Depuis des années, Jean-Luc Mélenchon porte haut et fort l’annulation de la dette. Le leader des insoumis a déposé le 11 mai dernier une proposition de résolution à l’Assemblée nationale proposant l’annulation des dettes publiques détenues par la banque centrale européenne (BCE), représentant 2500 milliards d’euros pour l’ensemble de la zone euro et 400 milliards d’euros pour la France. 150 économistes viennent de soutenir cette proposition. Longtemps esseulé, Jean-Luc Mélenchon trouve de nombreux renforts bienvenus. Pour financer la bifurcation écologique, face à l’urgence sociale absolue, il serait grand temps qu’ils soient entendus.
L’annulation des dettes publiques : un combat de Jean-Luc Mélenchon depuis des années contre l’austérité et pour financer la bifurcation écologique
Annuler la dette ? Mais vous êtes fou ! Depuis des années les éditorialistes et gardiens du temple néolibéral s’évanouissent face à la proposition de Jean-Luc Mélenchon d’annuler la dette. En effet, Jean-Luc Mélenchon a fait de la dette l’un de ses principal cheval de bataille. De son débat contre Jacques Attali un soir d’avril 2013, à ses différentes interventions au Parlement européen ou à L’Assemblée nationale (ici, ici, là ou là), les prises de position ces dernières années de Jean-Luc Mélenchon sur le sujet ne manquent pas. Et elles ont le mérite de rendre accessible un sujet souvent perçu comme technique et compliqué quand on est extérieur au champ politique et économique. Pourtant, nos vies en dépendent.
Avec la crise économique engendrée par le coronavirus, deux options s’offrent à nous. Première option : poser la dette comme seul horizon. Passer nos vies respectives à la rembourser. Comme seul projet de société. Et réitérer les erreurs de 2008. Relancer les cures d’austérités. Continuer à détruire nos services publics et à étrangler les peuples européens sous le poids de la dette publique en s’entêtant dans le dogme néolibéral imposé par les traités européens. Deuxième option, annuler les dettes publiques détenues par la banque centrale européenne (BCE). C’est le sens de la proposition de résolution déposé le 11 mai dernier par Jean-Luc Mélenchon à l’Assemblée nationale, et d’une récente tribune du leader des insoumis dans la tribune.
La proposition du leader des insoumis est simple : transformer la dette actuelle des États membres, détenue par la banque centrale européenne (BCE), en dette perpétuelle à taux nul. La BCE pourra ensuite augmenter sa politique de rachat des dettes publiques sur le marché secondaire pour les geler petit à petit. Avec l’inflation, les titres de dettes rachetés finiraient par fondre au fil des ans dans les coffres de la BCE. Cette opération ne nécessite pas de sortir des traités. Et elle ne présente aucun risque : la BCE ne peut faire faillite, elle détient le pouvoir de création monétaire. Cette opération permettrait de débloquer 400 milliards d’euros pour la France et 2 500 milliards pour l’ensemble des États membres, soit le montant des dettes publiques détenues par la BCE. Ces sommes libérées par la BCE permettraient de financer, enfin, la bifurcation écologique, comme l’explique l’insoumission dans un récent article : « Mélenchon veut faire tomber le mur de la dette pour financer la bifurcation écologique ».
Le renfort de 150 économistes… et d’un sondage du Figaro
Longtemps esseulé, le leader des insoumis trouve de nombreux renforts bienvenus. Ces derniers mois, le contingent d’économistes soutenant la proposition des insoumis ne cesse de grossir. Depuis de long mois Gaël Giraud, Nicolas Dufrêne ou encore Laurence Scialom multiplient les tribunes et les interventions en faveur de l’annulation des dettes publiques détenues par la BCE. Alain Minc, ancien gardien du temple de l’orthodoxie néolibérale, est même venu constituer un renfort inattendu. Il est loin d’être le seul. François Bayrou, le nouveau « haut commissaire au plan » d’Emmanuel Macron, François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la banque de France ou encore Nicolas Théry, le Président du Crédit Mutuel, sont venus grossir les rangs des soutiens. L’annulation des dettes rencontre également un fort écho dans le champ politique international. Plus de 300 parlementaires de 30 pays, dont Bernie Sanders, Alexandria Ocasio-Cortez et Jean-Luc Mélenchon, ont écrit à la Banque Mondiale et au FMI le 13 mai dernier pour annuler la dette.
Ce 5 février, 150 économistes de 13 pays différents, dont notamment Thomas Piketty, Paul Magnette et Gaël Giraud, ont publié dans Le Monde une tribune intitulée « L’annulation des dettes publiques que la BCE détient constituerait un premier signal fort de la reconquête par l’Europe de son destin ». Tribune relayée par des journaux de 9 pays européens, des membres ou ex-membres de gouvernement, en Espagne, en Belgique, et même un ancien commissaire européen. Un joli coup dans la bataille culturelle contre l’orthodoxie néolibérale. Un sondage du Figaro est même venu conforter cette proposition. Vous avez bien lu, du Figaro, pourtant loin d’être une succursale de gauchistes. À la question : « Êtes-vous favorable à l’annulation de la dette des États due à la crise du Covid ? », 52% des sondés ont répondu oui (sur plus de 120 000 votants).
2 500 milliards qui dorment dans les coffres de la BCE alors que les États membres font face à l’urgence absolue
La réponse de Christine Lagarde ne s’est pas faite attendre. La présidente de la BCE, dans une tribune publiée dans le JDD le 8 février, a opposé une fin de non-recevoir à la proposition des 150 économistes publiée le 5 février. « L’annulation de la dette est inenvisageable ». Circulez il n’y a rien à voir. Cette annulation violerait les traités européens selon Christine Lagarde. Mais dans l’Union européenne, ce n’est pas à la présidente de la BCE de dire ce qui est envisageable ou non juridiquement. C’est à la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Et il lui arrive d’aller dans le sens des économistes insoumis. La CJUE a par exemple autorisé les politiques de « quantitative easing », les rachats de titre de dette publique par la BCE, opérés par Mario Draghi, prédécesseur de Christine Lagarde à la tête de la BCE.
En effet, la crise des subprimes de 2008, comme celle de la pandémie mondiale que nous traversons, est venu contrecarrer les dogmes monétaristes et les gardiens de l’orthodoxie budgétaire. Pour sauver les banques et pour permettre aux États membres de pouvoir continuer à emprunter, la BCE a fini par accumuler dans ses coffres l’équivalent du quart de la dette publique des États de la zone euro : 2 500 milliards d’euros ! La banque centrale européenne ne pouvant prêter directement aux États membres, elle a effectué des achats massifs de titres de dette publique sur le marché secondaire, à des acteurs privés ! L’absurdité des traités européens et d’une institution indépendante de tout contrôle démocratique. Ces titres représentent donc l’incroyable trésor de 2 500 milliards d’euros pour l’ensemble de la zone euro et de 4 000 milliards d’euros pour la France… qui dorment dans les coffres de la BCE !
Ce magot ne sert strictement à rien à la BCE, cette dernière ne pouvant jamais se retrouver à court de liquidité. Ce trésor manque en revanche cruellement aux différents services publics des États membres, et notamment à l’Hôpital public en extrême souffrance face à la plus grave crise sanitaire de notre histoire récente. Mais BCE, économistes et dirigeants néolibéraux s’entêtent dans leur aveuglement dogmatique : rembourser la dette, rembourser la dette, rembourser la dette. Peu importe que le disque soit rayé. Peu importe que l’urgence soit absolue, que des centaines de milliers de citoyens européens basculent dans la misère, que les prévisions de météo France annonce +6° à la fin du siècle si nous n’entamons pas de toute urgence la bifurcation écologique. Les différents ministres du gouvernement Castex continuent à défiler au rythme du vieux logiciel néolibéral, et commencent à nous fredonner la douce mélodie du retour des cures d’austérités. Alors même que les peuples européens sont déjà en train d’étouffer. Que se passerait-il si la BCE augmentait son taux d’intérêt directeur ? Ce serait de la pure folie dans le contexte actuel. Les États membres se retrouveraient à devoir faire rouler leur dette à des taux d’intérêts plus élevés et dette écraserait tout sur son passage. Le retour de l’austérité sanguinaire et de ses conséquences dramatiques comme l’a connu la Grèce ? Face à ce scenario catastrophe, la proposition de Jean-Luc Mélenchon et des 150 économistes est la seule raisonnable. Les pragmatiques ne sont pas ceux que l’on croit. Et face aux urgence sociales et climatiques absolues auxquelles nous faisons face, il serait grand temps d’enfin les écouter.
Par Pierre Joigneaux.