romans-sur-isère

Romans-sur-Isère – Qui se cache derrière la manifestation d’extrême droite déguisée en « hommage » ?

Samedi 30 novembre 2024, à Romans-sur-Isère (Drôme), deux manifs, deux ambiances. D’un côté, dans le quartier populaire de la Monnaie, 800 antifascistes défilaient contre le racisme et en hommage aux drames qui ont secoué la ville de 33 000 habitants ces derniers mois. Répondant à l’appel de collectifs, d’associations, de syndicats et d’organisations politiques, dont le Réseau Insoumis Antifasciste, ils ont manifesté au son de « Romans antifa » ou « Romans antiraciste ».

En comparaison, l’autre manifestation déclarée ce jour-là fait pâle figure. À quelques centaines de mètres, dans le centre-ville, ce sont au mieux 220 nervis d’extrême droite qui ont défilé, soi-disant en hommage à Thomas Perotto, tué lors d’une rixe il y a un an, mais avec des slogans ouvertement xénophobes et racistes, et des motivations très politiques, loin du simple « hommage ».

On ne peut pourtant pas dire que les autorités, policières et politiques, n’avaient pas choisi leur camp. Utilisant au premier degré le terme « francocide » (inventé par Eric Zemmour), le préfet avait renvoyé dos à dos fascistes et antifascistes. La maire de Romans, Marie-Hélène Thoraval (LR), a plusieurs fois affiché son soutien aux activistes d’extrême droite. Mais sait-elle vraiment à qui elle a affaire (si tant est qu’elle en ait quelque chose à faire) ? Notre article.

Raphaël Ayma : la grenouille qui se voyait comme un bœuf

Il faut être clair d’emblée : R. Ayma n’est pas un grand stratège. À propos de ses soutiens politiques, il les expose sans complexe en live : Mme la maire de Romans est venue les saluer, lui et sa bande de squadristes, après leur manifestation, et une source policière lui aurait transmis des informations ! De plus, ses efforts de communication, de mobilisation de réseaux d’extrême droite de toute la France (Rouen, Valence…) n’a réuni que 220 misérables nervis.

Dans l’art de mettre ses alliés (anciens ou actuels) dans l’embarras, Ayma est passé maître. Comme Streetpress l’a révélé, il a été assistant parlementaire du député RN Philippe Schreck, qui a semble-t-il trouvé son âne en la personne d’Ayma (de son vrai nom Raphaël Ferron Lagier). Il a depuis été renvoyé, et pour cause : il est le dirigeant d’un des groupuscules néofascistes les plus actifs du Sud, Tenesoun, connu pour ses idées racistes et ses actions violentes.

Pour aller plus loin : Raphaël Ayma – Qui est ce nazi recruté comme collaborateur du RN ?

Evidemment, le RN a fait semblant de ne pas être au courant, comme il a fait semblant de ne pas connaître les sympathies nazies d’Ayma, admirateur de l’ancien Waffen-SS Léon Degrelle (décoré par le Führer, excusez du peu). Pourtant, Ayma et ses proches pleurnichent sur Twitter : le RN était parfaitement au courant, et l’a injustement jeté comme une chaussette sale dès que l’affaire a été rendue publique. Non, Raphaël Ayma n’est pas un as de la diplomatie.

Après son court passage à l’Assemblée Nationale, il s’est cherché une cause à défendre, ou à vampiriser. Mais comme il manque d’imagination, il a choisi de se repaître, comme tant d’autres de son camp, sur le corps de Thomas Perotto. Il est ainsi à l’initiative du collectif « Justice pour les nôtres », créé en octobre dernier, dont le motif est simple : dénoncer le soi-disant « francocide » par l’immigration.

Pour eux, la mort de Thomas s’inscrit dans un contexte de lutte des civilisations, voire de lutte des races. Leurs « nôtres », ce sont les français blancs, « de souche », opposés à « eux », les personnes racisées, françaises ou non, et leurs alliés de « l’ultra-gauche ». Une telle initiative a été tout de suite applaudie par toute l’extrême droite : l’identitaire Alice Cordier a salué « un très bel hommage » rendu samedi, et le député RN Julien Odoul a dénoncé l’interdiction de la manifestation du collectif par la préfecture.

Endy Thivolle : un coach sportif particulier

Sur son compte Instagram, Endy Thivolle se présente comme un simple « coach sportif ». Et en effet, en survolant ses publications, on n’y voit rien d’autre que du contenu sportif. Néanmoins, aucune publication avant octobre 2023. Or, en fouillant un peu, on devine que Thivolle a totalement nettoyé son compte Instagram de ses contenus plus « politiques ».

Pourtant, Thivolle grenouille dans les eaux sombres de l’extrême droite, violente comme institutionnelle. En 2020, il est candidat sur la liste LR aux élections municipales de Valence. En 2021, il aurait dû accéder au conseil municipal suite à la démission d’un élu (une histoire de négation du génocide arménien), mais il a été bloqué dans son ascension. Et pour cause : Thivolle n’a jamais fait de mystères sur son appartenance à Génération Identitaire (GI), groupe dissous la même année pour incitation « à la discrimination ou à la violence envers des individus en raison de leur origine, de leur race et de leur religion ».

Déçu, il rejoint la campagne d’Eric Zemmour et son mouvement de jeunesse, Génération Z, lors de l’élection présidentielle. Suite à la dissolution de GI, il tente de faire revivre la mouvance identitaire avec son groupe, Valence Patriote, devenu aujourd’hui Obélio. Leur fait d’arme le plus notable est l’attaque d’un rassemblement féministe en novembre 2021. Malgré sa nouvelle image dépolitisée, il est l’un des déclarants de la manifestation d’extrême droite de samedi dernier, à Romans-sur-Isère.

Pierrick Payet, bras armé de l’extrême droite drômoise

Parmi les déclarants en préfecture de cette manifestation, on trouve un autre leader d’Obélio (ex-Valence Patriote), Pierrick Payet. Comme son camarade de beuverie (ils fréquentent le même bar identitaire) et de bagarre Thivolle, il est passé par Génération Z.

Comme le montre son compte Instagram, il est également intervenu à l’Institut de Formation Politique (IFP), école de formation politique d’extrême droite qui brasse dans toutes les chapelles de cette famille politique.

Voilà pour sa vie civile. Mais ce qui rend son profil plus inquiétant est son métier. En effet, Payet, comme il le montre aussi sur son compte Instagram, est militaire dans le 21ᵉ régiment d’infanterie marine. On le voit ainsi exhiber le blason de son régiment, ou encore prendre la pose en uniforme, un Famas à la main. La question est : ses supérieurs hiérarchiques sont-ils au courant de son appartenance politique, peu compatible avec son métier ? Ce ne serait pas la première fois que des militaires sont pointés pour leurs accointances identitaires, voire néonazies.

image 10
Sur Instagram, Payet affiche son appartenance au 21e régiment d’infanterie marine, juillet 2024
image 11
Payet, dont le nom est visible en haut à gauche, prend la pose en uniforme et en armes, printemps 2024

Enfin, la dernière déclarante de la manifestation d’extrême droite de samedi dernier, on trouve une certaine Ange-Aurelle L., qui semble être originaire de Lyon, sans plus de détails. Maintenant que le profil des organisateurs de la manifestation d’extrême droite de Romans-sur-Isère le 30 novembre dernier est établi, que vont faire leurs soutiens les plus respectables ? Les élus RN vont-ils continuer à féliciter ces braves garçons, sympathisant nazi pour l’un, activistes identitaires violents pour les autres ? Quelle réaction aura l’armée ?

Enfin, Mme Thoraval, maire de Romans-sur-Isère, regrette-t-elle d’être allée chaudement féliciter ces nervis avant, pendant et après leur manifestation ? Vu ses prises de position racistes et antisociales passées, on ne peut qu’être d’accord avec ses habitants du quartier de la Monnaie, qui encore samedi dernier disaient « Mme Thoraval n’est pas la maire de tous les Romanais ! ».

Par Alexis Poyard