Nous sommes des retraité·es, donc des vieux et vieilles, des vioques, des personnes âgées, bref des personnes considérées comme inutiles et « à charge » pour les néolibéraux qui nous gouvernent. Nous sommes des salarié·es des secteurs public et privé dont les enfants et les petits enfants sont en âge de travailler ou sont des jeunes en formation, ouvriers, employés, cadres, techniciens, paysans, enseignants, chercheurs, travailleurs sociaux, de la culture… Nous avons pris notre retraite après une vie de labeur (ou allons bientôt la prendre) où nous avons pour beaucoup d’entre nous subi des conditions de travail et des horaires qui nous ont usés et que ce soit à 60 ans, 62 ans ou plus. Nous avons plus que mérité ce temps. Ils nous bassinent avec l’augmentation de l’espérance de vie alors que lorsqu’on prend sa retraite, nous sommes pour beaucoup d’entre nous souvent cassé·es, brisé·es, fatigué·es. Nous avons trimé toute notre vie et maintenant ils présentent ce qui nous est dû comme une faveur qui nous serait accordée.
La retraite, elle est à nous, elle est à tous les travailleur·ses.
Nous nous sommes battus toute notre vie pour la gagner. Ce n’est pas à un gouvernement de nous l’enlever. L’unique argument de votre gouvernement est qu’il faut s’adapter au monde tel qu’il est et peu importe à quoi. Sans répit. Sans relâche. Toujours… Comme le dit le slogan : « métro, boulot, caveau ». L’injonction se fait chaque jour plus impérative. Le changement est devenu une fin en soi, aussi peu discutable qu’une catastrophe naturelle. Nous sommes de la génération qui voulait ‘‘Changer la vie’’. Mais le changement est maintenant passé à droite. Le changement dans leur bouche d’éborgneurs, c’est la régression sociale.
Nous refusons de nous adapter. Ils nous traitent de patachons « nostalgiques » d’un temps où les réformes étaient des conquêtes sociales, pas des contre-réformes à la Thatcher, d’un temps où l’émancipation ce n’était pas l’individualisme et la lutte de tous contre tous mais la solidarité, d’un temps où la compétitivité passait après la coopération. Oui, nous sommes des « nostalgiques » de la réduction du temps de travail, de la retraite à 60 ans, de la vie digne pour toutes et tous.
Nous refusons de nous adapter au capitalisme même repeint en vert.
Travailler plus longtemps, cela signifie produire plus, donc consommer plus d’énergies et émettre davantage de gaz à effet de serre. On ne peut plus augmenter la production, il faut la stabiliser voire la diminuer. La solution passe forcément par le partage du travail et des richesses, par une décroissance choisie et non subie. La croissance, telle que nous l’avons connue, ne peut plus constituer un horizon. Il s’agit d’aller vers une société de sobriété et de simplicité volontaire, pour la satisfaction des besoins essentiels, reposant sur l’autogestion et sur une réduction drastique des inégalités. Cela ne signifie pas « moins bien vivre », mais donner un autre sens à sa vie, échapper au piège du « travailler plus pour gagner plus », refuser la course permanente qui nous est imposée au nom de la compétitivité, ralentir au contraire et donner plus de temps aux relations sociales.
La retraite c’est un commun. Elle est le produit des la lutte des générations qui nous ont précédées. C’était une lutte pour qu’une partie des revenus issus de notre exploitation nous reviennent puisque les cotisations appelées «salariales» ou «patronales» – ne sont que la partie socialisée du salaire. Aujourd’hui le gouvernement s’attaque à ce commun en se revendiquant notamment des sondages qui lui indiqueraient que, nous les retraité·es, serions pour sa réforme à points, pour l’augmentation de l’âge de départ à la retraite, pour la suppression des régimes spéciaux… et donc contre les grévistes. C’est faux !
La retraite c’est un moment privilégié pour l’entraide. Pour nous la retraite n’est pas l’antichambre de la mort mais un moment de lutte où nous pouvons contribuer à l’entraide, à la solidarité intergénérationnelle, à faite profiter de notre expérience les générations montantes. Sur les ronds-points les Gilets Jaunes étaient en partie des retraité·es.
Nous sommes des vieilles et des vieux en colère qui nous battons pour que les générations futures puissent vieillir dans la dignité en ayant un accès décent à la santé, au logement et un montant de pension de retraite décent, égal pour toutes les femmes et pour tous les hommes.
Nous refusons toute dérive vers un système de capitalisation.
Nous refusons l’âge pivot de l’accès à la retraite complète, après 60 ans.
Nous refusons le système de retraite à points, lié aux seuls jours travaillés, au budget et à la conjoncture économique. La plupart des salarié·es âgé·es ne travailleront pas plus longtemps. Ils et elles finiront leur vie au chômage puis avec une pension de retraite diminuée par la décote.
Nous soutenons les personnels de la santé. Nous savons plus que d’autres ce que sont les conditions de vie des patients et des personnels soignants à l’Hôpital, nous savons leur désintéressement, leur savoir-faire.
Nous soutenons celles et ceux qui sont dans la dépendance, qui vivent dans les EPHAD, où les « vieux », qui n’ont plus ni la voix ni la force de décider pour eux-mêmes, se voient souvent imposer des conditions de vie contraires à la simple dignité. Nous sommes contre le tout sécuritaire et médical qui veut que nos familles assument notre mort sociale et notre invisibilité. Nous voulons l’autogestion de nos vies et le choix de mourir dans la dignité.
Nous soutenons les jeunes : lycéens, étudiants, jeunes en apprentissage, jeunes des quartiers populaires. Le monde est plus dur avec eux qu’il ne l’a été avec nous. Le capitalisme les exploite durement et vole leur jeunesse comme il nous vole notre vieillesse. Nous ne sommes pas contre les jeunes mais contre ce qui les fait vieillir prématurément : l’aliénation par la publicité, l’abrutissement par BFM et autres médias du pouvoir, les violences policières, les inégalités dans le travail, le logement et les discriminations. Les jeunes dans la galère, les vieux dans la misère ; cette société-là, on n’en veut pas !
Nous ne voulons pas être la génération qui aura sacrifié les suivantes
Organisons-nous pour soutenir le mouvement gréviste et pour nos droits !
Signatures :
Paul Ariès, 60ans, politologue, rédacteur en chef de la revue les Zindigné(e)s, Sylvette Amestoy, Jacky Assoun 74 ans, Francine Bavay, deux tiers de siècle, Alima Boumédienne, Raymonde Bonnet, Julie d’Aiglemont, Jean-Yves Croizé, Christophe Dauphin, JL Dimino Dinome 58 ans, René Durand, 72 ans, retraité, Didier Epsztajn, 67 ans, salarié-retraité, Fabrol Yannick 65 ans consultante en santé ,Fabrol Emile 70 ans cadre de la fonction publique territoriale, Patrick Farbiaz, retraité 66 ans,, Jean Fauché, 72 ans, Jean-Marc Fontaine, 63 ans retraité SNCF syndicaliste, Yves Frémion, 72 ans, écrivain, Jacques Guillermet. 65 ans, adhérent CGT, Agnès Guitet, 69 piges, retraitée, Annick Havraneck, 77ans, Jack Havraneck, 78 ans, Alain Jean-Joseph, 72 ans, Retraité de l’Educ Nat, Patrick Jiména, 56 ans, Jean Lafont, 75 ans retraité, Michel Lanson, 70 ans, Philippe Leclercq, 71 ans, retraité, Régis Lecuru, 64 ans retraité, Sophie Le Dily, 68 ans, retraitée, François Maillard, 64 ans, retraité, Dom Manières, Christiane Mbayo-Guédon, Francelyne Meurant-Bagnall, Martine Michaudet-Rainaud 75 ans, Gilles Monsillon, 62 ans, Martine Monsillon 67 ans, Philippe Monsillon 65 ans, Nicole Péruisset-Fache, 70 ans, retraitée active , Jean Jacques Piard, Jean-François Pin, retraité 71 ans, Claude Rossignol retraité, 75 ans, Yvette Rossignol, retraitée, 70 ans, Michel Sénégal, 72 ans ( 30 ans en 3×8), militant CGT, Christian Sunt, Thierry Thibault, Claude Vilain 74 ans, Olivier Vinay, 69 ans, retraité actif, Roger Winterhalter, 81 ans