Lors de son intervention le 29 septembre 2024 à Pézenas, dans le cadre de la Fête des insoumis de l’Hérault, Éric Coquerel, député de La France Insoumise (LFI) et président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, a pris la parole pour aborder plusieurs sujets clés sur l’actualité politique et internationale, notamment la crise au Liban, le budget de l’État français, et les enjeux autour de la réforme des retraites. Ses propos ont donné toute la dimension de l’urgence de la situation et la détermination de la France Insoumise à mener une bataille à la fois parlementaire et sociale contre le gouvernement de Michel Barnier.
Dès le début de son discours, Éric Coquerel a voulu replacer le contexte de son intervention dans l’actualité internationale. Il s’est arrêté sur la situation au Liban et en Palestine et a dénoncé ce qu’il considère comme un « deux poids, deux mesures » appliqué par la communauté internationale. Selon lui, la condamnation unanime de la Russie pour son invasion de l’Ukraine contraste avec la tolérance dont bénéficierait le gouvernement israélien dans ses actions militaires contre le Liban et la Palestine.
« Ce qui vaut pour Poutine ne vaut pas pour Netanyahu vis-à-vis de la communauté internationale », a-t-il souligné tout en rappelant que le gouvernement israélien mène, selon lui, une politique « suprémaciste et raciste. » Il précise sur ce point : « quand je dénonce les agissements vis-à-vis du Hezbollah, je ne suis pas en train de vous faire évidemment la promotion des mollahs iraniens, » dénonçant dans les deux camps l’utilisation de la religion comme modèle de domination. Il a également appelé à des mesures fortes, telles qu’un embargo économique sur Israël et la reconnaissance de l’État de Palestine par la France. Notre article.
Une opposition radicale à la politique budgétaire de Macron
Le cœur du discours d’Éric Coquerel, Président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale, s’est toutefois focalisé sur les enjeux budgétaires, qu’il qualifie de « bataille parlementaire et sociale absolument décisive ». Il a critiqué sévèrement la gestion économique du gouvernement, l’opacité de la préparation budgétaire et a démontré que les décisions prises ces dernières années ont conduit à une augmentation sans précédent des inégalités en France.
Pour Éric Coquerel, Emmanuel Macron a favorisé les intérêts du « grand capital », au point que les 500 plus grandes fortunes du pays détiennent désormais « 45 % de la richesse nationale. » Avec cette concentration des richesses, le député insoumis voit là une preuve indéniable de l’échec du macronisme, qu’il qualifie de « plus grande inégalité jamais vécue dans ce pays depuis l’Ancien Régime ».
Très lucide, Éric Coquerel a détaillé les prévisions budgétaires pour 2024, dénonçant un déficit public qui ne cesse de s’aggraver, pouvant atteindre plus de 6 % du PIB (6,2 % selon les prévisions du Trésor français). Mais, il le martèle, cette situation n’est pas liée à une explosion des dépenses publiques, comme le prétend le gouvernement, mais bien à une baisse drastique des recettes fiscales provoquée par les cadeaux fiscaux faits aux plus riches. « Les cadeaux fiscaux aux plus riches de nos concitoyens expliquent le déficit, pas l’augmentation des dépenses publiques », a-t-il affirmé.
Il estime que la solution réside dans une taxation plus juste, en ciblant les grandes fortunes et les super-dividendes. Il prône également un réexamen des « niches fiscales » qui profitent davantage aux grandes entreprises qu’aux PME. Face à ces 200 milliards d’euros par an versés aux entreprises sans contrepartie, un rééquilibrage permettrait de « proposer une politique de plus grand investissement dans l’éducation, la santé, l’écologie. »
« Le capital coûte cher », ajoute-t-il en démontrant que la dette (qui n’est pas plus élevée que dans les autres pays européens où une partie de celle-ci est « privatisée ») « n’est que le prétexte à casser les services publics. »
Pour aller plus loin : Budget – Michel Barnier prépare ses 60 milliards de saignée austéritaire dans les services publics
L’objectif : renverser le gouvernement Barnier avant l’hiver
La stratégie de LFI, tel que l’a exposée Éric Coquerel, ce 29 septembre à Pézenas dans l’Hérault, est claire : utiliser la question budgétaire pour provoquer la chute du gouvernement avant la fin de l’année. « Ce gouvernement ne doit pas passer l’hiver », a-t-il insisté. Il a appelé à une mobilisation massive, à la fois dans l’enceinte parlementaire et dans la rue. L’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale va offrir une opportunité inédite pour la gauche afin de faire bloc et d’amender profondément le projet de loi de finances présenté par le gouvernement.
Éric Coquerel a évoqué la possibilité de recourir à des amendements pour augmenter la fiscalité sur les plus fortunés et à réduire les avantages fiscaux des grandes entreprises. Et si le gouvernement tente de passer en force en recourant à l’article 49.3, le député insoumis annonce une motion de censure, qui pourrait selon lui recevoir un soutien transversal de plusieurs groupes parlementaires, y compris le Rassemblement national (RN), bien que ce dernier soit fondamentalement pour lui « la béquille du système ».
La réforme des retraites reste au centre des préoccupations de LFI
Au-delà de la question budgétaire, la réforme des retraites reste au centre des préoccupations de la France Insoumise. À Pézenas, Éric Coquerel a rappelé qu’une majorité de députés à l’Assemblée nationale est favorable à l’abrogation de cette réforme, et que ce combat ne fait que commencer. Tout en subodorant, sur ce sujet, une esbroufe du RN, le groupe parlementaire LFI compte s’attaquer à cette réforme lors de sa niche parlementaire fin novembre, avec l’espoir de trouver un soutien au Sénat pour faire avancer ce dossier.
Éric Coquerel a dressé son tableau réaliste du capitalisme actuel, qu’il décrit comme étant en passe de nous mener « littéralement à la catastrophe ». Le responsable politique LFI a argumenté sa critique sur ce qu’il qualifie de « troisième âge du capitalisme ». Selon lui, ce système, désormais financiarisé, « ne juge ses résultats qu’à l’aune de taux de profit à deux chiffres », une tendance qu’il estime dangereuse pour l’avenir de la société. Ce capitalisme, porté par une logique implacable de maximisation des profits, est pour lui responsable des crises économiques, sociales, écologiques et même politiques, auxquelles le monde fait face.
Une gauche unie pour s’opposer à la dérive autoritaire et sauver les idéaux démocratiques
Éric Coquerel soutient que chaque phase de mondialisation capitaliste s’est toujours achevée par une guerre. Il établit ainsi un parallèle entre l’actuelle instabilité géopolitique et les précédentes guerres mondiales. « Rappelez-vous que la guerre de 14-18, c’est à l’issue de la première mondialisation capitaliste », souligne-t-il, et n’hésite pas à rappeler que la recherche effrénée de profits et la concentration des richesses se sont historiquement accompagnées de conflits majeurs.
La crise écologique actuelle est, pour lui, une conséquence de ce capitalisme financiarisé, incapable de concilier les impératifs du marché avec la survie de l’écosystème. Mais ce qui inquiète encore davantage le député insoumis, c’est l’évolution politique sécuritaire et autoritaire qui en découle.
« Ce capitalisme-là, qui préconise une vision absolutiste du marché, est une tendance totalitaire,» il estime donc que, face à l’accroissement des inégalités, les capitalistes cherchent à maintenir leur domination par des moyens de plus en plus autoritaires, faisant fi des principes démocratiques. Il rappelle que le racisme est l’un des moyens d’asseoir cette domination et que la lutte contre le racisme est donc indissociable de la lutte anti-capitaliste.
Direct, il justifie le refus d’Emmanuel Macron de respecter le vote des citoyens, comme une manifestation de ce renversement autoritaire. « La décision de Macron de ne pas respecter le suffrage universel n’est pas juste une décision tactique », avance-t-il. Pour Éric Coquerel, le président est un acteur clé du chaos actuel, prêt à donner les clés du pouvoir à l’extrême droite, si elle permet la pérennité du système économique en place.
Par Jean-Philippe Vallespir