Mercosur. « Les agriculteurs ne sont pas dupes. Ils ne veulent pas de clauses miroirs ou de conditions, mais le rejet pur et simple du traité Mercosur ! ». Le 18 novembre à Beauvais, la députée LFI Aurélie et présidente des affaires économiques de l’Assemblée nationale était aux côtés des agriculteurs dont la mobilisation reprend de plus belle. Dans leur viseur, cet accord de libre-échange de l’Union européenne avec les pays du Mercosur, dont la ratification acterait leur arrêt de mort. Comment tenir face à des usines géantes d’Argentine et du Brésil dont les coûts de production sont extrêmement bas par une main d’œuvre surexploitée et un coût du foncier quasiment nul ? Comment ne pas entendre qu’un agriculteur se suicide tous les deux jours ?
En France, le traité Mercosur divise. LFI se positionne contre de façon constante pour protéger les agriculteurs, tout en bataillant pour des prix rémunérateurs garantis. Pour la Macronie, l’opposition de façade est de rigueur après avoir refusé de bloquer les négociations – une possibilité pourtant entre leurs mains – et après avoir censuré la proposition de résolution de LFI contre le traité prévu dans la niche parlementaire du groupe insoumis.
Quant au Rassemblement national, son groupe au Parlement européen valide systématiquement l’ensemble de ces traités tout en les dénonçant hypocritement sur les plateaux. Au-delà de ça, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen n’a eu cure de toutes les alertes formulées contre cet accord mortifère et l’a fait avaliser par l’Union européenne. Les conséquences seront terribles et Emmanuel Macron en sera complice. Notre article.
Mercosur : un traité aux conséquences dévastatrices
« Mercosur » désigne le Marché commun du Sud, une zone de libre-échange qui regroupe plusieurs pays d’Amérique du Sud. Il est composé de l’Argentine, du Brésil, du Paraguay et de l’Uruguay ; le Chili, la Colombie, le Pérou et l’Équateur y sont associés.
Or, l’Union européenne a conclu en 2019 un traité de libre-échange avec le Mercosur, qui n’a pas encore été voté. L’Union européenne s’est engagée à éliminer 92 % des taxes actuellement appliquées sur les biens sud-américains qui arrivent sur son sol. Il s’agit notamment d’ouvrir son marché agricole, par le biais de quotas. Une décision dévastatrice, puisqu’elle implique une concurrence internationale, féroce et déloyale, faite à notre agriculture.
L’accord implique que le Mercosur pourra exporter vers l’Europe 99 000 tonnes de bœuf, 180 000 tonnes de volailles, 250 000 tonnes de porc, 45 000 tonnes de miel et 35 000 tonnes de fromage. Cela met en concurrence deux systèmes productifs que tout différencie, par leurs conditions de production, mais aussi par le prix du travail ou du foncier. C’est aussi une décision grave en termes d’écologie, puisque les règles diffèrent énormément entre l’Europe et l’Amérique du Sud, notamment concernant les hormones.
Excepté LFI, tous les groupes politiques ont voté les traités de libre-échange au Parlement européen
Côté échiquier politique, la France insoumise s’est distinguée par son engagement constant contre cet accord injuste et déloyal. Du côté de la Macronie, on affirme ne pas soutenir le traité, mais on ne s’oppose jamais aux négociations. Comme l’explique le député insoumis Arnaud Le Gall, les macronistes voudraient renégocier l’accord en y apposant des « clauses miroirs », c’est-à-dire des conditions, notamment écologiques. Pourtant, la direction générale de la santé de la commission européenne affirme qu’il est impossible de déterminer avec certitude la présence d’hormones dans la viande brésilienne. Les clauses miroirs ne sont donc que de la poudre aux yeux jetée par le gouvernement.
Face à cette situation, la France insoumise demande de mettre la discussion du texte à l’ordre du jour de sa niche parlementaire, le 28 novembre. Jean-Luc Mélenchon l’affirme : « nous exigeons que ce décret soit discuté à l’AN et qu’il ne s’applique pas si les Français ne le votent pas ». Le gouvernement a refusé la démarche. Par courrier, Mathilde Panot a exigé sur le Gouvernement mette le traité en débat à l’Assemblée nationale. Ce lundi 19 novembre, le Premier ministre s’est résolu à accepter la proposition insoumise face à la pression.
Cet accord de libre-échange n’est pas seul. Il s’inscrit dans une liste d’autres accords votés au Parlement Européen. Par exemple, l’accord de libre-échange « JEFTA » entre l’UE et le Japon est entré en vigueur en février 2019. C’était alors l’accord de libre-échange le plus important jamais scellé par l’UE. On peut aussi évoquer les accords avec le Kenya et le Chili, dont nous avions évoqué les conséquences dévastatrices dans nos colonnes. Ils augmentaient déjà les quotas d’importation de viande, mais aussi de fruits et légumes, provoquant une véritable asphyxie de nos agriculteurs.
Au Parlement européen, seul le groupe de LFI a voté contre les différents accords de libre-échange, avec le Chili, le Kenya, la Nouvelle-Zélande. Le groupe auquel appartient le RN a voté en faveur de tous les accords de libre-échange. D’ailleurs, lorsqu’il a fallu voter sur le traité de libre-échange entre l’UE et le Chili, les députés européens du RN étaient… absents lors du vote.
Prix rémunérateurs, fin des accords de libre-échange, quelles sont les propositions de LFI pour répondre aux agriculteurs ?
Sortir du libre-échangisme pour entrer dans le protectionnisme écologique, voilà la solution proposée par les insoumis à long terme. L’objectif : protéger les agriculteurs de notre pays et relocaliser une large partie de la production agricole, pour ne plus dépendre de matières premières produites dans des conditions sociales et écologiques délétères. « Nous demandons au gouvernement de cesser de négocier des traités de libre-échange. Nous demandons d’ailleurs un moratoire sur les accords de libre-échange, [ils] font pression sur les prix payés aux producteurs agricoles », soulignait Aurélie Trouvé en conférence de presse du groupe insoumis le 23 janvier 2024.
Libre-échange mondialisé ou protectionnisme écologique ? Laisser libre cours au néolibéralisme destructeur ou se protéger des dangers du libre-échangisme ? La question est vite répondue. Au rythme actuel, les petites exploitations agricoles disparaîtront aux profits des fermes-usines des plus polluantes. Les agriculteurs, essayant tant bien que mal de produire bio, ne tiendront pas et continueront de mettre fin à leurs jours. Les grands mangeront les petits. L’agriculture française est en train de mourir. Il est encore temps de la sauver.
Cela ne passera ni par la signature de nouveaux traités de libre-échange ni par l’entrée de nouveaux pays au sein de l’Union européenne, comme l’Ukraine, qui mettront grandement à mal les agriculteurs français et européens. À l’heure de l’accélération du dérèglement climatique et du fait de la fragilité grandissante de nos matières premières, la France doit pouvoir se nourrir à la hauteur de ses besoins. Sans devoir dépendre de produits venus du bout du monde, produits avec des produits climaticides. Dans des conditions sociales délétères. La planification écologique et le protectionnisme écologique, voilà l’horizon.