À Marseille, les promesses se succèdent, mais « c’est toujours la même merde derrière la dernière couche de peinture »

Le déplacement du Président de la République pour trois jours dans la cité phocéenne permet d’attirer la lumière sur les maux d’une ville en grande souffrance. Loin des caméras et des opérations de communications présidentielles, face à l’abandon de l’État, des militants agissent pour tenter de répondre à l’urgence sociale, dans les écoles, dans les quartiers, ou encore contre la situation catastrophique du logement dans la ville. Notre article.

Accueil glacial pour Macron à Marseille

Un accueil glacial. Le roi Macron daigne (enfin) descendre à Marseille trois jours avec sa cour, mais que les gueux balaient donc la cité Brassens avant son arrivée ! Problème, le petit peuple n’est guère ravi de la visite du monarque présidentiel. Déjà copieusement sifflé la veille à son arrivée dans la cité phocéenne, Emmanuel Macron et Jean-Michel Blanquer, en déplacement dans une école en ce 2 septembre 2021, jour de rentrée des classes, ont été accueillis de nouveau à coup de « Macron démission ! » , « Macron rentre chez toi ! ».

Manuel Valls accompagné de 9 ministres, dont un certain Emmanuel Macron, en 2015 à Marseille pour distribuer des sous. Emmanuel Macron accompagné de 7 ministres en 2021 à Marseille pour distribuer des sous. Cette visite présidentielle ? Un air de déjà vu pour les Marseillais. Dans cette ville où 472 écoles de la République sont en train de tomber en ruine accueillant les élèves dans des conditions inacceptables, où 14 enfants de la République ont été assassinés dans les quartiers nord depuis le début de l’année ( dont 8 rien que cet été !), où 100 000 personnes survivent dans des habitats indignes, où 14 000 personnes vivent à la rue, l’intervention du gouvernement serait peut-être nécessaire à d’autres moments qu’en amont des présidentielles.

Le pèlerinage des promesses

Un coup de com’ un poil grossier ? À huit mois des élections présidentielles, disons que la ficelle semble un peu trop visible. Les objectifs annoncés de cette visite ? Mettre en place un plan d’action de réhabilitation de 10 000 logements, lancer un plan de rénovation de 200 établissements scolaires ou encore améliorer les transports en commun. « On est à huit mois de l’élection présidentielle, tout le monde comprend qu’il est en campagne électorale » a résumé Jean-Luc Mélenchon ce mercredi en direct de Marseille sur LCI. 

En huit mois, il est évidemment impossible de réaliser toutes les actions promises par Emmanuel Macron, et celui-ci le sait très bien. Ce genre d’opération de communication n’est pas nouveau : en 2012, Jean-Marc Ayrault venait à Marseille pour distribuer 3 milliards d’euros ; en 2015, Manuel Valls accompagné de 7 ministres dont Macron venait distribuer 1,6 milliard. À Marseille, les promesses et les gouvernements se succèdent, mais en 15 ans rien n’a changé. « À Marseille, c’est le pèlerinage des promesses : on a eu d’abord Sarkozy, puis Ayrault, puis Valls… Ils avaient promis de réhabiliter mais tant d’années après, il n’y a rien de fait, donc les gens sont exaspérés » synthétise le député des bouches du Rhône.

« Les élus ressassent rénovation, ça rassure. Mais c’est toujours la même merde derrière la dernière couche de peinture ». C’est peut-être IAM qui, en 1997, résumait déjà le mieux la situation dans sa célèbre chanson, Demain c’est loin.

Le chaos du logement à Marseille

Marseille, c’est le drame de l’effondrement de la rue d’Aubagne le 5 novembre 2018. Et ses 1 500 habitants qui attendent toujours d’être relogés. Marseille, c’est trois morts ce 17 juillet dans l’incendie d’un immeuble insalubre, devant être démoli depuis de longs mois, dans la cité des Flamants. Marseille, c’est 40 000 logements insalubres et quelque 100 000 marseillais qui vivent dans des logements indignes. Pourtant, 35 000 logements de la ville sont vides (et n’attendent qu’à être réquisitionnés).

L’État et les collectivités sont les premiers responsables de l’explosion du sans-abrisme, en diminuant partout les budgets de l’urgence sociale. Selon une étude de l’Accès aux soins des sans-abris (Assab), Marseille compterait plus de… 14 000 personnes à la rue ! La précarité a été accentuée dans la ville depuis la crise Covid, des milliers de personnes comptent en effet sur la solidarité dans les quartiers et les collectes alimentaires pour pouvoir manger.

Des héroïnes et des héros du quotidien face à l’abandon de l’État dans les quartiers

Heureusement, face à l’abandon de l’État, des héroïnes et héros du quotidien font face. Pendant les confinements, ce sont plus de 10 000 repas qui ont été distribués chaque semaine par les militants du McDo en lutte de Saint Barthélémy. Les militants insoumis ont aidé, multipliant les collectes alimentaires, notamment à l’aide de la permanence parlementaire de Jean-Luc Mélenchon.

Depuis le début du quinquennat, le leader des insoumis a tenté de mettre en lumière les différentes luttes locales, en leur apportant son capital médiatique. En avril 2018 le député des Bouches du Rhône rencontrait ainsi les habitants du quartier d’Airbel et dénonçait leurs conditions matérielles d’existence. Ses habitants ont de l’eau jaune qui sort de leur robinet. Le Président des insoumis à l’Assemblée, s’est rendu à de nombreuses reprises dans le McDonald en lutte de Saint Barthélémy, et y a même réalisé ses vœux 2020. Ce 5 mars, Jean-Luc Mélenchon était à l’hôpital de Saint Barthélémy pour dénoncer la fermeture des urgences en 2010 et la disparition de différents services de l’hôpital au profit du privé, faisant mourir l’hôpital public à petit feu.

En 2019, les insoumis marseillais lançaient des actions de désinfestation de punaises de lit ainsi qu’une campagne de sensibilisation dans les quartiers nord. En 2019 toujours, des ateliers sur le logement indigne ont également été portés par les militants insoumis et une proposition de loi pour rendre effectif le droit au logement a été portée par Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale dans le cadre de la niche parlementaire 2020 des insoumis.

Quand des insoumis et Jean-Luc Mélenchon repeignent une école à Marseille pour dénoncer l’inaction de l’État

Sur la situation des transports à Marseille également, Jean-Luc Mélenchon a tenté d’alerter à l’occasion d’un discours à la tribune de l’Assemblée le 12 septembre 2019 dans le cadre des débats sur la loi mobilités. En effet, la question des transports urbains est urgente à Marseille : les quartiers nord sont oubliés et peu desservis, 10 ans de retard pour 900 mètres de rails de métro à Marseille (9 km de métro à Rennes réalisés en… 5 ans !), les transports urbains sont peu accessibles aux personnes en situation de handicap (les stations de métro ne sont pas adaptées, les minibus pour personnes handicapées sont vétustes…), et ainsi de suite.

Face à la situation catastrophique des écoles à Marseille (420 écoles vétustes dans la ville !), les insoumis ont également dû agir par eux-mêmes face à l’inaction de l’État. C’était le 20 juillet 2018 : Jean-Luc Mélenchon et une quarantaine de militants insoumis marseillais se sont retroussés les manches et ont repeint le groupe scolaire de La Viste-Bousquet. Trois heures plus tard, une partie des murs lépreux et tagués de l’école maternelle de ce quartier de l’extrême nord de Marseille, brillait d’un blanc lumineux. Les grilles, rouillées, ont été repeintes en vert et le jardin a été nettoyé des détritus. Des insoumis entrepreneurs face à l’abandon de l’État.

Collectes alimentaires et de produits de première nécessité face à la misère sociale qui fracasse Marseille et qui s’est accentuée depuis le Covid, caravanes d’accès aux soins depuis 2018, construction d’une bibliothèque de rue dans un quartier populaire en avril 2019, opérations de ramassage de déchets tous les ans, transports abandonnés, écoles vétustes, trafic et assassinats dans les quartiers, logements insalubres, sans-abrisme… Le gouvernement a été au total interpellé une vingtaine de fois par Jean-Luc Mélenchon sur l’urgence à Marseille depuis le début du quinquennat. Mais c’est à huit mois des présidentielles qu’il se réveille. À Marseille, les gouvernements et les promesses se succèdent, mais c’est toujours la même merde derrière la dernière couche de peinture.

Par Maéva Santamaria et Pierre Joigneaux.