Mélenchon sous le terme de « populisme », il était « nécessaire » que ce dernier « exprime son opinion en caractérisant politiquement son adversaire par un terme manifestant sa réprobation complète des idées politiques défendues par le Front national ».

La présidente du parti d’extrême droite avait alors formé un pourvoi en cassation. Encore perdu. Dans son arrêt, la Cour estime que les propos poursuivis «  exprimant l’opinion de leur auteur, dans le contexte d’un débat politique, au sujet des idées prêtées au responsable d’un parti politique, ne dépassaient pas les limites admissibles de la liberté d’expression ».

« En France on n’applaudit pas un collabo, un homme qui a osé dire qu’il fallait ramasser en bloc les juifs et leurs petits. Vous auriez du vous lever et sortir »

« J’ai l’intention de combattre votre infâme parti et votre infâme politique, partout où je le pourrai. Je vous ai posé une question, mais vous ne me répondez pas ». La candidate du Front National range ses fiches et détourne le regard. David Pujadas de relancer Marine Le Pen : « Alors Madame Le Pen, l’avortement ? ». Le refus se prolonge.

Jean-Luc Mélenchon porte alors l’estocade, dans une envolée lyrique qu’on lui connait bien : «Vous auriez dû, dimanche dernier, vous lever et sortir quand l’infâme président de votre parti (son père, Jean-Marie Le Pen, NDLR) a osé citer Robert Brasillach. Le poème qu’il a cité, est celui d’un collabo. D’un homme qui a osé dire qu’il fallait ramasser en bloc les juifs et leurs petits. Vous auriez du vous lever et sortir. En France, on ne parle pas comme ça. Et un collabo, quoi qu’il ait écrit, reste un collabo et un assassin ».

Sourire narquois bloqué sur le visage, Marine Le Pen baisse la tête. Jean-Luc Mélenchon conclu ce qui restera comme une mise à nu historique de l’extrême-droite à la télévision : « Il n’y aura jamais une faille entre nous pour vous mettre la pilée que vous méritez. Vous ne servez à rien depuis 40 ans qu’à distiller de la haine, voilà tout ce que vous faites ».

Un travail de démasquage du programme du Front National puis du Rassemblement National

La lutte contre l’extrême droite, Jean-Luc Mélenchon connait bien : du 22 mai 2002 et son célèbre « Mais qui elle est celle-là ? » à Marine le Pen, aux fameuses « punchlines » envoyées à la candidate durant la campagne de 2017, sans oublier les deux débats en 2014 contre un certain… Éric Zemmour, le leader des insoumis s’est toujours battu. Le 12 décembre 2014, sur le plateau de RTL, dans un débat électrique, Jean-Luc Mélenchon avait non seulement déconstruit le discours d’Éric Zemmour sur l’immigration, mais lui avait également imposé de parler d’Europe et de social.

En 2012, Jean-Luc Mélenchon part combattre Marine Le Pen chez elle, à Hénin Beaumont, et l’empêche d’être élue députée. En 2017, lors du débat entre les cinq grands candidats, la passe d’armes sur l’immigration entre Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen avait été mémorable. « Partout à tout propos, on agite des fantasmes : les gens ne partent pas en immigration par plaisir. C’est un exil forcé ! Si nous étions dans leurs conditions, alors nous partirions aussi » avait lancé le candidat de La France insoumise (LFI) à la candidate du FN.

Ce quinquennat a été l’occasion pour les insoumis, de l’hémicycle de l’Assemblée nationale aux plateaux de télévisions, sans oublier le Parlement européen à Bruxelles, de débusquer le programme économique du Rassemblement national, une saignée pour les classes populaires. Refus d’augmenter le SMIC en plein mouvement des gilets jaunes, positionnement en faveur de la réforme des retraites durant ce qui a été le plus mouvement social depuis mai 1968, revirement sur la question européenne et le remboursement de la dette, mais aussi silence radio sur l’écologie ou sur la souffrance animale, les insoumis ont démasqué l’extrême droite.

Ce jeudi 23 septembre 2021, sur les coups de 21 heures, c’est donc un adversaire historique de l’extrême droite qui s’avancera face à Éric Zemmour. Face à la coqueluche de cette rentrée, face à l’explosion des idées d’extrême-droite dans le pays, face à la zemmourisation médiatique, le camp de la République ne pouvait pas rêver meilleur candidat pour déconstruire l’insupportable diversion identitaire à l’œuvre dans le champ médiatique, et ramener, enfin, la crise sociale et écologique qui ravage le pays, au cœur de la campagne présidentielle.

Par Pierre Joigneaux.