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Violences à Amsterdam – Autopsie d’une faillite médiatique

7 novembre 2024. À Amsterdam, le club de football de l’Ajax reçoit le Maccabi Tel-Aviv pour le compte de la quatrième journée de Ligue Europa. Depuis la veille au moins, des centaines de supporters israéliens sont dans la ville. Arrivés au son du chant « mort aux arabes », ils ont déjà, au moment du coup d’envoi, brûlé un taxi, agressé des passants, arraché et vandalisé des drapeaux palestiniens, refusé de respecter une minute de silence en hommage aux victimes des récentes inondations en Espagne. Pour rappel, l’Espagne souhaite reconnaître l’État de Palestine et s’est prononcée pour l’embargo des armes envoyées à Israël.

Aux alentours de 23 heures, le coup de sifflet final retentit. Dans les heures qui suivent, la ville est le théâtre d’affrontements entre la population locale et les hooligans d’extrême droite du club israélien. Dès le lendemain matin, la presse se saisit de l’affaire : il y aurait eu des « pogroms » à Amsterdam – à noter que ce lundi, la maire d’Amsterdam regrette avoir utilisé ce terme. S’ensuivent plusieurs jours d’une hystérie médiatique mêlant désinformation, essentialisation des personnes de confession juives et stigmatisation de quiconque remettrait en cause le cadrage imposé. 

Mais très rapidement, les principaux éléments sur lesquels se basent les médias dominants se révèlent prouver l’exact inverse du cadrage qu’ils tentent d’imposer. Alors, contraints et forcés, certains commencent à reconnaître leurs mensonges après plusieurs jours d’une intense campagne de désinformation. Mais le mal est déjà fait : ceux qui ont été insultés ont été insultés, et les fake news se sont largement propagées. À de nombreux égards, cet épisode d’hystérie médiatique rappelle le traitement plus global du génocide en cours à Gaza. Notre article.

Séquence d’hystérie et de désinformation médiatique…

« RECTIFICATIF : contrairement à ce qui est dit dans cette vidéo, ce sont bien des supporters du Maccabi Tel-Aviv qu’on voit sur les images pourchasser des personnes vêtues de noir, et non l’inverse, comme l’a expliqué la photographe à l’origine des images ».

Il aura fallu près d’une semaine à BFMTV pour produire ce minable semblant d’excuses. Pendant 6 jours (et encore aujourd’hui pour de nombreux autres médias) la chaîne a arboré sans rectification une vidéo montrant des agressions commises par des supporters israéliens en faisant croire qu’il s’agissait de l’inverse. Pendant des dizaines d’heures, les intervenants les plus odieux se sont succédé sur ses plateaux comme sur beaucoup d’autres pour dénoncer une « chasse aux juifs » et des « violences antisémites » qui auraient eu lieu dans les rues d’Amsterdam. 

Comme le souligne notamment le média Arrêt sur images, c’est la quasi-totalité de la sphère médiatique et politique dominante qui a plongé dans l’hystérie, reprenant sans aucune vérification les termes de la propagande du gouvernement israélien, faisant notamment un usage régulier du terme de « pogroms »

… malgré des éléments contradictoires disponibles avant, pendant, et après le match

Dans le même temps, BFMTV, CNEWS, LCI et consorts se gardaient bien de parler d’une « chasse aux arabes » alors que circulaient déjà depuis l’avant-veille des informations et vidéos de hooligans israéliens chantant « mort aux arabes », glorifiant la mort des enfants palestiniens, appelant au viol des femmes et à boire le sang de leurs ennemis sur la principale place d’Amsterdam, agressant des passants, et mettant le feu à un taxi. Ces éléments ont d’ailleurs été officiellement confirmés par le chef de la Police d’Amsterdam.

Car c’est bien là que réside la culpabilité des médias dans l’opération de désinformation de grande ampleur qui a eu lieu ces derniers jours : des éléments contredisant exactement leur récit étaient déjà disponibles, connus, et d’ores et déjà relayés par des médias étrangers et sur les réseaux sociaux avant même la nuit du 7 au 8 novembre.

Sur un temps plus long et comme le rappelle notamment le député de la France insoumise Raphaël Arnault, les hooligans du Maccabi Tel Aviv sont par exemple connus pour être des habitués des agressions racistes. En mars dernier par exemple, en Grèce, ces mêmes hooligans lynchaient plusieurs jeunes athéniens parce que non-blancs. Mais pourtant, silence radio des médias sur l’historique de ces hooligans d’extrême droite et sur les images et témoignages d’agressions, d’humiliation, d’insultes et de provocations déjà disponibles.

À la place, ils se sont excités pendant plusieurs jours sur une vidéo montrant des agressions commises par des supporters israéliens tout en prétendant qu’il s’agissait de l’inverse. Il aura finalement fallu plusieurs mises en demeure de la journaliste néerlandaise à l’origine des images et un nombre incalculable de preuves vidéo afin d’obtenir que BFMTV, après des jours de désinformation, daigne produire un minable « rectificatif ».

L’essentialisation des Juifs et leur instrumentalisation par les médias

Bien-sûr, une publication de moins de 50 mots sur les réseaux sociaux ne fera rien face aux heures de désinformation de BFMTV, et encore moins face à celles des médias n’ayant toujours pas présenté la moindre excuse. 

Une publication de moins de 50 mots sur les réseaux sociaux ne fera rien contre celles et ceux qui, une fois n’est pas coutume, ont profité de cet épisode pour calomnier et insulter la France insoumise. Ainsi par exemple CNEWS a appelé à la déchéance de nationalité de l’eurodéputée insoumise Rima Hassan, a laissé dire que « LFI applaudit la chasse aux juifs », et le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a participé, dans un infâme exercice de communication, au harcèlement de la députée insoumise Marie Mesmeur.

Une publication de moins de 50 mots sur les réseaux sociaux ne fera rien non plus contre l’antisémitisme et l’essentialisation des personnes de confession juive. En s’étant obstinés à caractériser ces évènements de « chasse aux juifs » ou de « pogroms » en dépit de ce que les éléments factuels permettaient effectivement de caractériser, les médias ne font qu’une chose : réduire les personnes de confession juives à leur identité religieuse. Des chercheurs sur l’histoire et la sociologie de l’antisémitisme dénoncent aujourd’hui l’usage du terme de « pogroms » pour qualifier la violence qui a eu lieu à Amsterdam comme une insulte aux Juifs qui en ont véritablement été victimes.

Peu importe ce qu’ils aient fait ou ce qu’ils fassent, les hooligans du Maccabi Tel-Aviv ont été considérés par les médias, sans discussion possible, comme des Juifs ayant été attaqués parce que juifs. Il n’y a pas eu pour eux d’autre solution. 

Il va de soi qu’une telle violence doit être condamnée. Mais contrairement à ce que prétend le récit médiatique assommant qui s’est bien gardé de la moindre remise en contexte, rien ne permet de démontrer que les supporters du Maccabi Tel-Aviv, comme groupe, ont été pris à partie en tant que Juifs. Si des motivations antisémites ont bien-sûr pu émailler les affrontements, la maire d’Amsterdam souligne elle-même qu’aucune institution juive de la ville n’a été dégradée et que les attaques étaient « purement destinées aux supporters israéliens du Maccabi ».

Répétons-le s’il le faut : les affrontements violents entre hooligans sont inacceptable. Mais il est tout aussi intolérable de subir un récit médiatique essentialisant et instrumentalisant les Juifs afin de s’en prendre, comme toujours, à la France insoumise et aux voix de la Paix.

Une faillite médiatique qui n’est pas sans rappeler la couverture de la situation à Gaza 

L’hystérie médiatique autour des violences d’Amsterdam n’est pas sans rappeler la couverture plus large par les médias dominants du génocide en cours à Gaza. Dans les deux cas, toute critique de ce qui se rapporte directement ou indirectement à Israël est nécessairement antisémite pour l’officialité médiatique. Dans les deux cas, en somme, les Juifs sont essentialisés en tant que Juifs. 

Dans les deux cas aussi, la violence et la souffrance ne méritent d’être montrées et dénoncées que pour un camp, en dépit parfois de la réalité.

À Amsterdam, il n’est ainsi fait aucune mention de la violence et de l’historique des hooligans d’extrême droite du Maccabi Tel-Aviv ayant précédé les affrontements, et des fake news sont massivement diffusées pendant plusieurs jours en les faisant passer pour des victimes lorsqu’ils sont des agresseurs. Quiconque ose mentionner les faits est alors taxé de cautionner une « chasse aux juifs », et les maigres excuses de certains médias ne feront rien face aux insultes et à la propagation déjà large de la désinformation.

À 3 300 kilomètres de là, à Gaza, tout semble avoir débuté le 7 octobre 2023, et quiconque ose mentionner les 75 ans de violation du droit international par Israël, même s’il condamne explicitement les atrocités commises par le Hamas, se voit affublé des pires accusations. Dans ce cas aussi, les fake news de la propagande du gouvernement israélien sont encore reprises sur les plateaux de la presse bourgeoise.

Pour aller plus loin : Israël – 75 ans de violation du droit international et des résolutions de l’ONU

Ces derniers jours, entre la stigmatisation du tifo pour la paix au Parc des princes, la couverture médiatique des violences d’Amsterdam et l’instrumentalisation du match France-Israël, il semble que, pour les soutiens du génocide, le sport en général et le football en particulier ne soient plus si apolitiques que ça. Car dans ces cas comme dans d’autres, tout est prétexte à l’instrumentalisation du génocide et à la stigmatisation des voix de la Paix. 

Par Eliot