Pédocriminalité. La plus grande affaire de pédocriminalité française a eu lieu dans l’établissement privé catholique Notre-Dame-de-Bétharram, situé à trente kilomètres de Pau, et s’est déroulée pendant des décennies, des années 1950 à 2010. Un collectif d’anciens élèves et des témoignages ont dénoncé une multitude de violences et d’agressions sexuelles par des prêtres, des surveillants et même des résidents.
Mediapart a mis le doigt sur ce scandale d’État et a révélé que le Premier Ministre François Bayrou aurait menti à plusieurs reprises en assurant ne rien savoir à propos de ces accusations et aurait ainsi couvert ces actes violents et pédocriminels par son silence. Un scandale pour le moment caché au grand public mais médias indépendants et députés LFI sont montés au créneau pour le dénoncer. Le député insoumis, Paul Vannier, a notamment réalisé une vidéo pour expliquer l’ampleur de ce scandale et développer les raisons qui indiquent que Bayrou était au courant des abus qui ont eu lieu. Notre article.
Bayrou défend aveuglément l’institution catholique dont le personnel est accusé de violences
D’après les témoignages, notamment recueillis grâce au collectif d’anciens élèves, les faits ont commencé dans les années 1950. Mais c’est en 1996 qu’une première plainte est déposée, mettant la lumière sur les agissements du personnel de cet établissement catholique privé sous contrat. Un surveillant général de ce pensionnat est condamné pour avoir frappé un élève, lui laissant des séquelles à vie.
Cette affaire a un écho national et paraît dans la presse. Difficile alors de penser que le ministre de l’Éducation Nationale ait pu passer à côté, d’autant plus que son fils était scolarisé dans cet établissement au moment des faits. Le jeune garçon de 14 ans qui a été violenté était dans la même classe que le fils du maire de Pau.
Alors que l’actuel Premier Ministre dément avoir eu connaissance des faits, Mediapart fait émerger un paradoxe dans sa version : en 1996, il « s’était même rendu directement à Notre-Dame-de-Bétharram pour apporter son soutien à l’établissement à l’occasion de la réception de travaux de toiture ».
Il avait même, à cette occasion, formulé son soutien envers l’établissement et son personnel, en affirmant que « les Béarnais ont ressenti ces attaques avec un sentiment douloureux et un sentiment d’injustice ». Mais quand la condamnation est tombée un mois plus tard, silence radio de la part du Ministre de l’Éducation Nationale, qui n’a même pas publié le moindre communiqué de soutien à la victime ou de condamnation des violences.
Agressions pédocriminelles en 1998 à Notre-Dame-de-Bétharram : Bayrou nie en bloc
En 1998, l’établissement est épinglé pour la deuxième fois publiquement pour des crimes d’une gravité majeure. Le père Carricart, prêtre et ancien directeur de l’école, est mis en examen pour avoir violé un enfant pensionnaire au sein de l’internat. Le juge, Christian Mirande, place le père Carricart en détention. Mais il est rapidement libéré et exfiltré au Vatican. Il se suicide lorsque le juge le convoque à nouveau, peu de temps après, suite à une seconde plainte l’accusant à nouveau de viol sur mineur.
Récemment, trois nouveaux témoignages accusent le même prêtre. Le silence de Bayrou sur cette période interroge. Mediapart a enquêté et révèle que « plusieurs témoins de l’époque le contredisent » alors qu’il jure n’avoir été au courant de rien. Le journal révèle que la femme du Premier Ministre, d’ailleurs enseignante au sein de l’établissement, était aux obsèques du pédocriminel père Carricart.
Cela semble détonner avec la version soutenue par son mari qui affirme « je ne connaissais pas le père Carricart, si ce n’est peut-être de vue ». Preuve encore que le maire de Pau était au courant des faits, puisque d’après la journaliste Dominique Conil, « des parents avaient écrit à François Bayrou ».
La révélation marquante faite par le journal, c’est la confirmation apportée par le juge Mirande d’avoir eu un échange avec Bayrou sur cette affaire. Le ministre de l’Éducation Nationale de l’époque avait alors tenté, selon lui, d’obtenir des informations confidentielles sur ce dossier couvert par le secret de l’instruction. Embarrassant témoignage pour un homme qui jure n’avoir été au courant de rien.
Après avoir nié en bloc cette discussion avec le juge, le chef du Modem est récemment revenu sur sa version en expliquant que les deux hommes s’étaient brièvement vu, mais affirme « jamais, bien entendu, je n’aurais eu l’idée d’interférer avec l’instruction ». Alors que, lors d’un entretien pour le journal indépendant, le juge Mirande maintient que leur « rencontre de l’époque ne portait pas sur autre chose, c’était spécifiquement sur ce dossier, notamment parce que l’un de ses enfants était scolarisé à Notre-Dame-de-Bétharram ».
Le Premier Ministre aurait-il menti et couvert des actes de pédocriminalité ?
Les journalistes de Mediapart ont mené l’enquête afin de vérifier la version du Premier Ministre qui maintient n’avoir été au courant d’aucun fait. Étonnant sachant que sa femme enseignait dans cet établissement et que ses enfants y étaient scolarisés au moment des faits.
Surprenant sachant qu’il a successivement été élu au niveau local, départemental et même national durant cette période. Les coïncidences semblant contredire Bayrou ne s’arrêtent pas là, puisque les journalistes ont fait ressortir de nombreux témoignages affirmant que l’intéressé était au courant des accusations et n’aurait absolument pas réagit.
Le député insoumis, Paul Vannier, a fait une vidéo pour expliquer l’ampleur de ce scandale et développer les raisons qui indiquent que Bayrou était au courant des abus qui ont eu lieu. Le dirigeant insoumis rappelle que durant les faits, le Premier Ministre était à la fois parent d’élève, élu local en tant que maire de Pau (depuis 2014), président départemental du conseil des Pyrénées-Atlantiques (de 1992 à 2001) et député du département (de 1986 à 2012 avec-quelques années d’interruptions).
Il a même été ministre de l’Éducation Nationale (de 1993 à 1997) au moment où des certaines accusations et membre du conseil général des Pyrénées-Atlantiques (de 1982 à 2008).
Il pointe du doigt le fait que Bayrou ait essayé d’obtenir des informations confidentielles auprès du juge qui avait été saisi du dossier. Une possible tentative d’entrave à l’instruction pour un dossier d’une telle envergure serait une faute très grave et indigne d’un représentant de l’État.
Paul Vannier évoque l’incompréhension et la stupéfaction devant le silence du Premier Ministre, et affirme qu’il doit absolument rendre des comptes devant les victimes, devant la presse et devant la représentation nationale. Le député du Val-d’Oise statue que si Bayrou prolonge son silence et sa complaisance, il ira l’interpeler directement.

Le député insoumis Paul Vannier lutte contre l’omerta des écoles privées et la ségrégation sociale
L’insoumis Paul Vannier pointe du doigt depuis un moment l’omerta sur les établissements privés sous contrat avec l’État, très largement financés sur fonds publics. Rappelons que l’État, en 2022, avait dépensé au moins 8,1 milliards d’euros pour les établissements privés sous-contrat, en laissant parallèlement les services publics se détériorer à coups de coupes budgétaires et de fermetures de postes/établissements publics.
Pour aller plus loin : Enseignement privé : le rapport accablant du député LFI Paul Vannier
Il travaille depuis des années pour éclaircir les scandaleux financements opaques des écoles privées sous contrat qui promeuvent des pratiques non-conformes aux principes de la République et se bat contre l’injustice sociale et le séparatisme engendré. Il s’était notamment insurgé après les scandales du lycée privé Stanislas, lycée préféré de l’ancienne brève ministre de l’Éducation Nationale Amélie Oudéa-Castéra.
L’élu insoumis du Val-d’Oise avait fait un rapport de 178 pages pour mettre fin à cette « omerta du financement public de l’enseignement privé sous contrat » et continue de lutter pour un contrôle des établissements privés, une transparence sur leurs financements, notamment publics et un accès juste et égal à l’éducation.
Bayrou va-t-il enfin briser le silence ?
Malgré les scandales et les alertes que Bayrou ne peut plus feindre d’ignorer, il a conservé de très bons liens avec les Pères de Bétharram puisqu’« en février 2020, pendant la campagne pour sa réélection à la mairie de Pau, l’actuel premier ministre annonçait avoir obtenu l’accord de la direction de la communauté pour racheter un bâtiment qui lui appartenait […] L’acquisition a été réalisée dès l’été suivant, pour 1,1 million d’euros ».
Suite aux révélations de Mediapart et à la lumière faite sur l’absence de réaction du Premier Ministre face aux violences et crimes pédocriminels, ce dernier va être obligé de sortir rapidement de son mutisme et de rendre publiquement des comptes.
Par Camille Oulès