LFI bénévoles matériel

15 millions de tracts en 3 semaines – Grandeur et efficacité de LFI et de ses volontaires

Au sortir de la campagne des européennes, la dissolution de l’Assemblée nationale remet tous les partis en ordre de bataille. À peine le résultat connu, il faut tout recommencer, tout repenser pour repartir à nouveau en campagne. Mille questions sont en suspens le soir du 9 juin, notamment sur l’union ou non entre les formations de gauche. Quels que soient les équilibres politiques à venir, le mouvement insoumis doit se préparer à toute éventualité. Dans le dispositif général de LFI, un pôle, pas toujours le plus visible, mais néanmoins indispensable, se prépare à 3 semaines très intenses : le pôle matériel.

Le soir du 9 juin, 20 minutes après l’annonce de la dissolution, son responsable est déjà en train de commander des quantités astronomiques de papier à son imprimeur. Bulletin de vote, circulaires, tracts, affiches, bandeaux, tout est à refaire, à penser, à empaqueter et à livrer dans tout le pays. Heureusement, les insoumis sont prévoyants. Les stocks de papier étaient déjà prêts depuis les dernières législatives, lorsque Jean-Luc Mélenchon avait prévu qu’Emmanuel Macron risquait fortement de dissoudre l’Assemblée nationale sans majorité en cours de mandat. À 21 heures, les premiers messages d’appel aux volontaires sont envoyés. Le pôle est prêt pour la plus historique des campagnes.

Quel bilan après 3 semaines ? Aidé par ses militantes et militants dévoués, le pôle matériel a envoyé plus de 15 millions de tracts et près de 600 000 affiches, pour un total de… 68 tonnes de matériel électoral. 7 580 commandes envoyées en seulement trois semaines, plus de 3 par minutes enregistrées en ligne depuis le 9 juin sur la plateforme Action Populaire. En proportion, des chiffres jamais atteints lors de la campagne présidentielle de 2022.

Ce pôle représente à la fois la puissance organisationnelle du mouvement insoumis et le dévouement de ses militants dans les moments cruciaux. Partout en France, des militantes et militants reçoivent leurs colis et leur matériel prêt à coller ou distribuer. Mais qui se cachent derrière ces milliers de colis ? Comment envoyer 15 millions de tracts en 3 semaines ? Comment gérer le stress que cela implique ? Par cet article, L’insoumission donne la parole et rend hommage à tous les volontaires du matériel, sans qui le matériel électoral de LFI ne pourrait être distribué dans tout le pays. Plus largement, L’insoumission salue l’engagement des militantes et miliants, souvent cachés dans l’ombre, qui contribuent à la force du mouvement insoumis dans tout le pays. Notre article.

Après la dissolution de l’Assemblée nationale, le pôle matériel de LFI doit faire face à un immense défi logistique

9 juin 2024, 20 heures. Nourrie par 7 ans de macronisme, l’extrême droite arrive en tête des élections européennes. La liste de LFI, portée par Manon Aubry, récolte 1 million de voix supplémentaires par rapport à celles de 2019, en particulier dans la jeunesse et dans les quartiers populaires. 9 euro-députés sont envoyés ou réélus au Parlement européen. À La Rotonde Stalingrad, c’est l’effervescence. Et pour cause, c’est le lieu réservé par les insoumis pour cette soirée électorale. Personne ne s’attend à ce qui va suivre.

Dans une petite salle, une petite vingtaine de militants et salariés travaillent en silence. Certains relaient les prises de paroles des parlementaires insoumis en plateaux, d’autres font de la veille et surveillent les différentes chaines infos. Vers 20 heures 30, la prise de parole de Macron est annoncée. À ce moment, d’aucuns s’attendent à des paroles vides de la part du chef de l’État, qui seront oubliées dès le lendemain. Quelques minutes après 21 heures, l’un des « veilleurs » enlève ses écouteurs et crie dans la salle : « Macron dissout ! ». Chacun essaie de retrouver le passage où le chef de l’État prononce cette phrase, véritable boulet de canon sur la vie politique du pays.

Il l’a dit. Les prochaines élections législatives auront les 30 et 7 juillet prochains. À peine les élections européennes terminées, l’heure est à la mobilisation générale dans toutes les organisations politiques. 20 minutes après l’annonce de la dissolution, le responsable matériel de LFI, Ulysse, est en train de vérifier avec son imprimeur s’il a bien les stocks de papier réservés à l’avance par le mouvement insoumis. Après une intense campagne européenne, tout est à refaire : tracts, affiches, stickers, professions de foi, bulletins. Le tout, en partant de zéro, sans assurance à ce moment que la gauche sera rassemblée. Bien sûr, à l’heure où l’on écrit ces lignes, on connait la suite : l’ensemble des organisations politiques partent sous la bannière du Nouveau Front Populaire. Historique.

Le dimanche 9 juin au soir, des milliers de personnes se demandent comment elles vont pouvoir se rendre utiles dans la très courte campagne qui s’annonce. Le 10 juin vers midi, 3 870 personnes avaient rejoint LFI. Des messages sont passés dans les boucles militantes : le pôle matériel de LFI va avoir besoin de renfort. Car oui, le mouvement insoumis dispose d’un pôle à part entière pour gérer son matériel électoral. En plus de quelques salariés payés par le mouvement, tous ceux qui aident à faire tourner ce pôle sont des bénévoles.

Grâce à eux, des millions de tracts et d’affiches sont expédiés dans tout le pays pour que les militants et militantes puissent mener campagne. Cette campagne législative express met le pôle face à des défis logistiques majeurs : comment envoyer autant de tracts en si peu de temps ? Comment former de nouveaux volontaires dont on a besoin ? Comment faire parvenir les commandes qui s’accumulent sans finir sur les rotules ?

Pour aller plus loin : 53 329 nouveaux insoumis – La campagne massive du Nouveau Front Populaire partout dans le pays

Envoyer 68 tonnes de matériel dans tout le pays : la journée type au matériel de LFI

De la décision de faire un tract à son arrivée dans les mains de militants à l’autre bout, il y a des étapes fondamentales qu’il est bon lieu de rappeler ici. Dans l’ordre : écriture du texte, mise en forme par les graphistes, envoi d’un fichier à l’imprimeur-partenaire, réception du matériel par palettes de 750 kilos, répartition des commandes réalisées via la plateforme en ligne de LFI, Action Populaire, empaquetage des colis, pose des étiquettes avec les adresses indiquées, chargement des chariots, récupération et envoi de ces chariots par La Poste, et ainsi de suite.

« Au début des législatives, on ne savait pas trop ce qui allait se passer. On était dans l’attente du matériel, on préparait l’espace pour l’accueillir »

Lucas

Un stress constant règne-t-il, surtout pour cette campagne express des législatives ? Pas vraiment. « On est plus dans l’urgence que dans le stress. Même l’urgence éponge le stress. On fera forcément des erreurs, on le sait et c’est normal. On ne peut pas faire autrement », explique Anne, qui a répondu à l’appel de volontaires pour ces élections législatives. Au tout début des législatives, l’incertitude règne davantage que toute autre forme d’anxiété. « Au début des législatives, on ne savait pas trop ce qui allait se passer. On était dans l’attente du matériel, on préparait l’espace pour l’accueillir », raconte Lucas.

Sauf bug informatique ou erreur humaine, rien ne peut vraiment enrayer le fonctionnent du pôle matériel en son sein. Les moments de blocages viennent des « conditions externes », témoigne Louise, également nouvelle. « Des contraintes logistiques se posent à nous quand on n’a plus les stocks ou quand la salle est pleine de colis parce que Chronopost n’a pas pu passer. Des fois, y a des conditions externes qui font qu’on ne peut pas avancer et ça fait un blocage. Là, on pense aux militants sur le terrain qui n’attendent que leurs tracts pour faire gagner le Nouveau Front Populaire », poursuit-elle.

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C’est quoi une journée-type finalement au pôle matériel pendant ces élections législatives ? « Le matin, je prépare les plans de travail pour tout le monde. Les premiers jours, on formait un maximum les nouveaux. Maintenant, dès le matin on gère les commandes, on prépare les étiquettes pour les envois à La Poste », explique Arnaud. 2 jours après la dissolution, il s’est retrouvé responsable organisationnel de l’envoie du matériel. Une lourde responsabilité. À chaque bénévole, il distribue une feuille de commandes dont il doit s’occuper.

Durant ces 3 semaines de campagne, il y a tellement de matériel à envoyer que La Poste doit venir plusieurs fois par jours récupérer les colis. « La poste vient faire de la ramasse une fois par jour, normalement. Là c’est 2 à 3 par jours. Si en temps normal on fait 3-4 chariots, là on monte jusqu’à 13-14 chariots, c’est assez important », nous explique Pascal, au matériel depuis 2019. « On envoie du matériel dans toute la France, dans le monde entier, à Papeete, principalement des pays francophones. Ce matin j’avais un colis pour l’Allemagne et un colis pour le Royaume-Uni », nous raconte-t-il.

« Les tâches sont répétitives. C’est lourd. Tout le monde ne connait pas les positions adéquates pour ne pas se faire mal », rappelle Annick. Une journée au matériel n’est pas de tout repos. Avec une certaine expérience, elle apprend aux nouveaux ce qu’on lui a enseigné. Du savoir brut, que l’on n’apprend qu’en mettant les mains dans le cambouis : « Faire des colis, qu’ils puissent partir d’ici, qu’ils tiennent la route et qu’ils arrivent à bon port, tout ça s’apprend. Bien agencer un carton, choisir la taille, serrer les cartons dans la cercleuse qui serre les colis… », énumère-t-elle.

À l’heure où nous terminons ces lignes, grâce aux militantes et militants du matériel, 7580 commandes ont été envoyées en 3 semaines. 68 tonnes de matériel électoral ont été empaquetées, divisées entre 600 000 affiches et plus de 15 millions de tracts. « Y avait des colonnes de gens qui venaient chercher le matériel. On n’avait jamais vu ça, même pendant la présidentielle », souligne Annick.

L’envoi de matériel comme sociabilité militante et comme témoignage des consciences qui se créent

Envoyer 15 millions de tracts en 3 semaines, cela crée indéniablement des liens, entre les près de 200 militants qui se relaient. « Vu que le rythme est soutenu, au début, on ne faisait pas de pauses. Parfois, tu ne penses pas toujours à manger. Maintenant, on fait des roulements, on se relaie. Une bonne ambiance s’est faite assez rapidement », souligne Lucas. « On se marre bien. Il n’y a pas de stress collectif qui se crée. On se soutient mutuellement. Des relations d’amitiés se sont créées », complète Anne.

« C’est un collectif joyeux. Dès qu’on a une contrainte technique, on s’y met à plusieurs pour trouver la solution. Le collectif est assez puissant », témoigne Louise, qui s’est engagée au pôle matériel au lendemain des européennes. Pour que les militantes et militants tiennent le rythme, ces derniers doivent prendre des pauses régulièrement. C’est l’une des autres tâches d’Arnaud qui se charge aussi d’organiser des moments conviviaux pour décompresser des heures de travail accumulées. Des moments précieux, nous témoignent les volontaires interrogés.

« On se marre bien. Il n’y a pas de stress collectif qui se crée. On se soutient mutuellement. Des relations d’amitiés se sont créées »

Anne

Parfois, aider au pôle matériel rend témoin de la formation de nouvelles consciences. Ému, Annick raconte un souvenir qui l’a marqué, lors de l’élection présidentielle de 2022. « Un jour, des parents sont venus avec leur garçon, il avait 10-11 ans. Il regarde, il se promène entre les différents cartons. « Qu’est-ce tu veux qu’on emmène », lui ont demandé ses parents. Ils ont pris ce qu’il avait choisi. En partant, il m’a regardé et il m’a dit : je reviendrai quand je serai grand ! »

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« Chacun à son poste » : la leçon de militantisme donnée par les volontaires du matériel

Dans une campagne électorale, aucune fonction n’est moins importante que les autres. Jean-Luc Mélenchon le souligne souvent : à chacun son poste, à chacun ses tâches, qui doivent être bien réalisées pour que la machine ne s’enraye pas. Parler avec les volontaires du pôle matériel de LFI, les observer à l’ouvrage, donne à chacun une leçon de militantisme.

« Ils ont fait un travail énorme et ils ont réussi à expédier tout ce qui avait été commandé avant le premier tour. Ils ne savaient pas que c’était impossible alors, ils l’ont fait. »

Ulysse

Jusqu’où peut-on aller pour défendre ses idées ? Combien de temps sommes-nous prêts à donner pour faire gagner le mouvement que nous défendons ? À quoi sommes-nous prêts à renoncer pendant un temps ? Ce sont des militants dévoués, de l’ombre, qui savent au fond d’eux la grande utilité de leur tâche. C’est là une excellente illustration de « mettre ses mains dans le cambouis ». En réalité, aucun autre mouvement politique ne peut revendiquer à la fois une telle puissance organisationnelle et une telle indépendance à ce niveau-là. Les tracts peuvent être imaginés, imprimés, livrés pour être empaquetés… Tant qu’ils n’ont pas la main à la pâte, le matériel ne peut pas être livré aux militantes et militants qui en ont besoin sur le terrain.

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« Pendant cette campagne, j’ai pu m’appuyer sur une équipe incroyable. Je n’avais aucun stress côté expédition de colis. Ils ont fait un travail énorme et ils ont réussi à expédier tout ce qui avait été commandé avant le premier tour. Ils ne savaient pas que c’était impossible alors, ils l’ont fait. Il faut dire qu’ils ont aussi été aidés par des dizaines de nouveaux volontaires. Mais toute cette énergie se serait perdue sans des cadres bien formés, accueillant avec pédagogie et totalement dévoués à leur mission », salue Ulysse.

À la fin de notre entretien, Pascal confie, un brin ému : « Quand tu vas faire du porte-à-porte, je m’en souviens en 2022, que tu vois les gens que tu as convaincus, tu dis que ça vaut le coup d’avoir toqué à leurs portes. Tu vois, je me déplace souvent en France. Et quand tu vois les affiches affichées, tu te dis « j’y ai contribué un peu quoi ». Même les 22%, tu te dis que tu n’en es peut-être pas pour grande chose, mais au moins pour une bonne partie ».

Par Nadim Février